Carl J. Johnson est médecin de l'hygiène au Département de la Santé du Dakota du Sud et Professeur associé à l'Ecole de Médecine de l'Université du Dakota du Sud. Ce texte a été présenté à l'Université de Bâle, le 9 juin 1987, à l'Université de Zurich le 10 juin et aux Universités de Berne et de Lausanne le 11 juin 1987.
Le désastre de Tchernobyl fut révélé au public par la découverte de panaches radioactifs balayant la campagne suédoise. La dénégation initiale russe quant à sa responsabilité illustre à nouveau le fait que le public ne peut connaître la pleine étendue de tels désastres s'il ne dispose pas d'un équipement de contrôle pour détecter les gaz et les particules radioactifs, ainsi que d'un système efficace de surveillance pour mesurer la radioactivité dans l'air, l'eau, le sol et la chaîne alimentaire. Comme nous vivons à une époque nucléaire et parce que le monde entier est contaminé par l'industrie nucléaire et les essais des bombes nucléaires, les communautés locales et les familles concernées devraient posséder des contrôleurs de rayonnement afin d'effectuer leur propre surveillance.
Le fait que les informations concernant Tchernobyl aient été rendues publiques peut assurer qu'avec le temps, nous connaîtrons le plein impact de ses rejets radioactifs en termes de maladie et de mort par cancer et autres effets du rayonnement tels que des malformations à la naissance et une mortalité infantile accrue. Malheureusement, il se peut que nous ne puissions jamais connaître l'étendue totale des désastres nucléaires du passé parce qu'il n'y a pas eu d'efforts concertés pour évaluer avec exactitude l'impact de ces rejets radioactifs [1]. Les désastres nucléaires de Kyshtym, Rocky Flats, des installations de Savannah River, de Hanford et autres, et dans les sites des essais nucléaires aux Etats Unis en Russie et dans les autres pays nucléaires, n'ont pas été mis à profit pour effectuer les études prospectives sur les effets sur la santé qu'il aurait été possible de réaliser. Aujourd'hui le poids de l'opinion publique peut exiger que soient révélés au public de tels rejets radioactifs quand ils ont lieu, et peut-être y aura-t-il des fonds disponibles pour effectuer de telles études prospectives approfondies.
En tant que Médecin responsable des services de santé et épidémiologiste du Département de la Santé d'un grand comté du Colorado, il m'a été demandé de mener une série d'investigations sur la contamination par des radionucléides autour d'une installation de retraitement de plutonium et d'uranium de mon secteur. J'ai eu le soutien de plusieurs organismes fédéraux pour effectuer ces recherches. Cependant des porte-parole de l'industrie parmi lesquels se trouvaient plusieurs fonctionnaires dont la sympathie allait à l'industrie nucléaire, s'opposèrent à ces études. Les organismes fédéraux ont maintenant confirmé mes résultats. La confirmation la plus récente vient du Laboratoire de Los Alamos qui a corroboré mon rapport sur l'excès des taux de cancer chez les travailleurs du plutonium à l'installation nucléaire de Rocky Flats, après une étude qui a duré sept ans et qui a coûté plus d'un million de dollars [2-5]. Je présenterai ici une série de mes recherches sur les faibles doses de rayonnement et leurs effets sur la santé.
ETUDES ENVIRONNEMENTALES
J'ai été inspecteur de l'Hygiène dans la Comté de Jefferson (Colorado), il y a là une importante mine d'uranium, la mine Schwarzwalder, ainsi nommée d'après le nom de l'homme qui y découvrit des gisements d'uranium. Cette mine a produit de grandes quantités d'uranium depuis les années 50 et sa valeur avoisine le milliard de dollars [6]. De grandes quantités d'eau radioactive sont déversées chaque jour pour permettre aux opérations de continuer. Plus d'un million de gallons (4 000 000 de litres) d'eau furent parfois pompés de cette mine vers les réserves publiques d'eau de la région de Denver. Une commune proche reçut de l'eau potable contaminée en émetteurs alpha (essentiellement de l'uranium) à plus de 400 picocuries par litre (ou 880 désintégrations nucléaires par minute et par litre). La limite permise par la Commission de l'Energie Atomique (AEC) pour l'uranium dans l'eau a été pendant un moment de 40 000 picocuries par litre, plus tard cette limite fut réduite à 10 000 puis 6 000 pCi/l. En 1978 la limite fixée par l'Etat du Colorado était également de 6 000 pCi/l. L'Agence de Protection de l'Environnement des Etats-Unis approuvait cette valeur pour la concentration d'uranium dans l'eau. Le Conseil d'administration pour le contrôle de la contamination de l'eau de la région vint me consulter sur les risques que pourrait faire peser sur la santé l'usage permanent de cette eau. En réexaminant un rapport du Comité de l'Académie Nationale des Sciences, pour la qualité de l'eau, il était clair que des niveaux beaucoup plus faibles que 400 pCi/l produiraient avec le temps des doses importantes de rayonnement pour les os et d'autres organes. Une limite de 10 pCi/l (0,37 Becquerel/litre) serait cohérente avec les normes habituellement admises pour les limites de concentration du radium dans l'eau.
