La république de Bélarus,
une des ex-républiques de l'URSS, a acquis son indépendance
en 1991. Sa population est 10 millions d'habitants, sa superficie
-207 600 km2. Elle est limitrophe avec la Lituanie, la Lettonie,
la Pologne, l'Ukraine et la Russie.
La communauté internationale connaît parfaitement
la date de a catastrophe de Tchernobyl -le 26 avril 1986-. Mais
en fait peu de gens connaissent le vrai impact de cet accident
sur des millions d'habitants des trois pays slaves : le Bélarus,
l'Ukraine et la Russie. Il est difficile de surmonter le stéréotype
: comme cette catastrophe s'était produite dans la ville
ukrainienne de Tchernobyl, donc c'est uniquement ce pays qui en
a souffert le plus. En réalité, la plus grande partie
du nuage radioactif s'est dirigée vers le Bélarus
ayant aussi touché par une de ses ailes la Russie et par
l'autre - un certain nombre de pays européens.
Notre pays a reçu le choc principal de la catastrophe,
23% du territoire du Bélarus a été contaminé
par les radionucléides de longue durée, 70% des
déchets radioactifs ont pénétré le
sol bélarussien pour des décennies à venir.
Un habitant sur cinq est affecté, soit plus de 2 millions
de personnes. Une grande quantité des terres (2 640 km2) et plus d'un quart des massifs forestiers
sont exclus de l'exploitation.
Selon les calculs scientifiques,
le préjudice économique porté à notre
pays par cet accident est équivalent à 32 budgets
annuels du Bélarus de l'année 1986, soit 235 milliards
de dollars américains nécessaires pour en surmonter
les conséquences pendant une période de 30 ans.
Mais revenons en 1986.
Jusqu'en 1991, la lutte contre
les premières suites de la catastrophe, l'évacuation
des habitants de la zone de 30 km, leur déménagement
dans les régions propres du Bélarus, la prise des
mesures de première urgence, la définition des normes
et niveaux admissibles de la contamination radioactive ainsi que
beaucoup d'autres sujets étaient décidés
par les dirigeants de l'URSS.
Les moyens nécessaires
ont été alloués du budget de l'Union composée
de 15 républiques. Après la dissolution de l'Union
Soviétique, la République de Bélarus s'est
retrouvée seule face au fardeau des conséquences
de la catastrophe. Au cours des premières années
après cet accident le Bélarus consacrait aux problèmes
de Tchernobyl, jusqu'à 25% de son budget. Actuellement
ce chiffre est un peu inférieur.
En 1988 les Nations Unies
ont reconnu le caractère planétaire des conséquences
de Tchernobyl en tant que catastrophe écologique radioactive
globale, ayant concentré son attention sur les problèmes
les plus aigus de la population qui a souffert suite à
cette catastrophe considérée comme une tragédie
humanitaire internationale de longue portée.
La protection et les soins des victimes de cette catastrophe étant
une des principales fonctions de l'État, les autorités
du Bélarus ont appuyé l'initiative de lancement
d'un programme spécial de liquidation des conséquences
de la catastrophe de Tchernobyl.
Vu l'échelle de la
contamination et le fait que plus de trois mille villes et villages
se trouvent en zone de risque radiologique, force est de constater
le manque énorme de moyens pour la mise en oeuvre de tout
l'éventail des mesures nécessaires à minimiser
l'impact de l'irradiation sur la population et l'environnement
du Bélarus. Et pourtant, les autorités de la République
de Bélarus n'ont pas abandonné leurs citoyens et,
14 ans après cette tragédie, prêtent beaucoup
d'attention à la situation dans les régions affectées
et aux gens qui y habitent.
En conformité avec
le programme de minimisation des conséquences de la catastrophe
de Tchernobyl, tout un nombre de mesures d'urgence et de longue
portée sont déjà réalisées,
d'autres sont en train d'être mises en place. 135 mille
personnes ont été déménagées
dans les régions propres. De nouvelles habitations et infrastructures
ont été construites par l'État pour les personnes
déménagées. 5 mille citoyens bélarussiens
ont encore droit au déménagement et l'État
leur garantit ce droit.
