Résumé : Le rapport GSIEN a été remis le 6 mars
à la Commission Locale de Surveillance. Nous vous livrons
les conclusions . Le premier point de vue est situé après
l'analyse de la visite décennale (VD2) et donne nos conclusions
sur ce dossier. Puis le deuxième point de vue donne notre
avis sur la surveillance cuve. Ensuite nous nous sommes exprimés
sur le suivi de l'installation (en particulier l'estimation des
variations en pression et température des composants du
réacteur et la comparaison de ce nombre de cycles à
une estimation constructeur). Cette approche est intéressante
mais elle a besoin d'être peaufinée car elle exige
une concertation plus fine entre les équipes faisant ce
suivi et les équipes de conduite du réacteur. Sinon
on se bornera à comptabiliser des "situations"
et ceci ne fera pas avancer la sûreté du réacteur.
Et pour finir notre conclusion générale sur le dossier
VD2. Nous n'avons pas, dans le temps imparti et à la lecture
des dossiers que nous avions repérés et demandés,
relevé de discordance avec les conclusions prudentes de
la DSIN (et du BCCN) sur la tenue des cuves. Mais cette tenue
n'est pas l'essentiel du dossiers, le suivi des composants du
réacteur est un autre aspect important du dossier. C'est
pourquoi nous avons souligné :
1-Que l'analyse des phénomènes qui sous-tend les
formules utilisées pour évaluer l'évolution
des défauts des cuves doit être confortée
par des études et des expérimentations en laboratoire.
2-Que les incertitudes sont grandes et que, dans ces conditions
les marges dont EDF espère disposer peuvent ne pas exister.
3-Que l'analyse des incidents nous a permis de pointer un manque
de préparation de terrain, l'inadéquation de certaines
consignes.
4-Que la dosimétrie laisse beaucoup à désirer
en particulier la dosimétrie neutronique (châteaux
de transport entre autre...)
5-Qu'une visite décennale se fait à l'issue d'une
préparation intense et longue et dans ces conditions nous
ne pouvons donner un avis que sur certains points particuliers.
6-Que l'analyse de cette visite et des opérations lancées
montre que la préparation de ces opérations n'est
pas toujours optimale et gagnerait à être mieux supervisée.
7-Que nous analysions le dossier en sa cohérence scientifique.
Cette analyse pouvait être un élément dans
l'appréciation de ce dossier par la DSIN :
MAIS QUE NOUS NE NOUS SUBSTITUONS PAS A L'AUTORITÉ QUI
EST SEULE A PRENDRE LA DÉCISION DE REDÉMARRAGE DU
RÉACTEUR.
C'est pourquoi le redémarrage de Fessenheim avant la remise
de notre dossier ne nous a pas vraiment choqué. Et nous
constatons que nos conclusions ne sont pas contestées par
EDF et incitent à un dialogue que nous espérons
fructueux pour la sûreté.
Cette expertise s'est déroulée dans un climat correct
mais il est clair que la difficulté première réside
dans l'approche faite par les partenaires. De fait il n'y a aucune
anticipation sur les questions, c'est pourquoi nous sommes incapables
d'assurer avoir pointé TOUS les problèmes. Nous
espérons n'en avoir pas trop raté et c'est tout
ce que nous pouvons affirmer.
Pour la présentation du 6 mars nous noterons que EDF a
joué sa force. Nous lui avions, comme convenu dans la convention,
présenté le dossier le 28 février. EDF a
présenté un dossier de réponses à
nos questionnements et ce sans aller-retour. Cela permet momentanément
d'avoir le dernier mot mais seulement momentanément. En
effet les réponses rapides du 6 mars ne soldent pas la
radioprotection des personnels, ni le suivi du réacteur.
C'est simplement irritant...
Voici donc les différentes conclusions :
1ère : POINT DE VUE DU GSIEN
Nous avons reçu un dossier faisant le point des opérations
menées (quelques 3000 contrôles non destructifs).