A quatre reprises j'ai demandé la tenue d'une audition publique sur les décharges de la mine dans les réserves publiques d'eau, mais je n'ai reçu aucune réponse. J'ai alors pressé l'agence régionale de l'eau d'aller devant les tribunaux avec mon soutien comme témoin expert. Une semaine avant l'audience du tribunal, l'Agence pour la Protection de l'Environnement des Etats-Unis envoya une première lettre d'avis recommandant une limite de concentration non pas de 6 000 pCi/litre mais de 10 pCi/litre, soit une réduction d'un facteur 600.
L'historique de cette affaire illustre un problème fondamental de l'industrie nucléaire. De nombreuses normes de radioprotection ne sont pas réalistes et sont incapables d'assurer une bonne protection. Elles semblent avoir été établies pour protéger l'industrie contre les procès que pourraient intenter des travailleurs ou des personnes habitant en aval ou sous le vent des installations et qui se plaindraient des dommages causés par l'exposition au rayonnement. De telles normes ou directives non protectrices servent aussi à limiter les coûts des modifications à effectuer sur les équipements qui seraient nécessaires afin de minimiser les rejets radioactifs et de protéger les travailleurs.
En décembre 1974, un fonctionnaire de l'administration régionale fut appelé à enquêter sur les conditions de sécurité dans lesquelles un grand nombre de maisons allaient être construites sur 6 à 7 kilomètres carrés de terrain contaminé, directement adjacent et sous le vent du site nucléaire de Rocky Flats. Après avoir discuté de cette proposition avec le Centre National de Recherche Atmosphérique, je m'opposais à ce qu'on reconvertisse cette zone libre en zone d'habitation car le terrain était contaminé par du plutonium avec une concentration au moins 7 fois supérieure à celle approuvée par l'Etat pour les travailleurs du bâtiment [7]. Malgré ces concentrations excessives en plutonium, l'Etat avait déjà approuvé l'utilisation de ce terrain pour la construction d'habitations. La demande de développement de ce secteur pour des habitations fut alors rejetée par l'administration du comté et en fin de compte les propriétaires des terrains poursuivirent en justice le centre de Rocky Flats et reçurent d'importants dédommagements dix ans plus tard.
En raison d'erreurs et de résultats contradictoires dans les études de sol autour du site, j'ai proposé un examen de validation pour évaluer l'exactitude des études géologiques des Etats-Unis [6]. Le support technique fut d'abord fourni par la Commission de l'Energie Atomique, mais ce support fut retiré quand les résultats de l'étude furent connus. Puisque la préoccupation était celle du risque potentiel, nous avons collecté des échantillons de poussière respirable venant du sol, en 72 emplacements sur des distances allant jusqu'à 32 km du site de Rocky Flats. Ceci incluait la plus grande partie de la région urbaine de Denver. En procédant ainsi, nous avons trouvé au voisinage du site des quantités de plutonium beaucoup plus grandes que celles trouvées précédemment. A des distances plus grandes nous avons trouvé des niveaux de retombées moindres que précédemment. Les concentrations en plutonium étaient environ 44 fois plus fortes en moyenne que dans les études antérieures et jusqu'à 286 fois plus fortes. Les concentrations en césium 137 sur des propriétés agricoles privées près du site étaient 17 fois plus élevées que les concentrations ambiantes provenant des retombées mondiales (les premières études de la Commission de l'Energie Atomique faites suivant les procédures légales faisaient état de concentrations en excès dans le sol de strontium 90 et de curium 242).