Les efforts de déménagement
signifient non seulement des dépenses matérielles
considérables, mais aussi la nécessité d'accorder
de l'aide psychologique, car il faut expliquer aux gens le danger
provenant d'un ennemi invisible et non palpable, il faut chercher
et trouver des mots pour persuader les gens de quitter leurs lieux
d'habitation traditionnelle et ceux de leurs ancêtres sans
parler de la nature magnifique du sud du Bélarus.
Actuellement, plus de 1,5
millions de personnes habitent dans la zone de contamination radioactive.
Et nous disons avec douleur que 437 mille d'entre elles sont des
enfants.
Chaque année l'État
bélarussien dépense plus de 50% du budget consacré
aux conséquences de Tchernobyl pour la mise en oeuvre des
mesures de réhabilitation pour les enfants. Malgré
le manque constant de ressources, l'État réalise
des programmes spéciaux pour enfants dont le programme
présidentiel "Enfants de Bélarus" qui
inclut le sous-programme spécial "Enfants de Tchernobyl".
La loi sur la protection sociale
des citoyens affectés par la catastrophe à la centrale
nucléaire de Tchernobyl prévoit la remise en forme
des enfants affectés, deux fois par an, dans les centres
pour la réhabilitation et remise en forme se situant dans
les territoires propres. La nutrition gratuite des enfants par
des aliments propres est organisée dans les établissements
préscolaires et scolaires. Les examens médicaux
et traitements gratuits se font chaque année. L'attention
importante est accordée à l'élaboration des
programmes et manuels éducatifs spéciaux destinés
à développer chez les enfants la nouvelle culture
écologique. Nous travaillons pour apprendre aux enfants
les habitudes pratiques de comportement dans les conditions de
risque continu à leur santé.
Les enfants et la jeunesse
ayant appris la culture de vivre dans les territoire contaminés
sauront gérer les risques et éviter les dangers
pour leur santé. Dans ce sens notre pays a encore un grand
travail à accomplir qui doit être mené d'une
façon systématique et basé sur les données
scientifiques.
Malheureusement, l'État
bélarussien ne dispose pas de moyens suffisants pour résoudre
les problèmes liés aux conséquences de Tchernobyl
dans tous les domaines de l'économie. Et pourtant la spécificité
de la contamination radioactive est qu'aucun pays du monde n'est
capable de les surmonter pendant une courte période du
temps. C'est pour cette raison que nous devons unir nos efforts
pour liquider les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl.
En aidant le Bélarus, la communauté internationale
va mieux comprendre la nature réelle de l'atome, son utilité
et son mal, élaborer les moyens de protection et les transmettre
aux populations. Le problème de Tchernobyl doit être
hors de la politique parce que la radiation ne connaît pas
les frontières et ne respecte pas les conditions des conventions
internationales.
Nous avons été quelque
peu surpris de la demande faite par l'Ambassade du Bélarus
à Paris de publier dans la Gazette Nucléaire
l'article du Pr. Vladimir Tsalko sur les conséquences de
Tchernobyl en République de Bélarus. Cet article
n'a pas pu être publié pour la date de fermeture
de la centrale de Tchernobyl le 15 décembre 2000, comme
le demandait M. Romanovsky, Attaché de presse de l'Ambassade
car la Gazette était déjà sous presse.
Le texte du Pr. Tsalko montre
l'ampleur de la catastrophe, souligne l'impuissance du gouvernement
bélarusse à résoudre les problèmes
malgré ses efforts et demande l'aide de la communauté
internationale.