Nous avons demandé à être destinataires des
conclusions de la visite des experts de l'Autorité de sûreté
("inspection de revue") car lors de cette visite, le
bilan des points réglementaires de la VD2 et des écarts
à ce programme (ajouts ou retraits de contrôle) a
été fait.
L'analyse de ces conclusions nous conforte dans notre propre analyse.
En effet les demandes de compléments de dossier ou de justificatifs
y sont faites en examinant d'une part le dossier prévisionnel
de la VD2 et le dossier réalisation. Un certain nombre
de remarques des experts montrent que toutes les demandes de l'autorité
n'avaient pas été prises en compte et que des demandes
de dossiers complémentaires se sont avérées
nécessaires pour compléter le document existant.
Ces experts (19) ont examiné les documents de réalisation
de la VD2 pendant 3 jours. Une série de ces remarques
ont été prises en compte tout de suite par
EDF car conditionnant l'avis de redémarrage.
Pour notre part, nous n'avons pas eu accès à ces
dossiers prévisionnels (même si nous en connaissons
l'existence), donc notre analyse est superficielle et nous en
sommes tout à fait conscients.
Il est évident que nous n'avons pas la possibilité
de nous assurer que le programme de surveillance recouvre bien
toutes les zones qui auraient nécessité un contrôle.
Certaines réparations qui nous ont été décrites
sont effectuées et n'apparaissent plus dans le bilan d'EDF
sous la même rubrique.
C'est le cas de la vanne RCV : le corps de la vanne comportait
un orifice de positionnement bouché avant usage, non mentionné
dans le dossier constructeur. Un dossier de requalification, préalable
au changement de la vanne, a été instruit durant
la VD2 (Mines, DSIN). Ce type de vanne (vanne canadienne) sera
contrôlé sur tous les sites et changé partout
où il présentera ce défaut. La modification
programmée était destinée à renforcer
la motorisation, insuffisante à pleine charge. A la suite
du problème rencontré cette modification a été
rendue impossible car la nouvelle vanne ne permet pas l'implantation
de la nouvelle motorisation.
Nous n'avons pas, non plus, pu vérifier l'adéquation
du programme de surveillance avec le programme initial, ni d'ailleurs
si le programme complémentaire (PIC) recouvrait toutes
les demandes de l'autorité. Ce PIC nous a été
présenté par EDF comme un programme destiné
à vérifier, par un balayage systématique
réparti sur tout le parc 900 MWé, l'ensemble des
équipements non soumis réglementairement à
un contrôle.
Il portait principalement sur le contrôle des systèmes
d'alimentation en eau : ANG (eau alimentaire des GV), RRA (refroidissement
du réacteur à l'arrêt), RCP (refroidissement
du circuit primaire), RRI (refroidissement intermédiaire),
VVP (ligne de vapeur principale).
Cette investigation a conduit à la réparation d'un
tronçon sur la ligne RRA 23 du collecteur principal, ce
qui souligne le bien fondé de ce programme PIC.
En ce qui concerne la visserie de cloisonnement des internes inférieures
du coeur, toutes les vis ont été vérifiées.
L'annonce de la totalité de la vérification est
satisfaisante. Ce qui l'est moins, c'est la non-disponibilité
du robot permettant de les changer en cas de nécessité.
Évidemment Framatome a garanti la tenue avec seulement
264 vis régulièrement réparties sur 960.
De plus, même en supposant une zone restreinte de 72 vis
défectueuses, la sûreté resterait assurée,
nous a-t-on expliqué. Avoir le dossier Framatome aiderait
à en être persuadé.
De même, en ce qui concerne d'autres contrôles, comme
il s'agit d'affirmations d'"autorité", étayées
par des calculs que nous n'avons pas vérifiés, nous
estimons ne pouvoir en garantir la validité.
De nombreuses réponses "d'autorité" gagneraient
à être explicitées, justifiées, puis
vérifiées par nos soins. Nous n'avons pas la possibilité
de l'exiger et, en tout état de choses, ceci conduirait
à un volume d'investigations demandant un nombre d'hommes-jours
très largement hors des limites de la Convention et de
nos possibilités.