Les agences nucléaires ne firent aucune critique du projet expérimental jusqu'à ce que les résultats en soient connus. A ce moment-là de nombreuses objections furent soulevées. Cependant la Commission de l'Energie Atomique finança une étude très similaire sur la région autour du site de Savannah River. Elle aussi fournit des données très précises sur les dangers respiratoires dus à un sol contaminé en surface [1-8].
ETUDES SUR DES TRAVAILLEURS DANS LES INSTALLATIONS
NUCLEAIRES
Le plutonium est extrêmement radiotoxique comme les autres transuraniens tels que le curium et l'américium [3]. Dans une étude sur la carcinogénèse du plutonium faite sur des animaux [9], 27 % développèrent des mésothéliums et un total de 38 % développèrent des sarcomes de divers types, y compris des sarcomes non différenciés, des sarcomes des cellules réticulaires, des fibrosarcomes, des liposarcomes, des rhabdomyosarcomes et liomyosarcomes avec une période moyenne d'induction de 1 an. Il y avait aussi un excès d'incidence des adénosarcomes mammaires et un adénome rénal. L'excès total des incidences de cancer était de 114,4 % car un grand nombre d'animaux avaient deux types de cancers différents [9]. Une autre étude trouva un excès notable de leucémies [10]. Comme l'indique un rapport récent de l'Académie Nationale des Sciences des Etats-Unis, les cancers peuvent être induits par les rayonnements ionisants virtuellement dans tous les tissus du corps [11].
On a beaucoup appris sur les effets biologiques du plutonium, du curium et des autres transuraniens chez les animaux et il y a également des preuves tangibles d'effets sur l'homme [12-14]. Une étude comportant l'autopsie d'ouvriers travaillant dans des installations nucléaires, met en évidence d'importantes concentrations en plutonium dans tous les organes mesurés, y compris le cerveau, la peau, la prostate et les testicules [16]. Une étude a été faite sur le taux d'aberrations chromosomiques parmi 241 travailleurs du plutonium de Rocky Flats. Les travailleurs qui présentaient de faibles dépôts de plutonium dans les organes (0,4 à 4 nanocuries ou milliardièmes de curies) avaient un taux d'aberrations chromosomiques de 3,6 % Ce taux était supérieur de 30 % à celui observé chez leurs camarades ayant moins de 0,4 nanocurie (1 nanocurie est équivalent à 37 becquerels et 0,4 nanocurie représente 15 Bq) [9]. Ces niveaux de contamination ne représentent que 1 à 10 % de la limite admissible de la charge corporelle. Ces effets peuvent être considérés comme des effets à très long terme car le taux d'excrétion du plutonium hors du corps est très lent (la moitié de la charge disparaît environ en 200 ans). Des rapports antérieurs de Morgan et Myers prévoyaient ces effets [17-181.
Il n'y avait pas eu d'étude de santé sur ces travailleurs. Le nombre de cancers parmi eux était rapporté chaque année par les responsables de l'installation depuis 1978. La conclusion généralement admise était qu'il y avait peu de cas pour un grand nombre d'employés. Cependant, en 1980, j'ai entrepris une analyse de morbidité relative sur les travailleurs en comparant les cas à l'ensemble des mâles blancs du Colorado. J'ai trouvé une incidence 8 fois plus forte pour les cancers du cerveau, 3 fois plus forte pour les mélanomes malins, et un excès de 23 % des cancers des voies respiratoires. Une analyse plus détaillée ne fut possible car la direction de l'installation nucléaire refusa de fournir plus ample information.
J'analysai ensuite les résultats d'une étude faite sur l'autopsie de 15 travailleurs d'installations nucléaires. pour lesquels les charges corporelles (0,4 nanocurie ou 14,7 becquerels) étaient inférieures à 1 % de la charge corporelle maximale admissible [20]. Ces charges corporelles, ou dépôts dans les organes, allaient de quelques picocuries (1 picocurie (pCi) est égal à 0,037 Bq) à 360 pCi (13,3 Bq) avec une valeur moyenne de 152 pCi (5,6 Bq). Huit de ces 15 travailleurs étaient morts de cancer alors que sur la base des données des Etats-Unis il en était attendu 2,79, soit un facteur de risque relatif de 2,9. On observait 3 morts par cancer des bronches pour 1,08 attendu seulement. Les 5 autres cas comprenaient 2 morts par leucémie pour 0,08 cas attendu, une tumeur du cerveau, un mélanome malin et un adénosarcome des reins. L'un des cas de leucémie était une leucémie lymphoblastique aiguë.