Année après
année nous avons insisté dans la Gazette Nucléaire
sur la dégradation de la situation sanitaire dans les zones
contaminées d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie,
suite à la catastrophe de Tchernobyl. Nous avons incité
médecins et journalistes à aller enquêter
sur place en Biélorussie à une époque où
tous se précipitaient dans la zone interdite. Nous essayons
de faire entendre la voix de ceux qui disent autre chose que la
version des experts internationaux. La situation est particulièrement
dramatique au Bélarus (ex-Biélorussie). Qui plus
est, le Belarus n'a rien à monnayer contrairement à
l'Ukraine qui a joué sur la fermeture définitive
de la centrale de Tchernobyl.
Ainsi les lecteurs attentifs
des dossiers de la Gazette Nucléaire consacrés
à Tchernobyl ne sont pas sans ignorer qu'il y a deux versions complètement
contradictoires concernant les conséquences sanitaires
de Tchernobyl dans les
trois républiques de l'ex-URSS qui ont été
les plus contaminées par les retombées de Tchernobyl
: la version des experts officiels pour qui il ne s'est
quasiment rien passé à Tchernobyl et celle des
médecins et scientifiques de terrain pour qui la situation
sanitaire ne fait que s'aggraver pour les habitants des zones
contaminées.
On ne peut pas dire qu'on
est aidé par les médias. Un exemple, le journal
Le Monde rapportera fidèlement les mutations observées
chez les hirondelles devenues blanches mais ne produira que la
version très partiale de l'IPSN (Institut de protection
et sûreté nucléaire) visant à nier
un quelconque effet lorsqu'il s'agit des mutations minisatellites
observées chez des enfants nés de parents vivant
dans les zones contaminées du Bélarus. Et dans ce
cas vous pouvez toujours écrire au courrier des lecteurs...
Succès nul garanti.
Ce sont pratiquement les mêmes
experts qu'on retrouve dans toutes les commissions nationales,
européennes et internationales. (Un bon exemple était
fourni par le Pr. Pellerin). Les experts de l'UNSCEAR (le Comité
scientifique des Nations Unies sur les effets des radiations atomiques
et), avaient dès 1988 entériné la dose collective
estimée par le Pr. Iline, le responsable de la radioprotection
soviétique (lui aussi on le trouve dans tous les comités),
dose révisée à la baisse par rapport à
celle du rapport soviétique à l'AIEA d'août
1986 ce qui diminuait d'autant les effets à long terme
de la catastrophe, cancers mortels et effets génétiques.
Pour les experts internationaux
du " Projet International Tchernobyl " réalisé
sous l'égide de l'AIEA (agence internationale de l'énergie
atomique) le rapport final présenté à Vienne
en mai 1991 indiquait que les rayonnements n'avaient eu aucun
effet nocif sur la santé de la population des régions
contaminées. Il a même été dit que
les mesures prises par le pouvoir central soviétique pour
protéger la population contre les effets à long
terme des radiations furent " excessives ". Rappelons
que les délégués scientifiques d'Ukraine
et de Biélorussie ont quitté la séance de
clôture en signe de protestation.
Dans les conclusions du dernier Rapport UNSCEAR 2000 Sources
and Effects of Ionizing Radiation on peut lire au sujet de
Tchernobyl qu'il y a eu 30 morts dans les jours et quelques semaines
qui ont suivi l'explosion du réacteur parmi les travailleurs,
qu'il y a eu des lésions dues à l'irradiation chez
plus d'une centaine d'autres. Dans la population "il y
a eu environ 1800 cas de cancers de la thyroïde chez des
enfants exposés au moment de l'accident et si cette tendance
se poursuit il pourrait y avoir plus de cas durant les prochaines
décades. Mis à part cet accroissement il n'a pas
été mis en évidence d'impact sanitaire majeur
pour la population pouvant être attribué à
une exposition aux radiations 14 ans après l'accident ".
Pas de preuves d'augmentation de cancers, ni de leucémie
même chez les liquidateurs (...). Et enfin, (je souligne)
:" Pour la grande majorité de la population
il est improbable qu'elle soit l'objet de conséquences
sanitaires sérieuses qui résulteraient d'une irradiation
due à l'accident de Tchernobyl ".