Il serait, donc, important que la CLS puisse exercer ce contrôle
année après année, en ayant recours, si nécessaire,
à des experts indépendant de l'Autorité de
sûreté et de l'exploitant.
En conséquence, bien que pensant (souhaitant) que EDF a
réalisé son programme de contrôle avec efficacité,
nous ne possédons pas tous les éléments pour
en juger la totale pertinence.
2ème : POINT DE VUE DU GSIEN
La seule indication trouvé en virole C1 (5,7 mm x 14 mm)
reste dans les limites du défaut maximum fixées
par la SPN en 1999 (6 mmx 60 mm).
Il est d'ailleurs connu (analyse GDL -1993 et présentation
de Chinon) que ce sont les soudures qui sont les matériaux
les plus critiques à FES 1. La transmission très
tardive du dossier cuve Fessenheim, le 28 février (version
non finalisée) pour une remise du rapport le 6 mars, n'a
pas facilité notre analyse.
EDF nous a présenté ses calculs. Ceux-ci sont sous-tendus
par une série d'hypothèses portant notamment sur
l'estimation de la fluence et sur les évaluations de la
température de transition ductile-fragile.
EDF, dans le cadre de ces hypothèses, conclut que les marges
sont telles que le fonctionnement de FES 1 est garanti jusqu'à
40 ans.
Il apparaît que le défaut n'a pas les dimensions
de celui de Tricastin mais de nombreuses questions subsistent
sur l'hétérogénéité du métal
ainsi que sur certaines bases plus fondamentales de physique liées
à la mécanique de la rupture brutale et aux altérations
des matériaux soumis à une irradiation neutronique.
Les autorités de sûreté ont imposé
un réexamen des transitoires, une gestion à fluence
réduite, et pour améliorer la compréhension
des phénomènes, l'exploitation des éprouvettes
du type mécanique de la rupture.
Ces éprouvettes en nombre (trop ?) limité ne permettent
pas de diversifier les essais. Nous souhaitons qu'un consensus
rapide entre les divers interlocuteurs permettent de ne plus retarder
la mise en oeuvre de ces travaux.
La tenue de la cuve en situation incidentelle et/ou sous l'effet
d'un transitoire brutal dépend essentiellement de son état,
à savoir :
- Le métal (métal de base, soudures et ZAT (Zones
Affectées Thermiquement)) sous irradiation se trouve à
quelle température de transition ductile-fragile (RTndt)
?
- Le métal est-il affecté par un défaut préexistant
et de quelle taille ?
- La sollicitation ou transitoire se produit à quelle température
d'injection de sécurité ?
Or, sur la caractérisation des matériaux (RTndt
et défauts éventuels préexistants) de même
que sur la sollicitation (transitoire) on est confronté
à de sérieuses incertitudes. Dans ces conditions
parler de marges devient difficile.
Compte tenu de toutes ces incertitudes et/ou méconnaissances
que nous avons signalées (fluence, composition des matériaux,
présence de défauts, faiblesse des bases de données
- surtout en matériaux irradiés -, représentativité
des éprouvettes de caractérisation, mauvaise compréhension
des phénomènes, ...) nous ne souscrivons pas à
la garantie d'un fonctionnement sur 40 ans qui nous semble prématurée.
Quant au fonctionnement jusqu'à 30 ans, des contrôles
et une bonne maîtrise du retour d'expérience sont
indispensables pour éviter tout problème.
Trop de données manquent pour clore le dossier et nous
invitons la CLS à demander le point des analyses à
la DSIN et à ses appuis techniques BCCN et IPSN.
3 ème : LE POINT DE VUE GSIEN
Notons que ce dossier "comptabilisation des situations"
a été rédigé à notre intention
et fait le point sur une question en cours de finalisation (nouvelle
version des spécifications disponible sous 1 an environ).
