Three Mile Island
troisième partie

TRANSCRIPTION DES ENTRETIENS DES MEMBRES DE LA N.R.C.

Traduction EDF d'articles de "NUCLEONICS WEEK" et "NUCLEAR FUEL"

La première partie publié le 13/9/99 reproduisait les conversations des membres de la NRC, qui ont débuté aux alentours de 9 h le vendredi 30 mars, date à laquelle les Membres de la Commission de Réglementation Nucléaire ont commencé à se réunir de façon quasiment continue.

La deuxième partie publié le 29/9/99 prenait fin à l'issue d'une conversation téléphonique entre les Membres de la Commission et le Personnel de la Commission de Réglementation Nucléaire, Messieurs Harold Denton et Denny Ross, le vendredi 30 mars, dans l'après-midi.


Le 30 mars 1979

(Entretien téléphonique entre les Membres de la Commission et le Gouverneur Thornburg ; heure : 15 h 41).

Thornburg : Allô, ici Dick Thornburg.

Hendrie : Allô Dick, c'est encore moi, Joe Hendrie. Je suis désolé de vous ennuyer encore avec cela.

Thornburg : Allez-y, je vous en prie.

Hendrie : J'ai pensé qu'après la conversation que nous avons eue ce matin, il fallait absolument que je vous communique la conclusion à laquelle sont parvenus nos agents, à savoir qu'à Three Mile Island, les dégâts subis par le coeur sont plus sérieux qu'on aurait pu le penser cette nuit et même vraisemblablement ce matin quand on en a discuté ensemble.

Thornburg : Ecoutez, Joe, j'ai avec moi un groupe de quatre techniciens et, si cela ne vous dérange pas, j'aimerais bien brancher le haut-parleur sur le téléphone pour qu'ils entendent.