Fait nouveau et à marquer
d'une pierre blanche, le Monde publie un article de Nathalie
Nougayrède (Le Monde 20 mai 2000) " Les
enfants de Tchernobylface à la " mort invisible"
". La journaliste témoigne de la vie quotidienne
dans les zones contaminées de Belarus, (là vivent
500 000 enfants), elle rapporte les combats et les déboires
du Pr. Vassili Nesterenko, qui tente d'aider les familles à
lutter contre les effets de l'irradiation. Cet article a fait
tilt, il n'est pas dans la ligne de l'UNSCEAR.
D'où le courroux du
Pr. Lacronique, qui dirige l'Office de protection contre les rayonnements
ionisants (OPRI, Office ayant remplacé le SCPRI, service
central de protection contre les rayonnements ionisants). Ce Professeur,
désormais membre de la sphère des experts officiels
en radioprotection, est tout naturellement membre de l'UNSCEAR
comme le fut autrefois son prédécesseur le Pr. Pellerin.
Par un courrier au Monde (4 juillet 2000) titré
" La vérité sur Tchernobyl "
il " réagit " à l'article de Nathalie
Nougayrède. Le Pr. Lacronique, chef de la délégation
française venait justement de participer à deux
semaines de travail dans le cadre de l'UNSCEAR. Le courroux du
Pr. Lacronique est encore plus grand vis-à-vis de Ross
Mountain, directeur du bureau de la coordination des affaires
humanitaires des Nations unies (OCHA) qui a adressé un
courrier au Monde le 27 mai, texte " grossièrement
tendancieux " selon le Pr. Lacronique.
Ainsi on perçoit comme
un " frémissement " du côté des
affaires humanitaires, on ne prend plus pour argent comptant ce
que racontent les officiels car le décalage est trop grand
entre leurs déclarations lénifiantes et ce qui se
vit journellement sur le terrain.
Un combat entre les dinosaures
et les modernes qui veulent tout simplement être plus crédibles
? Serait-il plus difficile aujourd'hui d'envoyer en Ukraine et
en Biélorussie le Pr. Pellerin parmi les trois experts
de l'OMS dont le rapport de juin 1989 indiquait " que
les scientifiques [locaux] qui n'ont pas de profondes connaissances
sur les effets des radiations ont attribué divers effets
biologiques et sanitaires à l'exposition aux rayonnements
". En somme des incompétents ces scientifiques
locaux. Suivi d'un couplet sur le fait que ces effets étaient
bien plus vraisemblablement dus à des facteurs psychologiques
et au stress. Il serait probablement impossible aujourd'hui d'envoyer
Croix-Rouge
et Croissant-Rouge en Biélorussie et en Ukraine comme cela
a été fait en 1990 et de leur faire conclure, comme précédemment
l'OMS, que nombre de symptômes physiques étaient
dus au stress psychologique. Entre temps il y a eu l'épidémie des cancers de la thyroïde
des enfants, impossibles à nier (bien qu'ils aient
été niés au début)...
C'est dans ce contexte qu'il faut
replacer la demande faite à la Gazette Nucléaire
par l'Ambassade du Belarus à Paris de publier un article
du Pr. Tsalko sur les conséquences de Tchernobyl en République
de Belarus où l'aide internationale est sollicitée.
Il faut signaler que nous
avons fait appel à Monsieur l'Ambassadeur du Belarus à
Paris à plusieurs reprises depuis le mois d'octobre 1999
et nous le remercions ici pour avoir effectué toutes les
démarches que nous lui avons demandées.
Tout d'abord pour avoir transmis
notre courrier du 16 octobre 1999 au Procureur de la République
du Belarus afin d'obtenir des précisions au sujet de l'arrestation
du Pr. Youri Bandazhevsky, Recteur de l'Institut de médecine
de la ville de Gomel, et des conditions de sa détention.