Le comportement de la chaudière y est analysé "sur
la base d'un catalogue de situations de conception. Ces situations
ont été définies avec des hypothèses
pénalisantes afin d'obtenir des évolutions de température
et pression enveloppes des situations réelles.". Et
toujours selon EDF: "Les objectifs de la comptabilisation
consistent en la vérification que le CPP n'est pas soumis
à des contraintes plus sévères ou plus nombreuses
que celles retenues ... En effet les analyses de conception visant
à démontrer l'absence d'endommagement sont établies
à partir de ce dossier et donc la résistance de
l'appareil ne peut plus être assurée si l'on s'écarte
des hypothèses de ce dossier."
Comme toujours se posent des questions :
- Est-ce vraiment enveloppe ?
- Le catalogue est-il pertinent ?
Un point pose aussi problème : " On notera par
ailleurs que l'article 36 de l'Arrêté du 26 février
1974 précise notamment que l'utilisateur peut modifier
la liste et la définition des situations s'il montre que
l'appareil satisfait aux prescriptions de l'arrêté.
En fonction du retour d'expérience, le dossier de situations
est réexaminé et la vérification du respect
des critères mécaniques est réalisée
dans le cadre de la révision du dossier d'analyse du comportement
correspondant."
Et malgré la conclusion rassurante :
"- pour la majorité des situations, le nombre de
situations comptabilisées est inférieur aux prévisions
pour une tranche à mi-vie.
- quelques situations ont un nombre comptabilisé supérieur
au nombre défini à la conception.
- pour les situations créées suite au retour d'expérience
(marquées "à définir")..., les
calculs mécaniques réalisés montrent que
leur impact est faible."
Il est clair qu'il faut utiliser le retour d'expérience
mais est-ce vraiment pour faire des subdivisions dans l'inventaire
des "situations" ?
Si l'analyse se borne à vouloir éviter un dépassement
du nombre d'occurrences et non pas à limiter la consommation
des situations, alors toute cette comptabilisation ne permettra
pas d'améliorer le fonctionnement du réacteur et
donc la sûreté.
Il ne faudrait pas que les subdivisions deviennent un artefact
permettant de masquer des dépassements de la prévision
de conception. La question n'est pas sans implications fortes
sur la sûreté. De même, on peut s'étonner
de trouver dans des classes dont la prévision reste à
définir, des types de sollicitations ayant eu un nombre
important d'occurrences avant la mise en service industriel.
Il faut certainement améliorer l'analyse des situations
versus les procédures de conduite du réacteur et
lors d'un redécoupage de situations vérifier s'il
n'existe pas de problèmes pour les zones qui sont particulièrement
affectées par les transitoires surconsommés.
En ce qui concerne le dossier " Bilans des modifications
réalisés en VD2 à FES1", nous prenons
acte de la réalisation de 94 modifications dont 79 IPS
et attendons les dernières requalifications à réaliser
au redémarrage (3) et en fonctionnement (1).
En ce qui concerne les travaux sur les (GV : limiteur interne
de débit) et sur l'EAS il faudra suivre, lors des arrêts
suivants, les réponses apportées au questionnement
des experts de l'Autorité de Sûreté.
CONCLUSIONS
Dans les limites du temps imparti (dernière
réunion 9 février, rapport final discuté
avec EDF le 28 février), les experts ont essayé
de se faire une opinion sur l'adéquation de la VD2 via
les contrôles et les actions en résultant, aux exigences
de sûreté du site. Le groupe d'experts de la VD2
conclut comme celui de la VD1 que cette mission s'est faite "sans
pouvoir cependant se livrer à une expertise exhaustive
et à une étude globale ".
Cet état de fait résulte principalement :
- du dossier en tant que tel : Le suivi du réacteur et
les modifications résultant de son fonctionnement et de
la mise à niveau de son état de sûreté
ont démarré dès sa mise en route en 1977.