Le Département de l'Energie (DOE) lança une étude de mortalité chez les travailleurs et dans son rapport préliminaire (1982) admit l'existence d'un léger excès de tumeurs (qualifiées de "bénignes et non spécifiques") [21-22]. Après 7 ans et plus d'un million de dollars dépensés, mes premiers résultats furent confirmés par DOE dans une étude publiée en février 1987 [2-5].
Brièvement résumée, l'étude est la suivante : le Laboratoire national de Los Alamos examina la mortalité par cancers parmi 5413 hommes (blancs) employés durant au moins deux ans dans l'usine de fabrication d'armes nucléaires de Rocky Flats [2]. Ceux qui avaient plus de 2 nanocuries (74 Bq) de plutonium fixés dans leurs organes ont été comparés à ceux qui avaient moins de 2 nanocuries (cette valeur représente 5 % de la limite maximale admissible). Les résultats sont les suivants :
- Après une période d'induction (période de latence) de 2 ans, il y eut un excès, par un facteur 7,7 de néoplasmes lymphopoiétiques (cancers lymphatiques), un excès, par un facteur 2, des lymphosarcomes et des cellules réticulaires, il y eut 3,3 fois plus de cancers de l'oesophage que ceux attendus, 80 % plus de cancers de l'estomac et 3,7 fois plus de cancers de la prostate.
- Après 5 ans il y avait 9,9 fois plus de cancers lymphatiques que ce que l'on attendait, environ 5 fois (4,9) plus de cancers de la prostate, un excès par un facteur 3,7 des cancers de l'oesophage, 2,5 fois plus de lymphosarcomes et de sarcomes des cellules réticulaires, 2,2 fois plus de cancers de l'estomac, 1,7 fois plus de cancers de l'ensemble du système digestif et un excès de 62 % des cancers du colon.
- Après 10 ans il y avait 5,2 fois plus de cancers lymphatiques, un excès de 61 % pour l'ensemble des cancers, 10,6 fois plus de cancers de la prostate, 5,7 fois plus de cancers du colon, 4,8 fois plus de cancers de l'estomac et un excès de 43 % des cancers du poumon.
Les travailleurs dont les doses cumulées enregistrées étaient de 1 rem (0,01 Sievert ou 10 millisieverts) ou plus en rayonnement gamma ont été comparés à ceux dont les doses cumulées étaient inférieures à 1 rem. Les résultats sont les suivants :
- Après 2 ans, il y avait 3,46 fois plus de tumeurs du cerveau (non spécifiées) que prévues, 49 % de cancers lymphatiques supplémentaires et un excès de lymphosarcomes, de sarcomes des cellules réticulaires et de leucémies myéloïdes.
- Après 5 ans il y avait un excès de 73 % des cancers du cerveau, un excès de 69 % des cancers du foie et un excès de 65 % des cancers de la prostate.
- Après 10 ans il y avait un excès par un facteur 4 des tumeurs du cerveau, 3 fois plus de lymphosarcomes et de sarcomes des cellules réticulaires, 3 fois plus de leucémies myéloïdes et 2,8 fois plus de cancers du foie. Les auteurs du rapport émettent des réserves sur leurs résultats en signalant que l'étude portait sur des petits nombres.
En raison de l'effet du "travailleur en bonne santé" qui affecte les employés aptes à ces travaux, instruits et capables de passer les contrôles de sécurité, l'impact réel sur la santé des travailleurs a été probablement plus important que ne le laissent prévoir ces résultats [3]. Il est surprenant qu'il n'y ait pas eu d'enquête concernant la consommation de tabac et qu'aucun contrôle n'ait été fait pour ce facteur très important. Si les travailleurs en bonne santé, plus instruits que la moyenne et capables de passer les contrôles de sécurité, fumaient beaucoup moins que la population des Etats-Unis dans son ensemble, cela affecterait les résultats d'une façon majeure. Un moyen d'évaluer l'effet du tabac consiste à comparer le nombre de morts observés par cancer du poumon à ceux attendus : il y eut 30 morts par cancer du poumon pour 46 attendus [2]. Il est regrettable qu'avec les ressources du Département de l'Energie et des Centres de contrôle des maladies, on fasse encore confiance aux études de mortalité pour établir le détriment puisque la moitié environ des personnes qui sont atteintes de cancer ne meurent pas effectivement de cancer, elles échappent ainsi aux études de mortalité ce qui compromet sérieusement les résultats [3]. De plus les périodes de survie après le développement du cancer qui vont de quelques mois à quelques années, voire des décennies, introduisent un élément de confusion.
