Comité Stop Nogent-sur-Seine*:
On a beau le répéter, le message
ne passe pas, ou si peu, auprès des écologistes
qui représentent une bonne fraction de ce qui reste du
mouvement antinucléaire des années 70-80. Les organisations
écologistes internationales ont diabolisé le charbon, effet de serre
oblige, et tout le monde a suivi. Greenpeace international ne
tient absolument pas compte de la situation particulière
et aberrante de la France avec sa production électrique
d'origine nucléaire voisine de 80 %. (Alors même
que si l'on remplaçait toute cette production par des combustibles
fossiles cela aurait une influence négligeable sur l'effet
de serre planétaire). Ainsi tout le monde vante l'Allemagne
pour son développement éolien mais refuse de voir
la réalité de sa production électrique par
les centrales à charbon. Pendant ce temps, chez nous la
centrale d'Albi va fermer, d'autres vont suivre et on ne fait
quasiment rien pour maintenir en état et améliorer
celles qui existent et en construire de nouvelles, qu'il s'agisse
de techniques modernes déjà éprouvées
en France ou de techniques à fort rendement développées
et utilisées dans d'autres pays.
Nous avons décrit l'an dernier la situation alarmante du parc thermique classique
EDF (voir la Lettre d'information 99/100, août-décembre
2003). Aujourd'hui avec un parc nucléaire surdimensionné,
les centrales du thermique classique (essentiellement charbon
et fioul, peu de gaz) ne servent essentiellement qu'à assurer
les pointes de consommation et une installation qui n'est appelée
à fonctionner que quelques heures par an est vulnérable
du point de vue de sa maintenance. Le but avoué dans les
documents internes EDF est d'abaisser par paliers la puissance
exploitée à 10 GW avec démantèlement
d'une bonne partie des installations mises hors exploitation.
Petit à petit ils y arrivent puisque personne ne proteste
à part les travailleurs qui se mettent en grève
et à qui sont faites des promesses mirobolantes pour les
calmer. L'an dernier 5 sites ont été visés
: Montereau, Champagne sur Oise, Vaires sur Marne, Ambès,
Loire sur Rhône. Un document interne à EDF d'il y
a quelques années indiquait pourtant pour les deux premiers
" site à bon potentiel pour du charbon dans le futur
". Le futur est arrivé et il est mort-né. Comme
sont défuntes sitôt énoncées les promesses
de la direction d'EDF et de Roussely l'an dernier lorsque la nouvelle
de mise à l'arrêt de ces 5 centrales est arrivée
déclenchant la grève. La direction d'EDF avait reçu
les délégués syndicaux et annoncé
que " 250 millions d'euros seraient débloqués
pour rénover des tranches de production d'électricité
obsolètes et qu'un site potentiel serait étudié
pour la construction d'une centrale thermique moderne ".
Au 19 mars 2003 selon une dépêche AFP "
M. Roussely n'avait pas pris de décision concernant
la fermeture des 5 sites tout en indiquant "qu'il s'agissait
d'un scénario possible". Il fait des promesses aux
syndicats concernant la rénovation de tranches du palier
250 MW (Le Havre, Blénod, La Maxe) et 600 MW (Le Havre
et Cordemais), et annonce le lancement de deux études de
faisabilité sur une tranche de cycle combiné (électricité+gaz)
et sur une tranche charbon propre ".
Ces centrales arrêtées sont mises en " Arrêt
Garanti Pluriannuel ", AGP. Les travailleurs se sont inquiétés
et continuent de s'inquiéter sur le peu de maintenance
effectué sur ces installations. Seules celles qui conservent
une bonne maintenance peuvent être éventuellement
" réactivées ". Pour les autres c'est
un retrait d'exploitation déguisé qui est
suivi de démantèlement.
Que sont devenues les 5 centrales visées l'an dernier ?
Il est quasiment impossible actuellement d'avoir des informations
concrètes à EDF étant donné le chamboulement
interne de l'entreprise.
