Les réalités de l'écologie n°12, juin 1990:

La Pravda sur Tchernobyl ?

Cette recension du livre de Grigori Medvedev en critique sévèrement les erreurs, les lacunes et les ambiguïtés. L'accident de Three Mile Island et ses conséquences y sont par exemple sous-estimés. Grigori Medvedev se livre en fait à une mise au pilori de la filière RBMK. De plus, la relation de la journée du 26 avril 1986 (celle de l'accident) semble sujette à caution : est-il pensable que les techniciens aient pu croire dix heures durant que le réacteur n'avait pas explosé ? Les notes de V. Legassov, qui fut plusieurs mois à la direction scientifique des opérations sur le site, indiquent que le message codé envoyé à Moscou juste après l'explosion signifiait "nucléaire, explosion, incendie et irradiation". Le "pouvoir" se serait réuni dans la nuit même pour nommer une commission gouvernementale (comme s'il avait eu conscience de la gravité de la situation). G. Medvedev ne mentionne nullement le témoignage de Légassov.

Pour Y. Lenoir, le contexte bizarre où s'inscrit ce livre évoque la manipulation : pourquoi une préface pro-nucléaire de Sakharov ? De plus, EDF international aurait facilité la publication de ce livre, dont les autorités soviétiques auraient tenté d'empêcher la parution pendant deux ans. Y. Lenoir (qui n'indique pas la source de cette information) y voit une manoeuvre visant à saturer préventivement le petit marché français de la critique du nucléaire par un ouvrage inoffensif expliquant que l'accident s'est passé dans un autre monde et une autre technologie, qu'il ne constitue donc pas un avertissement et qu'il n'appelle aucune leçon quant à la poursuite du programme nucléaire français.

Les esprits avertis en URSS (NdR : Y. Lenoir ne dit pas lesquels) voient dans ce livre l'oeuvre d'un opportuniste, d'un apparatchik appuyant la version de l'accusation lors du procès de Tchernobyl (où une véritable défense ne fut pas assurée). Pour Y. Lenoir, "La Vérité sur Tchernobyl" est un document utile pour suivre le perfectionnements apportés par la nucléocratie à ses méthodes de désinformation.

Yves Lenoir