Il faut être conscient de la complexité du dossier
et du temps nécessaire pour le juger. Il s'y ajoute depuis
1987 la remise en cause (ou tout au moins le réexamen nécessaire
compte-tenu de la découvertes de fissures type DIDR ou
DSR) de la durée de vie du réacteur, liée
à celle de la cuve. EDF a mis 10 ans pour répondre
aux interrogations de l'autorité de sûreté
et ses conclusions quant à une durée de vie de 40
ans ne sont toujours pas acceptées. (suite) suite:
Nous ne pouvons que le signaler et le rappeler avec insistance.
- d'un dialogue pas toujours évident où les arguments
d'autorité l'emportent souvent sur une approche plus scientifique
consistant à bien exprimer ses hypothèses et ses
incertitudes pour en analyser le poids sur les calculs et, in
fine, sur le temps de vie des cuves.
LA PREMIÈRE MISSION D'EXPERTISE (VD1) avait permis
un regard extérieur sur les opérations de contrôle
menées à l'occasion de la visite décennale
d'un réacteur. Même si les experts avaient manqué
de temps et si l'accès aux documents (en 1989) fut difficile,
cette analyse avait permis de pointer un certain nombre de problèmes.
Mais il faut être conscient que pour apprécier l'état
de sûreté d'un réacteur, un coup de sonde
tous les 10 ans est un peu illusoire.
Il faut prévoir un suivi plus systématique, sous
l'égide de la CLS, en ayant recours, si besoin est, à
des experts ne relevant ni de l'autorité de sûreté,
ni de l'exploitant, ni des constructeurs.
CETTE SECONDE MISSION DE CONTRE-EXPERTISE (VD2) s'est déroulée
dans de meilleures conditions qu'en 1989. Cependant, pour pouvoir
mener à bien une telle mission il faudrait pouvoir disposer
de plus de temps pour analyser les dossiers et pour cela il faudrait
pouvoir les obtenir plus rapidement.
Rappelons qu'une clause de confidentialité est dans la
convention, clause portant sur les documents, pas sur nos avis.
Nous avons accepté cette clause donc il n'était
pas utile de la reprendre à chaque demande de dossier,
ce qui ne pouvait que générer des retards dans la
transmission des documents (exemple le dossier générique
cuves 900).
(A) LES CONCLUSIONS DES EXPERTS DE LA VD1 ont permis la
prise en compte de contrôles complémentaires et leurs
observations formulées lors de la visite du site ont également
contribué à améliorer la sûreté.
Cependant certains points noirs signalés sont restés
en l'état.
- risque hydrogène
Le risque hydrogène n'a toujours pas été
pris suffisamment en considération. Bien que EDF affirme
que l'enceinte puisse résister à une déflagration,
rien ne garantit, de fait, sa tenue à une explosion détonnante.
Ce point reste et les dernières expérimentations
menées à Phébus (réacteur d'étude
de l'IPSN) ont montré que certaines des hypothèses
admises dans les calculs français devaient être revues.
- dispositif d'ouverture de la vanne de dépressurisation
de l'enceinte à travers le filtre à sable.
La refermeture de cette vanne est indispensable pour assurer le
confinement du bâtiment. Les solutions permettant d'éviter
l'irradiation éventuelle du personnel auraient dû
être mises en oeuvre depuis longtemps. Il nous semble que
cette modification essentielle ne doit plus être différée
(le 3 mars il nous a été communiqué une information
précisant que des travaux avaient été menés,
nous attendons communication du dossier pour le commenter ultérieurement).
- tenue du bâtiment combustible (résistance à
une agression externe, risque de sortie de produits radioactifs,
détection neutron, risque inondation).
La résistance du BK à une agression externe est
toujours aussi faible.
La surveillance radiologique dans le bâtiment ne prend pas
en compte la problématique d'un accident de criticité,
ni une dosimétrie neutronique opérationnelle des
travailleurs. Ces deux points sont à revoir au plus vite.