Rappelons que le Pr. Bandazhevsky
a étudié les conséquences sanitaires de l'incorporation
de radionucléides par les habitants des zones contaminées
de la région de Gomel en particulier du Césium 137
chez les enfants et montré que les effets nocifs, entre
autres sur le système cardio-vasculaire, le système
immunitaire, les organes de la vision, augmentent avec la charge
en césium 137 par kilogramme de poids de l'enfant.
Le Pr. Bandazhevsky a été
considéré par Amnesty International comme
un prisonnier de conscience potentiel. Si nous avons été
heureux de la libération du Pr. Bandazhevsky après
plus de 5 mois de détention pour les fêtes en fin
d'année dernière, nous avons été atterrés
d'apprendre que sa détention dans des conditions très
difficiles a notablement affecté sa santé. D'autre
part il a été destitué de son poste et son
procès n'a toujours pas eu lieu.
En date du 27 février
2000 nous demandions à M. l'Ambassadeur de faire parvenir
notre lettre au Président de la République du Bélarus,
M. Alexandre Loukachenko, afin qu'il autorise la venue à
Paris du Pr. Bandazhevsky pour recevoir la médaille du
14ème congrès mondial de l'IPPNW pour l'ensemble
de ses travaux. Malheureusement cette autorisation ne lui a pas
été accordée.
Puis nous avons été
très préoccupés par les attaques émanant
du Ministère de la santé de la République
de Belarus contre le Pr. Nesterenko, Directeur de l'Institut indépendant
BELRAD. Cet Institut vise à améliorer la radioprotection
des habitants vivant en zones contaminées. Il possède
plusieurs unités mobiles et effectue sur des enfants des
mesures par spectrométrie gamma de la charge en césium
137 incorporé via la nourriture en se déplaçant
dans les villages contaminés. Ce sont des anthropogammamètres
simplifiés enregistrant les raies du césium 137
et du potassium 40.
Cet institut a effectué
depuis 1996 des mesures sur plus de 55'000 enfants dans les écoles
et les crèches grâce à 6 laboratoires mobiles.
Rappelons qu'il a ainsi été décelé
que certains enfants ont des charges en césium 137 allant
jusqu'à plus de 7 000 Bq/kg dans des villages du district
de Narovlia! Or, d'après les travaux du Pr. Y. Bandazhevsky
des troubles apparaissent dès que la charge est supérieure
à 25-50 Bq/kg.
Contrairement à la loi, le Ministère de la santé
conteste le droit au Pr. Nesterenko d'effectuer ces mesures sous
le prétexte fallacieux que ce serait un acte médical
(notre lettre du 16 août 2000 adressée au Ministre
de la santé du Bélarus).
Ces mesures de charge incorporée
sont très importantes pour la surveillance radiologique
des enfants. En effet il est possible d'éliminer une fraction
importante du césium 137 en fournissant aux enfants un
complément alimentaire sous la forme de comprimés
à base de pectine (présente dans de nombreux fruits),
ce qui se fait également en Ukraine.
Nous sommes alors intervenus
par courrier du 21 septembre 2000 auprès de M. Alexandre
Loukachenko, Président de la République du Belarus.
C'est là qu'il devient
difficile de comprendre les attaques subies par les Pr Bandazhevsky
et Nesterenko. Certes c'est moins grave que l'emprisonnement,
mais d'autres scientifiques ont subi des pressions, il y a eu
des remaniements de laboratoires, des réorganisations dont
le résultat est la cessation de certaines études
etc.
Le texte du Pr. Tsalko montre
bien que la situation sanitaire au Belarus est très préoccupante.
C'est à l'OPRI, à l'IPSN, au ministère de
la santé, au Parlement que le Pr. Tsalko doit envoyer son
texte mais aussi à l'UNSCEAR pour obtenir une aide internationale
en disant la vérité sur la situation réelle,
en fustigeant ceux qui mentent lorsqu'ils disent qu'il est
improbable que la population ait à subir des effets néfastes
suite à Tchernobyl alors qu'elle les subit déjà.