EFFETS SUR LA POPULATION DE LA CONTAMINATION
PAR LES INSTALLATIONS NUCLEAIRES HORS DES SITES
Après avoir examiné la radiotoxicité du plutonium et des autres transuraniens et la portée des rejets de ces éléments par l'installation de Rocky Flats (d'après les documents rendus publics par la direction de l'usine lors des procédures judiciaires intentées par les propriétaires fonciers), je commençais à m'inquiéter des effets sur la population vivant sous les vents dominants de l'installation nucléaire dans la région de Denver. Les travailleurs de l'industrie nucléaire portent des vêtements protecteurs, ils respirent un air soigneusement filtré, ils sont fréquemment contrôlés en ce qui concerne leurs niveaux d'irradiation, et ils sont surveillés médicalement (ce qui peut inclure des études sur les aberrations chromosomiques) mais les familles qui vivent sous les vents dominants des installations nucléaires ne bénéficient pas d'une telle protection. Il arrive qu'elles soient réellement dans les panaches rejetés par l'installation. A l'usine de Rocky Flats, il y a 29 cheminées qui rejettent du plutonium et d'autres particules et gaz radioactifs.
L'exposition de la population commença en 1953 et atteignit ses niveaux les plus élevés en 1957 [23] lors d'une explosion (une réaction en chaîne de fission peut-être) qui souffla tous les filtres industriels (plus de 600) dans la cheminée principale. Ceci libéra dans l'environnement, sous forme de fines poussières, le plutonium et l'uranium accumulés pendant 4 ans dans le système de filtration [1,23]. Les mêmes filtres avaient été utilisés pendant les 4 ans de retraitement et de purification. Un lourd panache noir de fumée s'échappa de l'usine et passa sur la région de Denver pendant près de 12 heures. Une étude alors secrète, faite par la Commission de l'Energie Atomique (maintenant DOE) après cet incident, trouva une forte contamination du sol par du plutonium et de l'uranium de qualité militaire hors du site, y compris dans des propriétés privées et sur le terrain de deux écoles élémentaires situées respectivement à des distances de 9,6 et 19,3 km [23]. Je choisis dans mon étude la période 1969-1971 afin d'utiliser les données fédérales disponibles sur l'incidence des cancers pour la région statistique urbaine standard de Denver". Ces données permettaient d'observer une période de latence suffisante comprise entre 12 et 16 ans.
Le plutonium est virtuellement soluble à 100 % dans l'eau potable de Denver par suite de la présence de carbonates et de fluorures dans l'eau. Ceci a été confirmé par les quantités appréciables de plutonium trouvées dans l'eau potable de Denver à une date aussi récente que 1972 (de 7 000 à 40 000 fois la contamination ambiante provenant des retombées mondiales) [24, 25]. Depuis, les concentrations ont été moindres. La chloruration de l'eau par le service des eaux change la valence du plutonium de sorte que son absorption par le tractus gastro-intestinal est renforcée d'un facteur allant jusqu'à 1 750 [26]. En outre, le plutonium est beaucoup plus facilement absorbé par le système gastro-intestinal des enfants, au moins d'un facteur 100 chez les enfants de moins d'un an [27], et d'un facteur 1 000 chez les animaux qui allaitent [28]. De plus, quand le plutonium est fixé dans la chaîne alimentaire et incorporé biologiquement, son absorption est renforcée d'un facteur 10 [29].
J'ai achevé en 1977 une étude préliminaire des taux de mortalité par leucémie dans les secteurs recensés près de l'usine. J'ai trouvé un excès significatif de morts par leucémie. L'année suivante j'ai trouvé un excès de morts par cancer du poumon et de malformations congénitales. En 1979, j'ai obtenu les données, sur l'incidence des cancers de l'Institut National du Cancer, et j'ai pu mener à bien une analyse de l'incidence des cancers corrigée suivant l'âge, la race, le sexe, l'ethnie (1969-1971) dans les secteurs recensés ayant des niveaux identiques de contamination en plutonium dans la région de Denver [23]. Dans la région suburbaine à 21 km de l'usine sous les vents dominants, il y avait un excès de 16 % pour l'ensemble des cancers. Dans la région contiguë. à une distance plus grande, l'excès était de 10 %. Pour les régions où la contamination était moindre, l'excès était de 6 % Le centre urbain de Denver avait un taux d'incidence de cancer bien moindre que les régions suburbaines proches de l'usine. Les types prédominants des cancers en excès étaient ceux qui correspondaient aux organes les plus radiosensibles mais on trouvait aussi un excès de cancers des testicules, de la prostate et des ovaires.