La problématique "inondation" a refait surface
avec les problèmes du Blayais lors de la tempête
du 28 décembre 1999 mais ce problème aurait dû
être solutionné depuis 1984. Dans le dossier de l'IPSN
il est indiqué :
"- les sites de FESSENHEIM et de TRICASTIN sont implantés
à proximité d'un canal dont la ligne d'eau est supérieure
à la cote de leur plate-forme. Pour ces sites également,
il conviendra de réexaminer les dispositions particulières
mises en oeuvre." Il conviendra de donner suite à
cette recommandation importante. Cette révision comporte
en particulier un réexamen de la tenue aux séismes
de la digue. Nous n'avons pas eu connaissance de quelconques travaux
liés à cette mise à niveau de la digue.
(B) L'ANALYSE DES INCIDENTS SURVENUS DEPUIS 1989 fait ressortir
quelques points récurrents :
- suivi des matériels (vieillissement des composants).
De l'analyse des incidents, il ressort que la maintenance préventive
n'est pas toujours appliquée.
- erreur de procédures
Dans la liste des incidents il apparaît qu'un effort doit
être fait pour mieux définir les consignes, en particulier
en procédure exceptionnelle.
-suivi local des incidents.
Localement l'analyse globale des incidents par la DRIRE ne semble
pas avoir été menée à son terme. Si
au niveau national des bilans sont faits, il est important que
les enseignements soient tirés des séquences incidentelles
directement pour le site. Un bon retour d'expérience exige
une analyse détaillée du fonctionnement du réacteur
justement lors des erreurs.
(C) PRISE EN COMPTE EN VD2 DE CERTAINES CONCLUSIONS DE LA VD1,
et plus particulièrement des points suivants :
- contrôle de la plaque de partition des GV,
- inversion du sens de circulation de l'eau primaire up-flow,
down-flow,
- vérification des volutes de pompes primaires,
- comportement aux séismes. Les réétudes
semblent s'adresser surtout à la tenue des matériels,
et pas à celle des bâtiments ni des ouvrages tels
que la digue.
- inspection par des experts non-EDF,
- ventilation complémentaire contre le risque hydrogène.
(D) EN VD2 UN CERTAIN NOMBRE DE MODIFICATIONS IMPORTANTES ONT
ÉTÉ RÉALISÉES :
- réfection de l'instrumentation de mesures du niveau GV,
- pose de limiteurs de débit interne dans les GV,
- changement de l'échangeur EAS.
Ces deux derniers points, suite à l'inspection de janvier,
doivent être suivis et EDF doit apporter des compléments
de dossier.
Nous avons relevé que CERTAINES INTERVENTIONS que devaient
subir des matériels N'ONT PAS ÉTÉ MENÉES
À TERME:
- le cas de la vanne RCV est assez exemplaire.
Cette vanne s'est avérée non conforme au dossier
constructeur. Elle a donc été changée. Mais
ce changement n'a pas permis de mettre en oeuvre, pour des raisons
de géométrie, la modification programmée
sur le nouvel équipement à savoir le renforcement
de sa motorisation.
Nous pouvons légitimement nous poser la question de la
qualification préalable de la nouvelle vanne et de l'adéquation
de sa motorisation à la fonction qu'elle doit assurer.
- le remplacement des vis défectueuses des internes inférieures
de la cuve n'a pu être effectué en raison de la non-qualification
du robot de maintenance.
Ces deux exemples mettent en lumière une carence, située
loin en amont du site, dans la préparation d'une grosse
opération telle la VD2. Cette carence du niveau central
perturbe l'organisation d'une opération lourde et peut
avoir des implications tant sur les intervenants que sur la sûreté
de l'installation. Il nous semble qu'il y a une insuffisante concertation
entre les divers niveaux opérationnels.
(E) LES CONTRÔLES RÉGLEMENTAIRES DE LA VD2
ont été menées sur la tenue en service du
réacteur (comptabilisation des situations -IPS en particulier-)
ainsi que sur la cuve et l'enceinte.
