Le journal de la profession nucléaire, Nucleonics Week du 26 avril 1979 rapporte une interview du Pr Norman Rasmussen, le directeur des études dites " Wash 1400 " sur la sûreté des réacteurs nucléaires. Cet éminent expert en sûreté nucléaire a inventé l'approche probabiliste de la sûreté et du risque nucléaire. C'est le pape de la sûreté.
Les promoteurs de l'énergie nucléaire ne pouvant pas garantir une sûreté absolue de type déterministe, y ont substitué l'approche probabiliste. En usant de l'impact psychologique des petits nombres cette approche a pris le relais pour justifier une industrie dont on ne pouvait pas garantir la sûreté.
Three Mile Island a mis les pieds dans le plat : un accident d'une probabilité extrêmement faible osait se produire. Nucleonics Week (26 avril 1979), se référant aux travaux antérieurs de l'expert Rasmussen écrit : " La séquence [accidentelle qui a eu lieu à TMI] (...) devait avoir d'après Wash 1400 une probabilité de 10-7 à 10-8 par année réacteur [c'est à dire une occurrence rarissime de 1 pour 10 à 100 millions d'années-réacteur ] (...) mais comme Rasmussen l'a signalé, quand les opérateurs laissent fermées les valves de contrôle de l'alimentation en eau, alors cette probabilité se change en 1 par année-réacteur et c'est ce qui est arrivé " .
Curieux. En analyse probabiliste on est supposé prendre en compte la totalité des événements possibles. Mais il semble bien, d'après cet aveu du père de l'approche probabiliste du risque nucléaire, que les experts, lorsqu'ils qualifient les accidents graves en lançant ces chiffres rassurants de probabilités si faibles qu'on a tendance à les considérer comme impossibles, n'ont pas tenu compte de certains événements (mais est-ce possible d'inventorier la totalité du possible ?).
En somme on peut résumer l'approche
probabiliste de Rasmussen de la façon suivante : si tout
se passe bien il n'y aura pas de problème, les probabilités
que nous avons calculées en sont la preuve. Mais si cela
se passe mal, alors je ne peux rien garantir !
Une blague circulait fin des
années 80 chez certains nucléaucrates:
"Premier pays nucléarisé au monde les USA, premier accident à Three Mile Island.
Deuxième pays nucléarisé au monde l'URSS, deuxième accident à Tchernobyl.
Troisième pays nucléarisé au monde la France, troisième accident à ... Tricastin."