Des copies de ce rapport furent adressées aux agence nucléaires et à beaucoup d'autres, mais il y eut un barrage de critique pour la plupart non fondées. Une version révisée de mon rapport a été publiée par l'Académie Royale des Sciences de Suède en 1981 [23]. Il a été maintenant confirmé par une étude subventionnée par le Département de l'Energie, lequel, cependant, mena des études suivant d'autres approches afin de montrer que l'excès de cancer était simplement dû à un effet urbain [30]. Ils ne purent le faire qu'on sélectionnant des secteurs recensés nouvellement développés au voisinage de l'usine à des fins de comparaison et en combinant la population la plus proche de Rocky Flats avec la ville universitaire de Boulder qui est à l'opposé des vents dominants de l'usine. Cela n'est pas une approche valable [31,32]. En raison de la croissance rapide de la population de la région de Denver, particulièrement dans les zones suburbaines voisines du site nucléaire, un suivi continu de cette population exigerait une étude de cohorte similaire à celle que j'ai entreprise sur la population résidant sous les vents dominants dans l'Utah. J'ai élaboré un projet pour de telles études.
Le taux de mortalité infantile pour le Comté de Jefferson (y compris le secteur I) était inférieur en 1950 au taux national des Etats-Unis. Après que Rocky Flats soit entré en fonctionnement en 1953, il s'éleva au-dessus du taux national et atteignit son maximum entre 1955 et 1958 (à peu près à l'époque de l'incendie et de l'explosion de 1957) [32]. En outre, les taux de mortalité des foetus augmentèrent brusquement après 1953. Les taux de mortalité par leucémie chez les enfants dans le Comté de Jefferson étaient inférieurs aux taux nationaux pendant les 5 ans qui ont précédé 1953 mais par la suite, ils augmentèrent et atteignirent environ le double des taux nationaux après 1957. On nota aussi chez les enfants une augmentation de la mortalité par les autres cancers majeurs. Des tendances similaires furent observées dans le Comté de Denver (secteurs II et III). Les enfants nés après 1957 (groupe d'âges 0-14 en 1970) avaient une incidence de cancer plus faible [32].
De 1970 à 1980, il y a eu une forte tendance à la croissance de l'incidence des cancers pour l'ensemble de la zone urbaine de Denver. L'incidence des cancers dans les secteurs exposés I-III corrigée pour l'âge, la race, le sexe et l'ethnie, s'est accrue et passa d'un excès de 491 cas en 1969-71 à un excès de 1 123 en 1979-81 [32]. Une étude de Berg a comparé l'incidence des cancers en 1979-81 dans les secteurs urbains de Denver (y compris mes secteurs I et III ainsi que la population de contrôle du secteur IV) à celle de la période 1969-71. Il trouva un excès d'environ 2 000 cas après ajustement pour tenir compte des changements survenus dans la population [33]. Les habitants de la région de Denver avaient en 1980 un risque de 30 % de développer un cancer, peau exclue, ou un risque supérieur à 40 % de développer un cancer quelconque. Ceci représentait un accroissement de 15 % pendant 10 ans de l'incidence des cancers corrigée pour l'âge, dans une région urbaine en grande partie non industrielle connue autrefois pour son environnement sain [33]. Ce résultat doit être comparé à l'accroissement de 9,3 % seulement entre 1973 et 1983 obtenu dans une étude d'incidence des cancers faite par l'institut National du Cancer sur environ 13 % de la population des Etats-Unis [34-35]. Ainsi, le taux d'accroissement de l'incidence des cancers dans la région de Denver pendant cette période de 10 ans a été environ 61 % plus élevé que la tendance nationale.