Hendrie : D'accord, je vais vous expliquer. Nos équipes ont travaillé toute la nuit et ce matin sont arrivées à la conclusion (et je crois que Met Ed et B&W sont d'accord) que les dégâts subis par le coeur sont beaucoup plus importants que l'on pouvait le supposer hier. Le dégagement de produits de fission dans le système primaire de refroidissement, et d'une fraction de ceux-ci à l'intérieur du confinement, est assez important. En fait, il représente une proportion non négligeable des gaz présents, en plus de certains autres problèmes, je pense. Vous vous souvenez certainement que des thermocouples avaient été placés à la partie supérieure d'un grand nombre d'éléments dans le coeur. Eh bien, les températures qu'ils indiquaient étaient très élevées, anormalement élevées. Tout d'abord on a pensé que les indications des thermocouples étaient erronées. Néanmoins, à l'heure actuelle, j'ai l'impression qu'on a plutôt tendance à penser que les thermocouples marchaient probablement bien et que ce que nous avons vu pendant une bonne partie de la journée d'hier sans bien réaliser ce dont il s'agissait, c'était en fait le coeur qui, au lieu d'être noyé dans l'eau, dégageait de la vapeur, tout au moins dans la moitié supérieure des éléments combustibles. En fait, les dégâts se seraient produits pendant toute cette période qui s'est prolongée pendant un grand nombre d'heures. A présent, autant que je sache, tous les thermocouples, sauf deux, indiquent des températures inférieures à la température de saturation, ce qui signifie vraisemblablement qu'ils sont en phase liquide. Pourtant, pour un élément combustible au moins, la température indiquée est supérieure à la température de saturation, ce qui laisse à penser que cet élément est le siège d'un certain bouchage entraînant la poursuite du dégagement de vapeur. Par conséquent, le thermocouple baigne dans une atmosphère de vapeur. De plus, tout laisse à penser qu'une réaction métal-eau s'est produite et les experts pensent qu'une bulle d'hydrogène s'est formée dans la partie supérieure de la cuve. A l'heure actuelle, la situation se stabilise assez régulièrement et elle pourrait continuer à la faire pendant encore quelques jours, à mon avis. Néanmoins, il faut absolument trouver le moyen de sortir de cette situation. C'est ce que sont en train de faire nos équipes et celles du licencié au prix de grands efforts. La pression dans le circuit primaire est de l'ordre de 100 PSI (69 bar) et la température apparente, de 2 800 °F (138 °C). On note la présence d'un débit continu de décharge de l'ordre de 100 p.m (37 litres par minutes) qui provient obligatoirement du circuit primaire, étant donné qu'en fait de l'eau est réinjectée dans le circuit primaire à travers les différents joints des pompes et des 'barres et autres dispositifs de ce genre. De l'eau chaude est envoyée au bâtiment des auxiliaires nucléaires et je pense qu'il se produit un dégagement dans l'atmosphère, réduit mais assez régulier, de produits de fission à base de xénon, provenant de ce circuit. Les indications des appareils se trouvant à la périphérie du site ne dépassent pas celles qu'on a observées précédemment et leur sont même parfois inférieures, s'établissant de 1 à 20 mrem par heure, ce qui ne semble pas particulièrement inquiétant à ce niveau. Cependant, compte tenu des conversations que j'avais eues avec vous auparavant, j'ai été amené à considérer la nature des dégâts dans une optique légèrement différente, en termes de rupture et de fissuration de certaines barres de combustible ; mais, sans aller beaucoup plus loin, j'ai pensé qu'il valait mieux pour moi vous recontacter et vous informer de la façon dont les choses semblent se passer. Pour ce qui est de ce que nous faisons actuellement, je pense que nous maintenons la circulation, ce qui équivaut dans le cas présent à assurer la stabilité du réacteur. A cet égard, les experts travaillent nuit et jour pour tenter de mettre au point des mesures susceptibles de nous rassurer et de parvenir à une situation stable récupérable à long terme. Dans l'état actuel des choses, je ne suis pas favorable à des mesures en dehors du site de la centrale. La Commission a dépêché son Directeur pour la réglementation des réacteurs sur l'emplacement de la centrale - la Maison Blanche nous a fait parvenir du matériel de communication, de sorte que les choses ont l'air de s'arranger assez bien. Le responsable s'appelle Harold Denton. C'est notre homme d'expérience sur place ; il est Membre de la Commission. Je lui ai demandé de vous appeler afin que vous puissiez discuter directement avec lui de la situation et lui poser certaines questions auxquelles je ne pourrai vraisemblablement pas répondre ici.

Thornburg : Est-ce que je peux vous poser quelques questions ? J'ai l'impression que certaines choses que vous venez de dire ont appelé certaines questions de la part des gens qui sont avec moi.

Hendrie : Allez-y, je vous en prie, je serai ravi de tenter d'y répondre.

Voix au téléphone : Quels sont les risques d'explosion susceptibles de provoquer une rupture du coeur ? ou bien encore une rupture de la cuve ?

Hendrie : Dans certains endroits, on ne note aucune présence d'oxygène susceptible de se combiner à l'hydrogène, de sorte que, autant que je sache, le risque est voisin de zéro.

Thornburg : Entendu. J'ai l'impression que la meilleure chose que j'ai à faire, c'est de lui laisser le téléphone ; je viens de discuter avec Harold et je lui ai demandé de m'accorder 10 minutes pour vous appeler, après quoi il vous appellera. Je crois que vous devriez l'avoir rapidement.

Thornburg : Très bien, merci. Pourriez-vous imaginer les cas de complications les plus graves auxquels nous devons nous préparer dans les quelques jours à venir ?

Hendrie : Je pense qu'il serait prudent de mettre en état d'alerte les responsables des plans d'évacuation et d'urgence. Je pense aussi qu'un certain nombre de Personnes du côté fédéral désireraient être présentes, à proximité de vos bureaux, au cas où Ce serait une précaution utile.