- la comptabilisation des situations :
Cette démarche est très importante. La mise à
jour du dossier de comptabilisation doit faire évoluer
positivement la sûreté du réacteur. (suite)
suite:
S'il est clair qu'il faut utiliser le retour d'expérience
pour l'estimation de la tenue des matériels faut-il le
faire à l'aide de subdivisions dans les "situations"
? Il ne faudrait pas que les subdivisions deviennent un artefact
permettant de masquer des dépassements de la prévision
de conception. La question n'est pas sans implications fortes
sur la sûreté.
Si l'analyse se borne à vouloir éviter un dépassement
du nombre d'occurrences et non pas à limiter la consommation
des situations, alors toute cette comptabilisation ne permettra
pas d'améliorer le fonctionnement du réacteur et
donc la sûreté.
Il faut certainement améliorer l'analyse des situations
versus les procédures de conduite du réacteur et
lors d'un redécoupage de situations vérifier s'il
n'existe pas de problèmes pour les zones qui sont particulièrement
affectées par les transitoires surconsommés.
Il nous semble, donc, indispensable qu'une plus grande symbiose
existe entre les équipes de conduite et celle de la comptabilisation
des situations.
- le bâtiment réacteur :
En ce qui concerne l'enceinte nous avons constaté des décollements
de la peau interne. Même si le bâtiment a satisfait
aux critères de fuites, un suivi de cette peau est nécessaire.
Il s'agit de la troisième barrière.
- la cuve :
Même si à Fessenheim il n'a été décelé
qu'un seul défaut pleine virole de 5,7 mm x 14 mm, le dossier
n'est pas terminé et on ne peut, à notre avis, conclure
sur la durée de vie des cuves. Ce dossier est d'autant
moins clos que nous venons tout juste d'avoir le rapport sur Fessenheim
et que nous ne pouvons en un temps aussi court (28 février
2000 - 6 mars 2000) en faire une analyse détaillée
et pertinente.
Voici, d'ailleurs, l'avis de la DSIN (juin 1999) sur le sujet
(lettre DSIN /DIJ/BCCN/PM/CL/N° 990625) :
" Je note l'effort de mise en forme par vos services de
nombreux travaux sur le sujet mais je considère qu'il est
encore insuffisant pour conclure à la tenue des cuves à
40 ans dans les conditions accidentelles postulées, tout
particulièrement pour les cuves les plus sensibles du parc
français.
Toutefois je considère, au vu des éléments
disponibles, que, sous réserve de la réalisation
des contrôles demandés ci-après et de résultats
probants, la tenue des cuves 900 MWé peut être considérée
comme assurée au moins jusqu'à l'échéance
30 ans vis-à-vis des transitoires que vous avez étudiés.
"
D'une manière plus générale, sur le comportement
des cuves sous irradiation, il reste les points suivants à
préciser et prendre en compte :
- L'analyse des phénomènes physiques conduisant
à une modification des caractéristiques mécaniques
des matériaux sous irradiation neutronique doit continuer
à faire l'objet de recherches fondamentales. Au niveau
de l'ingénieur, la mise en oeuvre repose trop sur une approche
empirique. Cette analyse devrait étudier plus finement
les effets liés aux spectres d'énergie des neutrons,
y compris dans l'estimation des paramètres de fluence.
- La caractérisation du matériau vis à vis
de la rupture est réalisée au moyen d'essais destructifs.
La représentativité des éprouvettes utilisées,
discutable par définition, joue donc un rôle essentiel.
- L'évolution de la ténacité avec la température
est une considération expérimentale déduite
de résultats d'essais présentant une forte dispersion.
La notion de température de transition est donc conventionnelle,
peu précise, et de mesure délicate.