EFFETS DES RETOMBEES RADIOACTIVES
En 1980, un ancien Secrétaire USA à l'intérieur, Stewart Udall, m'invita à proposer une étude sur les effets sanitaires sur la population du Névada qui vit sous les vents dominants du site des essais de bombes nucléaires. Dans mon approche de ce problème, je choisis les annuaires téléphoniques des villes connues pour être sur le trajet des retombées des panaches et nuages dans le Sud Ouest de l'Utah et les régions adjacentes du Névada et de l'Arizona [36-371. St George, la plus grande ville, était à 225 km du site des essais nucléaires et Bunkerville (Névada) était la plus proche, à 180 km du point zéro [36]. Les dépôts dus aux retombées n'étaient pas uniformes à cause de la topographie montagneuse de la région. Un rapport conjoint de l'Université de Californie et du Département de l'Energie signalait que "une retombée par nuage bas suivra vraisemblablement les vallées. Dans ce cas, le nuage ne se dispersera probablement pas sur une distance de 1 à 6 miles comme on le suppose", et "avec des vents à plus forte altitude, la turbulence locale plus grande augmenterait probablement les dépôts localement, en particulier sur les pentes à l'opposé du vent" [38].
Les estimations du Département de l'Energie pour l'irradiation de la population dans la région ont été faibles, mais elles ont été contredites [361. Les instruments de contrôle des rayonnements enregistrent principalement le rayonnement gamma. Le Département de l'Energie (anciennement Commission pour l'Energie Atomique, AEC) ne mesurait pas correctement la rayonnement béta qui peut être de plusieurs ordres de grandeur plus fort que le rayonnement gamma dans les retombées des panaches et nuages des essais nucléaires. Des rapports de 130/1 et 157/1 entre le rayonnement béta et le rayonnement gamma dans les retombées ont été mentionnés par certains auteurs. Une étude faite par K.Z. Morgan sur les navires cibles pour les tests dans le Pacifique de 1946-1948 (étude reprise ensuite par la Commission pour l'Energie Atomique) trouva elle aussi des valeurs très élevées pour le rapport entre le rayonnement béta et le rayonnement gamma. En "beaucoup d'endroits le rapport allait de 50 à 100/1" (Communication personnelle de K.Z. Morgan en 1986). Les risques encourus par inhalation des particules des retombées émettant des rayonnements béta, gamma et alpha, ont été reconnus dès 1951 par le Directeur du Laboratoire Scientifique de Los Alamos de l'Université de Californie (une installation du Département de l'Energie) qui affirmait que c'était "le problème majeur pour la sécurité" bien plus que "le danger des doses de rayonnement externe" [39].
Le rayonnement alpha émis par les particules des retombées est 20 fois plus nocif par rad pour les tissus que les rayonnements béta ou gamma. Et pourtant, le rayonnement alpha ne fut pas correctement mesuré dans les régions affectées par les retombées. Les isotopes de l'uranium, du plutonium et des autres transuraniens peuvent contribuer jusqu'à 40 % à la radioactivité totale des déchets des bombes nucléaires pendant une période allant de 20 heures à deux semaines après l'explosion. Une grande partie de la radioactivité est due au rayonnement alpha [41]. Le rayonnement alpha est un rayonnement à fort "transfert linéique d'énergie", comme le rayonnement neutron. Des travaux récents de Hill et al. ont démontré que les dommages provoqués par de faibles doses prolongées de tels rayonnements, sont considérablement plus importants [42). Les transformations malignes induites par rad sont 9 fois plus élevées aux faibles doses (inférieures à 10 rads) qu'aux fortes doses. L'effet le plus grand par rad se produit pour les doses les plus faibles [42].
Dans les retombées, les particules qui émettent des rayonnements gamma, béta et alpha sont inhalées, ingérées et s'accumulent dans les organes du corps. Il en résulte, au cours du temps des doses aux organes beaucoup plus élevées que ce qu'indiquent les appareils de mesure du rayonnement [381. De plus, les appareils de contrôle individuel de l'air indiquent des concentrations en radionucléides plus fortes de plusieurs ordres de grandeur par rapport aux contrôleurs d'ambiance [431. De telles observations n'ont pas été faites pour les habitants des villes très touchées par les retombées, mais elles sont d'une importance primordiale pour évaluer les effets sur la santé pour les habitants du Sud Ouest de l'Utah durant la période 1951-1962. On ne peut pas avoir confiance dans les estimations officielles des niveaux de rayonnement faites par le Département de l'Energie. Si on cite ces estimations de DOE, il est nécessaire de faire des réserves et il faut prendre en compte les preuves qui indiquent des niveaux d'irradiations beaucoup plus élevées.