Il faut que le gouvernement
du Belarus ait une position claire:
- ou il est d'accord avec
les instances telles que l'UNSCEAR et alors il ne peut attendre
aucune aide internationale quelle qu'elle soit puisque pour ces
experts il ne s'est rien passé à Tchernobyl, hormis
quelques enfants atteints de cancers de la thyroïde.
- ou il dit la vérité
sur les conséquences néfastes de Tchernobyl et demande
ouvertement l'aide internationale. Mais il faut pour que la vérité
soit reconnue qu'il soutienne ses scientifiques qui osent encore
faire face à ce qui ressemble fort à un complot
international et alors il faut que cessent les brimades, l'arbitraire,
que cesse la répression à leur encontre, et au contraire
il faut les encourager à poursuivre leurs travaux.
Nous voulons espérer
que, comme dans tout État de droit, la société
civile puisse avoir la liberté d'entretenir une collaboration
directe avec ces chercheurs et puisse soutenir financièrement
les travaux qui ont une portée bien en dehors des frontières
du Belarus, car personne n'est à l'abri d'un accident nucléaire
dans son propre pays.
Gazette Nucléaire n°187/188 janvier 2001
Service d'information
L'ancien recteur de l'Institut de Médecine de Gomel, Yuri Bandazhevsky, est de nouveau derrière les barreaux. Peu avant il avait répondu aux questions du correspondant de "BGD". Il y a de grandes chances que ce soit sa dernière interview d'homme libre.
- Si je ne m'abuse, les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité dans le monde entier?
- C'est vrai. Mais regardez un peu cette photo. Ce n'est pas une route pavée, comme on pourrait le croire à première vue, c'est la structure histologique du muscle cardiaque d'un habitant de Dobrouch, décédé subitement à l'âge de 43 ans. Vous voyez cet énorme dème? Quant à ces "trous", ils se sont formés à la place des cellules tuées par le radiocésium, quoique sa concentration n'ait pas été excessive dans ce cas précis, pas plus de 45 Bq/kg. Pourtant c'est un fait, il marchait, il est tombé et il est mort. C'est un cas parmi une multitude de cas semblables. Voilà pourquoi je ne serai jamais las de répéter que c'est un crime de fermer les yeux sur les effets chroniques de la radiation et sur l'incorporation des radionucléides dans l'organisme humain. Le cur est un organe énergétique au travail intense qui comporte un mécanisme de contraction et de relâchement des structures cellulaires du myocarde. Ce mécanisme est extrêmement sensible à la quantité d'énergie amenée. Le césium attaque les systèmes enzymatiques responsables pour la "livraison" de cette énergie et provoque ainsi l'arrêt du cur: la contraction commence mais le relâchement "freine".
- C'est effrayant
- Et comment! Mais il fallait s'effrayer bien avant. En 1993 nous avions déjà mis en évidence la corrélation directe qui existe entre les troubles cardiaques chez l'enfant et la quantité de radiocésium incorporé. Ma femme, Galina Bandazhevskaya, qui est cardiologue pédiatre, s'est consacrée à l'étude de ce problème. Quand les Japonais ont découvert son article dans une revue médicale, ils sont venus exprès pour faire un film sur nos recherches. Des journalistes occidentaux ont également fait plusieurs documentaires sur les études en radiopathologie de l'Institut de médecine de Gomel. Seule la porte du Ministère de la Santé du Belarus nous est toujours restée fermée.
- Vous espérez qu'ils vous ouvrent maintenant, la veille du jour où sera prononcée la sentence?
- Pensez-vous! Je n'ai même pas l'intention de perdre mon temps à critiquer le Ministère de la Santé, cette occupation étant absolument vaine. Je voudrais simplement demander à ces messieurs: "Que faites-vous donc?" D'ailleurs, je peux très bien répondre à leur place: "Vous faites tout pour que les gens ne soient pas en bonne santé".
