mercredi 22 décembre 1999,
3h22
Décès du principal irradié de l'accident nucléaire de Tokaimura
TOKYO, 22 déc (AFP) - Un employé du complexe nucléaire japonais de Tokaimura, très grièvement irradié lors d'un grave accident le 30 septembre, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, malgré les soins intenses prodigués pendant 83 jours par de grands spécialistes.
Hisashi Ouchi, 35 ans, est mort mardi à 23H21 locales (14H21 GMT), entouré de sa femme et de ses proches, de la défaillance de plusieurs organes vitaux, a indiqué l'hôpital universitaire de Tokyo où il était soigné.
Ce technicien est la première personne à être victime d'un accident radioactif dans l'histoire du nucléaire civil nippon depuis ses débuts, il y a plus de quarante ans.
Le premier ministre Keizo Obuchi a présenté ses condoléances à sa famille et a promis de renforcer les mesures pour prévenir de nouveaux accidents dans les installations nucléaires.
"Nous sommes décidés à faire davantage d'efforts pour renforcer les mesures de sécurité et prévenir des accidents", a-t-il déclaré.
Le 30 septembre, Hisashi Ouchi travaillait avec deux collègues à dissoudre de la poudre d'uranium dans de l'acide nitrique afin de fabriquer du combustible nucléaire dans un atelier du complexe privé de Tokaimura, à 120 km au nord de Tokyo.
Le versement d'une trop forte quantité d'uranium, probablement à la suite d'une erreur humaine, a déclenché un accident de criticité, c'est à dire une réaction de fission en chaîne, entraînant une émission intense de rayonnements gamma et neutroniques. Ouchi, qui était placé juste au dessus de la cuve, a été le plus fortement atteint, recevant une dose de radiation estimée à 17.000 fois l'exposition moyenne annuelle.
Une telle exposition aurait entraîné la mort au bout d'une douzaine de jours il y a quelques années mais les médecins japonais, aidés de spécialistes internationaux, ont pu lui faire bénéficier des techniques les plus avancées.
Il ont notamment pratiqué une greffe de moelle provenant de sa soeur pour repeupler sa moelle osseuse de cellules sanguines.
Mais son état de santé s'est irrémédiablement dégradé en raison notamment de l'extrême détérioration de son système digestif.
Saignant abondemment, il devait recevoir de très importantes quantités de sang transfusé chaque jour.
Son coeur s'était même momentanément arrêté de battre pendant une heure le 27 novembre.
Son collègue, Masato Shinohara, 40 ans, irradié à un niveau moindre, est toujours en traitement et ses chances durables de survie sont jugées supérieures.
Le troisième homme présent dans l'atelier, Yutaka Yokokawa, 55 ans, a pu quitter l'hôpital lundi.
L'accident de Tokaimura a été considéré comme le plus important depuis celui de Tchernobyl en 1986 par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Il a exposé au moins 69 personnes à des radiations dans et autour des installations et forcé 320.000 personnes à rester enfermées chez elles pendant plus d'une journée.
Une vaste enquête est en cours pour déterminer les responsabilités de l'accident.
Propriétaire du complexe de Tokaimura, la société JCO, filiale du groupe Sumitomo Metal Mining, a été accusée par les autorités d'avoir "totalement négligé tous les réglements de sûreté" et s'est vue retirer sa licence d'exploitation.
Depuis 1945, une soixantaine d'accidents de criticité se sont produits dans le monde dans des installations nucléaires.
S'ils n'ont pas provoqué de rejets radioactifs significatifs dans l'environnement, ils ont entraîné 17 morts par fortes irradiations, avant celle de M. Ouchi, selon l'Institut français de protection de sûreté nucléaire (IPSN).