Chaque famille ou personne inscrite sur les annuaires téléphoniques en 1951 et encore inscrite en 1962, fit partie de la population étudiée. Le but de cette procédure était de sélectionner uniquement les personnes réellement présentes durant toute la période des essais atmosphériques des bombes nucléaires. Environ 90 % d'entre elles font partie de l'église mormone. Les Mormons sont connus pour avoir un taux de cancer 23 % plus bas que la moyenne nationale, en raison de leur mode de vie. Ainsi, seuls les Mormons furent pris en compte dans l'étude [44]. L'évolution des cancers chez eux depuis 1958 a été comparée à celle de tous les Mormons de l'Utah. Il est probable que tout le monde dans l'Utah a été affecté par les retombées, ainsi une population fortement exposée a été comparée à une population plus faiblement exposée [36].
Un rapport préliminaire fut présenté en 1981 à l'Association américaine pour l'avancement de la Science. Le rapport définitif fut présenté à Salt Lake City en 1982 au cours d'un procès fédéral intenté contre le Département de l'Energie par plus de 1 100 personnes qui demandaient des réparations pour les dommages et les cancers mortels dus à l'irradiation par les retombées radioactives. Ce rapport fut examiné par une commission d'experts ("peer review") trois jours durant au cours du procès. Finalement le juge fédéral fonda sur ce rapport sa décision d'accorder des compensations. Ce rapport fut publié plus tard par l'Association médicale américaine en 1984 [36].
La population soumise aux retombées présentait un excès de cancers de 61 %. La leucémie était prédominante au début (1958-66) avec 19 cas, 5 fois plus que les 3,6 attendus. Cet excès persistait pendant la période ultérieure (1972-80), avec 12 cas observés pour 3,4 attendus. Il y avait un accroissement des lymphomes. Des cas de cancer de la thyroïde en excès apparurent rapidement et l'excès devint plus tard notable (14/1,7). On notait un excès de cancer du sein (27/14). Les cancers du tractus gastro-intestinal étaient plus importants que prévu. Les mélanomes étaient en excès (12/4,5), ainsi que les cancers des os (8/0,7) et les tumeurs du cerveau (9/3,9). Un sous-groupe ayant subi des retombées intenses avait une incidence de cancer plus forte. L'hypothèse selon Jaquelle ces cas peuvent être associés aux irradiations s'appuie sur la comparaison entre groupes, du rapport des cancers des organes les plus radiosensibles aux autres types de cancer.
La position prise par les agences fédérales était que leurs études sur leurs propres secteurs ne montraient pas d'excès de mortalité par leucémie. Cependant il y avait beaucoup de points faibles dans ces études fondées sur les certificats de décès [38]. En janvier 1987, l'Institut National du Cancer publia une étude sur les certificats de décès dans laquelle il y était reconnu un excès significatif de morts par leucémie dans la région située sous les vents dominants du site des essais [45]. Aucun autre type de cancer n'était trouvé en excès. Comme dans les études antérieures il y avait de nombreuses erreurs ainsi que des négligences dans cette approche [38]. En particulier, l'Académie Nationale des Sciences a conclu que des expositions de population au rayonnement suffisantes pour induire un cas de leucémie, induiront à la longue également de 7 à 9 cas supplémentaires d'autres types de cancer [11]. Jusqu'à présent, les études de mortalité effectuées par l'Institut National du Cancer n'ont trouvé aucun excès de mortalité par cancer malgré l'existence d'un excès significatif des morts par leucémie. Les problèmes posés par les études fondées sur les certificats de décès sur une base sectorielle sont discutés en détail dans une publication récente [38].
Je recommande ma procédure pour les études futures sur les effets des retombées radioactives des tests de bombes et de la contamination hors des sites par les installations nucléaires telles que celles des réacteurs de Three Mile Island et Tchernobyl. Une véritable cohorte de personnes ayant vécu dans la région de forte exposition pendant toute la durée de l'exposition, devrait être suivie dans le futur. Diverses indications devraient être notées : numération des lymphocytes sanguins, taux d'aberrations chromosomiques, concentration des radionucléides dans le lait maternel et les dents de lait, mortalité foetale et infantile, taux d'incidence des cancers etc... Les données devraient être contrôlées pour l'âge, la race, le sexe, la religion, la consommation d'alcool et de tabac, la profession. Cette procédure peut être adaptée aux études sur les travailleurs des installations nucléaires. Le projet de recherche devrait déterminer des sous-groupes qui ont subi les plus fortes expositions de sorte que l'ensemble de la population étudiée puisse servir elle-même de population de référence, en complément d'un groupe de contrôle externe choisi de façon appropriée localement ou régionalement.
Carl J. Johnson
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