On peut savoir, d'après les émissions de gaz carbonique
qui sont répertoriées sur le site internet d'EDF
quelles sont celles qui ont cessé de fonctionner : Champagne
sur Oise, pas de production en 2004, (la mise en AGP était
prévue au 1er juillet 2003) ; Montereau pas d'émission
depuis avril 2004, (correspond à la mise en AGP prévue
pour le 31 mai 2004) ; Vaires sur Marne qui, semble-t-il, gênerait
Roissy par sa cheminée, rien depuis mai 2004, (AGP prévue
le 31 mai 2005). Loire sur Rhône, rien depuis le
30 avril 2004 (correspond à la date prévue pour
la mise en AGP) ; la mise en AGP d'Ambès est prévue
au 31 mars 2005. La centrale d'Albi qui était en AGP a
été réactivée en 2003 mais va retourner
en AGP. Pour toutes ces centrales en sursis combien de temps avant
le démantèlement définitif ?
Donc pour le parc EDF il n'est pas question de rénovation
dans les sites qui subsistent, ni de centrales nouvelles "
high tech ". EDF n'a pas construit à Gardanne la tranche
LFC à lit fluidisé circulant de forte puissance
(600 MW). Promise depuis des années elle devait seconder
celle existante de 250 MW qui dépend désormais de
la SNET. Le groupe espagnol ENDESA est maintenant propriétaire
à 65% de la SNET et il a été question dernièrement
d'une participation de Gaz de France. Ainsi pas de LFC nouveau
en France. Par contre Alstom a vendu des LFC aux USA et à
la Chine (qui a aussi obtenu des garanties pour acquérir
le savoir faire des techniciens français). Raffarin s'est
" dévoué " en accompagnant à Pékin
le PDG d'Alstom en pleine épidémie de SRAS.
Centrale
LFC 250 MWe de Provence à Gardanne.
Quant aux centrales à gaz à cycle
combiné rien de nouveau à l'horizon à part
celle de 800 MW à Dunkerque, qui utilisera gaz naturel
et gaz de haut fourneau de la SOLLAC. Les essais ont commencé
et elle devrait entrer en activité au printemps 2005, ce
qui ferait environ 3 ans depuis le début de la construction.
Pas d'autres projets officiels en vue, une rumeur fait état
d'un site possible à Fos, un des points d'arrivée
du gaz naturel en France.
Des menaces planent sur la cogénération : une loi
du 9 août 2004 comporte un amendement de dernière
minute des sénateurs en commission mixte paritaire, adopté
sans vote, que d'aucuns n'hésitent pas à appeler
" un amendement scélérat ". Il permettra
de supprimer pour certaines installations le renouvellement du
contrat de vente d'électricité qui était
automatique au bout de 12 ans.
C'est pour montrer qu'il n'y a pas que le nucléaire et
l'éolien que nous donnons les résultats de la
production électrique allemande 2003, complétant
les données antérieures (Lettre d'information
96/97 janvier-avril 2003) en utilisant les mêmes sources
d'information (1).
Le fléchissement dans la consommation observé en
2002 ne se répète pas en 2003 qui montre une augmentation
de la consommation brute. L'Allemagne a exporté du courant.
Le pourcentage de nucléaire est en diminution, toutefois
la production 2003 est légèrement supérieure
à celle de 2002.
L'éolien est en progression. On constate que les autres
sources d'énergies renouvelables à partir des déchets
l'emportent encore sur la production électrique éolienne.
A la différence de la France la production hydraulique
est faible et l'ensemble des énergies renouvelables, y
compris l'hydraulique, représente 10,6% de la production
brute totale.
Le gaz se développe petit à petit.
En Allemagne le charbon est toujours majoritaire, représentant
51,1% de la production électrique. L'ensemble charbon,
fioul, gaz, représente 61,6% contre 27,6% de nucléaire.
On ne le répètera jamais assez tant qu'il est encore temps (l'est-il encore ?) : il faut défendre l'intégrité de tout le thermique à flamme existant en France, le développer et le moderniser. Il faut construire des turbines à gaz à cycle combiné, développer la cogénération.
Pourquoi avoir délibérément
sacrifié la production électrique à partir
du charbon en France ? Pourquoi ne pas l'avoir modernisée
?
Pourquoi les écolos/antinucléaires se sont-ils désintéressés
de ce problème fondamental pour la sortie du nucléaire
?
Ne pas s'opposer à la fermeture des centrales à
charbon et fioul c'est accepter la continuation de l'énergie
nucléaire avec ses risques d'accident grave.
Bella Belbéoch, décembre 2004.
(1) Données sur la production allemande : Franz
Wittke, Hans-Joachim Ziesing " Stagnierender Primärenergieverbrauch
in Deutschland "
Wochenbericht des DIW Berlin 7/04 (2004).
* Le Comité Stop Nogent-sur-Seine est signataire de la Charte pour l'arrêt immédiat du nucléaire.