- Mais ces déclarations ne servent qu'à les taquiner A quoi bon?
- Pour moi, il n'y a pas de plus grande valeur que la vérité. Le rôle de la radiation dans l'étiologie de divers cancers est aujourd'hui évident pour de nombreux médecins. Mais ils se taisent en justifiant leur silence par l'absence de preuves. Eh bien, trouvez-les! Mais au lieu de les chercher, on prescrit des poudres contre la migraine sans essayer d'en déceler les causes, on "traite" la tuberculose à l'aide de rayons X. N'allez pas imaginer que c'est le désespoir d'un "coupable innocent" qui parle en moi, bien qu'il y ait des preuves qu'ils veulent ma peau, pour appeler les choses par leur nom. Je souffre de voir que ce dont j'avais mis en garde il y a 10 ans est en train de se réaliser aujourd'hui. Le nombre de malformations innées chez les enfants augmente. Et il ne cessera d'augmenter pendant plusieurs générations car nous n'avons pas encore goûté aux fruits de la catastrophe de Tchernobyl à l'état pur. Ce que nous observons aujourd'hui, c'est le résultat des essais d'armes nucléaires dans lesquelles l'humanité s'est lancée dans les années 50. Il y a déjà pas mal de temps que nous marchons sur du radiocésium.
- La médecine officielle ne semble pas approuver ce point de vue.
- Bien entendu! Aujourd'hui la région relativement peu touchée de Vitebsk leur sert de référence. Ils regardent le taux de morbidité dans cette région et s'exclament: "Oh, là, là, pour certaines maladies le taux de morbidité est plus élevé que dans la région de Gomel! Alors ne nous rabattez par les oreilles avec votre radiocésium". Il s'agit soit d'une impardonnable ignorance, soit du plus pur cynisme. Il y a 30 ans les scientifiques soviétiques avaient découvert dans les pays Baltes un taux de radiocésium particulièrement élevé dans le lait et avaient expliqué ce phénomène par les retombées radioactives dues aux explosions nucléaires. Se peut-il que les pays Baltes aient souffert mais non la région de Vitebsk qui leur est limitrophe? Toute personne sensée vous dira que cette affirmation est absurde. Le radiocésium était présent dans la région de Vitebsk bien avant Tchernobyl, ce qui explique le taux élevé de morbidité. J'espère que le Forum de l'OMS de juin pourra faire quelque chose de réel pour protéger l'humanité de l'agression nucléaire contrairement à la conférence hypocrite de l'AIEA qui s'est tenue également à Kiev en avril.
- Pourquoi en voulez-vous donc tant à la Conférence de l'AIEA?
- Mais c'est un "cheval de Troie", ils tentent de cacher leur total mépris pour la santé des gens en jouant la sollicitude. Tu parles : ils ont reconnu la présence d'une "crise démographique durable" au Belarus, en Ukraine et en Russie! Et ils se sont même plaints du financement insuffisant des mesures visant à liquider les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl! Qu'y a-t-il de positif dans tout cela, surtout quand on lit dans la même résolution qu'avant la catastrophe, les territoires contaminés n'avaient été sujets qu'aux " effets de divers éléments non radioactifs"? L'AIEA cache volontairement le fait que l'Union Soviétique, comme les autres pays nucléaires, procédait régulièrement à des essais d'armes de destruction massive. Car il suffit de reconnaître que les retombées de radiocésium constituent un problème pour devoir reconnaître également qu'elles ruinent la santé des populations de nombreux pays du globe.
- Ce que vous dites est assez désespérant Il se peut qu'on vous comprenne à Kiev, ou même qu'on vous entende quelque part en Nouvelle Guinée, mais surtout pas au Belarus.
- Dieu et mon sort auront donc voulu qu'il en soit ainsi. Mais vous savez, je suis sûr que si on ne m'entend pas aujourd'hui, on m'entendra demain. Les graines du bon sens finiront bien par germer. L'essentiel est de les semer.