- L'analyse de sûreté présentée par
l'exploitant est résumée en termes de "marge"
vis à vis de la température de transition. Ce paramètre
ne nous paraît pas particulièrement parlant. Vis
à vis de la rupture de cuve, et sans remettre en cause
les scénarios accidentels envisagés, on aurait préféré
que cette marge soit exprimée en terme de "dimension
de fissure acceptable". En effet, les calculs montrent que
la fissure "enveloppe" de dimension 6 mm x 60 mm n'est
pas critique mais on ne sait pas de combien. - La tenue de la
cuve en conditions pénalisantes relève de nombreux
paramètres. Or, sur la plupart de ces paramètres,
dont la caractérisation des matériaux (RTndt et
défauts éventuels préexistants) ou la (les)
sollicitation(s) (transitoire) on se heurte non seulement à
des incertitudes difficiles à quantifier mais à
des manques de connaissances. Il est alors difficile de parler
de marges et de leur faire confiance.
- Une approche plus statistique devrait être engagée
afin d'évaluer les paramètres et leurs incertitudes
d'une façon plus quantifiée.
Rappelons l'avis de la DSIN concernant le temps de vie des cuves:
"...la tenue des cuves 900 MWé peut être
considérée comme assurée au moins jusqu'à
l'échéance 30 ans vis-à-vis des transitoires
que vous (EDF) avez étudiés " mais "il
(le dossier) est encore insuffisant pour conclure à la
tenue des cuves à 40 ans dans les conditions accidentelles
postulées."
et celui des responsables du BCCN, exprimé dans l'article,
"Cuve : de progrès en surprises" (Contrôle
n° 99 page 57 - revue de la DSIN) :
"Compte tenu du nombre de mauvaises surprises déjà
rencontrées dans ce dossier, il serait bien imprudent de
conclure que tout va bien jusqu'à 40 ans. L'Autorité
de sûreté, une fois menées les investigations
à court terme permettant de traiter les suites du cas Tricastin,
se concentrera sur une approche plus pragmatique. Il s'agit de
savoir :
- si tout ce qu'il faut faire avant 30 ans est bien prévu
avec les bonnes échéances,
- si l'on a des assurances suffisantes jusqu'à 30 ans,
quitte à établir un dossier de démonstration
moins ambitieux que l'actuel mais aussi plus conforme aux réalités
prouvées à ce jour,
- si tout ce qui est nécessaire sera mis en oeuvre avant
30 ans pour qu'à cette échéance on puisse
se prononcer cuve par cuve sur une durée de vie résiduelle."
En conséquence, nous affirmons avec force que, même
si Fessenheim ne présente pas, en pleine virole de la zone
coeur, des défauts de la taille de ceux de Tricastin, ceci
ne clôt pas le dossier de la tenue des cuves sous irradiation,
même pour celle de Fessenheim. Si d'une manière générale,
lors de la VD2, EDF a réalisé un important programme
de contrôles et de modifications, il n'en reste pas moins
que des points essentiels que nous venons de répertorier
restent en suspens. C'est pourquoi nous suggérons que la
CLS puisse faire un suivi plus régulier des travaux effectués
sur le site de Fessenheim (10 ans est un intervalle trop important).
La Gazette Nucléaire n°181/182
avril 2000
la Gazette du Nucléaire est éditée sur Internet
grace à Yves Renaud.
Le «couloir de la mort» de Fessenheim
Il s'agit d'un tunnel destiné
à protéger le personnel contre l'irradiation en
cas d'intervention sur une série de vannes. Ce couloir,
d'environ 2 m de largeur, 2 m de hauteur et 50 m de longueur,
est constitué de parois épaisses et bétonnées
et contient de très nombreuses vannes et tuyauteries dont
l'activité doit être importante.
Cette zone a été si bien conçue
au départ que les tuyauteries circulaient absolument dans
tous les sens, de sorte qu'un travailleur amené à
intervenir sur une vanne devait effectuer un véritable
«parcours du combattant» pour franchir tous les obstacles,
cela pendant naturellement un temps considérable...
d'où le nom donné par les exploitants à ce
couloir.
La situation a été jugée
suffisamment grave pour que soient prises les mesures qui s'imposaient:
les tuyauteries (en inox) ont été coupées
et ressoudées de manière à faciliter le passage
!
Il serait intéressant de connaître la facture !...
La Gazette Nucléaire n°5 janvier 1976.