Il apparaît clairement que dans la production électrique la part du charbon et des fossiles en général est 6 à 10 fois plus faible en France qu'en Allemagne alors que celle des énergies renouvelables est plus élevée en France qu'en Allemagne, ce qui va en surprendre beaucoup !
Données publiées par le ministère
de l'industrie pour 2003
Afin de pointer les différences avec nos voisins il est
important d'avoir accès aux mêmes données
pour pouvoir les comparer et donc d'avoir les détails
de la production électrique brute. Ce n'est pas si
évident car la nomenclature des différentes rubriques
n'est pas la même en Allemagne et chez nous.
Les différentes sources d'information, émanant du
même ministère de l'industrie, ne sont pas toujours
cohérentes.
1)- Le dépliant " statistiques énergétiques
France, énergies et matières premières,
août 2004 " donne des estimations simplifiées
: une production d'électricité brute de 566,9
TWh, dont 441,1 TWh par le nucléaire (78%), 65,2 TWh
par l'hydraulique (11,5%) 60,6 TWh par le thermique classique
(11%) [dont charbon 28,1 TWh, fioul 2,4 TWh, "autres"
30,1 TWh]. L'ensemble charbon+fioul ne représente que 5,4%
de la production totale (contre 52% en Allemagne).
(Le solde export-import est de 66 TWh. La consommation brute est
donc de 500,9 TWh).
2)- Détails sur la production brute thermique
classique.
Ils sont donnés dans le fascicule "l'énergie
", édition 2004, page 139. La production s'élève
bien à 60,6 TWh comme précédemment mais répartis
de la façon suivante :
Charbon+lignite 26,4 TWh
Fiouls 8,6 TWh
dont fioul lourd, fioul domestique et coke de pétrole
( ?)
Gaz naturel 18,1 TWh
Divers 7,5 TWh
dont gaz de hauts fourneaux, de raffineries, de déchets
ménagers, résidus industriels, bois, etc.
On voit que charbon+fiouls représentent 35 TWh soit
6,2% de la production totale, l'ensemble des fossiles charbon+fioul+gaz
naturel représentent 53,1 TWh soit 9,4% de la production
brute totale. On est loin des 61,6% de la production allemande
!
3)- Au sujet des énergies renouvelables
Il est précisé, dans le fascicule "l'énergie"
déjà cité, que dans les 65,2 TWh de "l'hydraulique"
sont comptabilisés le solaire photovoltaïque et l'éolien.
Davantage de détails figurent dans la base de données
"Pegase" sur les statistiques énergétiques
à la section " production d'origine électrique
d'origine renouvelable selon la filière " :
La production d'électricité d'origine renouvelable
est de 70,273 TWh dont 64,877 TWh par l'hydraulique ; 3,285
TWh par les déchets urbains ; 1,344 TWh à partir
du bois et déchets de bois ; 0,342 TWh par l'éolien
; 0,0094 TWh par le solaire photovoltaïque ; 0,416 TWh par
biogaz. (On retrouve bien les 65,2 TWh précédents
en additionnant hydraulique et éolien).
Avec ces définitions le renouvelable en France représente
12,4% de la production totale brute ! Plus qu'en Allemagne. L'hydraulique
et l'éolien seuls représentent 11,5% de la production
totale brute !
(Il y a un petit problème, me semble-t-il, car les
gaz issus des déchets urbains, bois et résidus de
bois soit 4,6 TWh ont été précédemment
comptabilisés dans les " divers " du thermique
classique).
Ni l'Allemagne, ni le Danemark n'ont l'intention de réduire leur production électrique par le charbon car, contrairement à la France, ces pays développent et utilisent des techniques " charbon propre ".
Ces techniques ont été signalées
dans les Lettres précédentes (par exemple
101/102). Rappelons les succinctement.
- Technologies de la combustion du charbon en lit fluidisé
: comme celles mises au point en France, le lit fluidisé
circulant LFC de Gardanne (Provence) et Carling (Lorraine). Cette
technique permet d'utiliser des charbons de mauvaise qualité,
des déchets, de la biomasse. Le combustible est brûlé
dans un lit de particules solides maintenues en suspension dans
un courant d'air ascendant, à une température modérée
de l'ordre de 850°C ce qui évite la fusion des cendres
et limite la production d'oxydes d'azote.
Vue
de la chaudière LFC de 125 MWe, située à
Carling en Lorraine, qui brûle des résidus de lavage
du charbon.
