A la mort de son père, Emile Armet de Lisle hérite en 1878 d'une fabrique de quinquinas. Installée à Nogent-sur-Marne, cette usine est perçue comme la plus importante dans sa spécialité, chaque année, elle traite 500 000 kilos de quinquinna. Quand il prend la direction de la maison, Emile Armet de Lisle se contente d'abord de poursuivre l'entreprise de son père. Mais très vite, il s'intéresse aux travaux des Curie. Dès le départ, des relations serrées se nouent entre lui et le laboratoire des Curie. En 1904, il se lance grâce à eux dans la production industrielle du radium. Pour Armet de Lisle, le laboratoire est un réservoir naturel de techniciens et conseillers. De surcroît, son entreprise peut associer son nom à celui du couple de savants les plus célèbres de France. Sa publicité ne se fait pas faute de le rappeler: l'activité de ses sels de radium « est mesurée avec les appareils de M. Curie par son préparateur Mr Danne ». En retour, les Curie obtiennent un soutien logistique essentiel pour leurs travaux.
Une seconde usine, financée par Henri de Rothschild, sera installée à l'lle-Saint-Denis pour la Société des traitements chimiques de Saint-Denis. Pendant sa première décennie, la firme d'Armet de Lisle se porte plutôt bien. Elle parvient à tenir tête au radium américain qui domine le marché à partir de 1913. Mais dans les années 20, elle s'effondre. Les Belges, ayant découvert de riches minerais au Congo belge, cassent les prix.
Extrait de Contrôle n°195, novembre 2012 :
Par Olivier Chabanis, Service d'intervention
et d'assistance en radioprotection, Institut de radioprotection
et de sûreté nucléaire (IRSN)
Le contexte et les objectifs des études menées
par l'IRSN à l'Ile-Saint-Denis
De 1913 à 1928, la société SATCHI a exercé
une activité industrielle d'extraction du radium à
partir de minerais d'uranium sur un site situé à
l'Ile-Saint-Denis, dans le département de la Seine-Saint-Denis.
Les locaux de la société SATCHI servaient à
la production de radium utilisé dans le domaine industriel
et médical et hébergeaient un laboratoire utilisé
par Marie Curie dans le cadre de ses travaux de recherche.
Photo aérienne du site
pollué (cerclé de rouge) et de son environnement
(1934).
Après la cessation des activités
liées à l'extraction de radium en 1928 et jusqu'en
2005, le site a accueilli une activité de récupération
d'os et de carcasses animales, exercée successivement par
plusieurs entreprises. Pendant toute cette période, le
site était utilisé essentiellement comme plate-forme
d'entreposage avant acheminement des matières vers des
centres de traitement industriel. Cet ancien site industriel,
d'une superficie d'environ 6 000 m2, est actuellement à
l'état de friche. Il est situé dans un environnement
industriel dense et encadré par les deux bras de la Seine.
[...] Un périmètre d'étude d'une dizaine
d'hectares autour de l'ancien site d'extraction de radium a ainsi
été identifié. Ce périmètre
d'étude autour du site pollué est constitué
de zones de circulation (routes, chemins piétons), de parkings
ainsi que de terrains occupés par des activités
industrielles (entrepôts, ateliers).
[...] Environ 120 forages ont ainsi été réalisés
sur l'emprise du site industriel pollué et dans son environnement.
Ces sondages permettent de disposer d'éléments pertinents
pour évaluer l'étendue de la contamination en profondeur,
notamment dans le cadre d'un projet de réaménagement.
[...] Les échantillons prélevés, environ
350, ont été analysés par spectrométrie
gamma dans le véhicule laboratoire de l'IRSN présent
sur le site sur toute la durée de la campagne de forage.
Les éléments recherchés appartiennent aux
chaînes de l'uranium 238, de l'uranium 235 et du thorium
232.
[...] Enfin, la pollution au radium des sols pouvant entraîner
l'accumulation de radon dans les bâtiments localisés
dans le périmètre de l'étude, l'IRSN a complété
le diagnostic par une campagne de dépistage de ce gaz radioactif
généré par la désintégration
du radium. Celle-ci a conduit à réaliser une quinzaine
de mesures réparties dans cinq bâtiments situés
dans le périmètre d'investigation.
Les résultats du diagnostic réalisé par
l'IRSN dans l'emprise du site industriel pollué
[...] La cartographie des débits de dose est présentée
ci-dessus. Sur le site pollué, elle montre que les débits
de dose à 50 cm du sol sont très hétérogènes
et peuvent atteindre 8 mSv/h, soit plus de cent fois la valeur
du bruit de fond local. [...] 190 échantillons ont ainsi
été constitués et analysés [...].
Les résultats des
analyses ont mis en évidence une pollution radiologique
jusqu'au terrain naturel situé à environ 3 m de
profondeur, voire au-delà. Les niveaux de pollution mesurés
sont compris globalement entre 750 et 10 000 fois le bruit de
fond, estimé à environ 40 Bq/kg (par exemple, 100
Bq/g en radium 226 à 3,5 m de profondeur). [...] L'estimation
de ce volume sur l'emprise du site industriel est comprise entre
15 000 et 20 000 m3, dont environ 4 000 m3 présentant une
activité massique en radium supérieure à
10 Bq/g.
Les résultats du diagnostic réalisé dans l'environnement du site industriel pollué
Concernant les
mesures radiologiques réalisées dans un périmètre
d'environ 10 hectares autour du site pollué, 5 zones d'intérêt
ont été mises en évidence par les mesures
radiamétriques de surface. Ces zones
très localisées sont situées dans l'emprise
de sites industriels voisins ainsi que sur les berges Ouest et
Est de la Seine. Les valeurs de débit de dose se situent
entre 2 et 25 fois le bruit de fond.
La campagne de forage (environ 50 sondages) réalisée
dans le périmètre de l'étude a permis de
prélever environ 150 échantillons qui ont été
analysés in situ par spectrométrie gamma.
Les résultats de ces analyses confirment la présence
d'une pollution par du radium en profondeur (pouvant aller jusqu'à
1,5 m) sur les zones d'intérêt identifiées
lors des prospections radiologiques de surface. Les niveaux mesurés
sont de l'ordre de 10 à 250 fois le bruit de fond de la
région. [...]
[...] Enfin, les mesures d'activité volumique en radon
réalisées dans les bâtiments présents
sur les sites mitoyens au site pollué sont supérieures
au niveau moyen mesuré pour la Seine-Saint-Denis (environ
30 Bq/m3) sans toute fois dépasser la valeur de 400 Bq/m3
retenue comme niveau d'action par la réglementation dans
le cas des lieux ouverts au public et des lieux de travail. Seul l'un des bâtiments présente
une activité volumique du radon supérieure à
400 Bq/m3, les niveaux mesurés pouvant même atteindre,
dans certaines pièces, plus de 50 fois cette valeur. Compte
tenu de ces résultats, un arrêté préfectoral
a été mis en place pour prendre en compte cette
situation spécifique d'exposition au radon dans ce bâtiment,
notamment en imposant des restrictions d'accès [...].