Une augmentation du rendement est prévue
à l'étranger en améliorant cette technique
par une combustion sous pression ce qui permet la détente
des gaz dans une turbine à gaz.
- Les centrales à cycle combiné avec gazéification
intégrée du charbon IGCC (en Belgique, à
Puertollano en Espagne). Au lieu d'utiliser le gaz naturel c'est
un gaz synthétique qui est produit vers 1500°C sous
une pression de 28 bar. Ce gaz est purifié avant d'alimenter
une turbine à cycle combiné.
- Les centrales à vapeur supercritique à
grand développement actuellement. Les cycles supercritiques
existent depuis longtemps, ils ont été introduits
dans la production électrique au cours des années
50 et des centrales supercritiques ont été construites
en Allemagne, au Danemark, aux USA, Japon.
Les centrales à vapeur classiques brûlent des combustibles
fossiles comme le charbon pulvérisé, le fioul, le
gaz et sont " sous-critiques ", elles fonctionnent avec
une vapeur à l'admission de la turbine à vapeur
en dessous du point critique de l'eau.
Chauffée au point critique sous 221 bar et 374°C l'eau
passe directement à l'état de vapeur sans ébullition.
Dans une centrale supercritique (SC) la pression de la vapeur
surchauffée dépasse la valeur critique 221 bar.
On parle de centrale supercritique avancée (SCA) pour 250
bar et 565°C, de centrale ultrasupercritique (UCS) si la vapeur
atteint ou dépasse 300 bar, 585°C. Les rendements augmentent
en passant de SCA à UCS. Des centrales allemandes SCA atteignent
43% à Staudinger et Rostock, 45% à Hessler et Lübeck.
Ces centrales supercritiques sont très flexibles vis-à-vis
du combustible. Des centrales USC sont en projet au Danemark,
celle qui devrait être mise en service en 2005 aurait un
rendement net annoncé de 50,8%.
Il est évident qu'à production électrique
égale, ces centrales à fort rendement émettent
moins de gaz carbonique que celles à faible rendement.
Référence : rapport principal de la Commission Ampère (Belgique) section D Technologies, gaz-vapeur, charbon et cogénération.
Bella Belbéoch
Lire: "Le charbon, une énergie d'avenir ?", Science & Vie hors série "ENERGIE les défis à venir" n°214, mars 2001.
http://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/nucleaire/r1359-18.asp
Schéma de principe de la chaudière LFC de Gardanne.
"... La centrale à lit fluidisé
de Gardanne est actuellement la plus puissante au monde.
La technologie du lit fluidisé circulant présente
l'intérêt particulier de pouvoir utiliser une large
gamme de combustibles. La technique du LFC a prouvé sa
capacité à consommer des combustibles difficiles,
comme les « schlamms » de Lorraine, ou le
charbon fortement soufré de Gardanne. Elle peut s'appliquer
également à la combustion des brais pétroliers,
des boues de traitement des eaux usées, de la biomasse
et même des déchets combustibles.
Grâce à l'injection directe de calcaire dans le foyer,
la désulfuration est réalisée à 90
%, pour un ratio calcium-soufre de 1,5 à 2 et peut même
atteindre 95 %.
La formation d'oxydes d'azote est peu importante, du fait que
la température du foyer est limitée à 850
°C. Les émissions de NOx peuvent être encore
diminuées par l'injection complémentaire d'ammoniac.
L'expérience acquise par la SNET et le groupe Charbonnages
de France sur la technologie LFC est considérable.
Une première centrale de 125 MWe a été mise
en service à Carling en 1990.
La seconde centrale, celle de Gardanne d'une puissance de 250
MWe, est la plus puissante du monde. Elle démontre une
souplesse remarquable, sa puissance pouvant varier entre 65 et
250 MWe. La désulfuration atteint 99,7 %. La teneur des
fumées en oxydes d'azote atteint 240 mg/Nm3, les imbrûlés
représentent 0,40 % et le rendement de la chaudière
atteint 95,7 %.
Les voies de progrès sont les suivantes : d'une part
l'augmentation de puissance, avec un passage au palier 600 MWe :
d'une part l'amélioration des rendements avec une évolution
vers un cycle vapeur supercritique ; d'autre part la diminution
des coûts avec une diminution des surfaces en matériaux
réfractaires ; enfin à plus long terme, l'intégration
d'un cycle combiné gaz..."