Une voix : Avez-vous une idée de l'étendue de la zone susceptible de faire l'objet de mesures d'évacuation ?

Hendrie : Je pense que si l'on craignait l'éventualité d'une dégagement important, c'est-à-dire différent de toutes les choses que nous avons vues jusqu'à présent, lesquelles sont très mineures, tout au moins pour un accident important, il faudrait envisager une évacuation d'une trentaine de kilomètres alentour.

Thornburg : Est-il quelqu'un dans le pays qui possède une expérience des conséquences que pourrait avoir sur la santé un dégagement de cette importance ?

Hendrie : Non, en ce sens que le problème n'a pas été étudié et élucidé sur un cas réel. A un certain moment, quand on a fait des essais de bombardements, on a exposé des groupes de soldats, parfois même certains civils, à des doses de radiation de faible intensité en rems (problème qui fait aujourd'hui l'objet de discussions), mais c'est à peu près la seule expérience comparable qui me vienne à l'esprit. Vous évoquez l'éventualité d'un dégagement important, et non pas les petits dégagements qui se sont produits jusqu'à présent ?

Thornburg : Oui, c'est bien ça. A propos, qu'en est-il de ces émissions continues de faible intensité ? Faut-il s'en inquiéter ?

Hendrie : Je pense que si elles devaient continuer pendant encore 15 jours ou une durée voisine, il serait prudent d'évacuer les populations vivant dans la zone voisine de la centrale. Comme vous le savez, on a réussi à les interrompre un certain temps la nuit dernière, mais elles ont repris ce matin. A présent, il y a un dégagement faible et continu. Les débits de dose, dans les zones ouvertes au public, semblent être de quelques millirems par heure et l'on est actuellement en train de mettre en place un système de connexions (les opérations ont commencé depuis une journée, je crois), un système de connexions qui permet d'éviter tout dégagement radioactif à partir du réfrigérant primaire, lequel, par pompage, est réinjecté dans le confinement, c'est-à-dire dans un endroit étanche où l'on peut le contrôler. A mon avis, il existe donc de bonnes chances pour que le niveau actuel de radiation, qui atteint environ un dixième de curie par seconde de dégagement en provenance du circuit de décharge (du CCV) où le débit est de 10 g.p.m (38 litres par minute), il y a donc de bonnes chances pour que le dégagement soit en partie, voire même totalement supprimé, lorsque le système sera totalement connecté. Cela devrait se passer cette nuit.

Thornburg : Que pensez-vous maintenant des risques de fusion ?

Hendrie : Je pense qu'ils sont très minimes.

Thornburg : Que pensez-vous des risques de dégagements importants imprévus ?

Hendrie : Eh bien, ils sont plus importants que les risques de fusion, étant donné qu'ils peuvent se produire même si la fusion n'intervient pas. Il suffit qu'il y ait une fuite au niveau de l'enceinte de confinement dans laquelle à ce moment précis, se trouve une grande quantité de produits de fission gazeux, ou bien encore d'un joint défectueux d'une pompe utilisée dans les bâtiments auxiliaires pour pomper le fluide primaire, et ce ne sont là que quelques exemples. Par conséquent, le risque de dégagements importants si celui de fusion est de l'ordre de 1 %, est de l'ordre de 5 %, peut-être un peu plus.

Thornburg : Y-a-t'il eu de nouvelles bouffées d'activité non prévues ?

Hendrie : Pas que je sache j'ai l'impression que nos hommes à la centrale ont une vision différente à propos des rejets contrôlés ou incontrôlés. Je pense qu'ils sentaient que ces choses allaient arriver lorsque le niveau a atteint le haut du réservoir de stockage des gaz et que les soupapes de sûreté se sont ouvertes, etc. Ils ne pouvaient pas y faire grand-chose. Ils savaient que cela allait se produire et, plutôt que de stocker ce gaz avec le risque de se retrouver dans une situation où une soupape va s'ouvrir parce que vous êtes en train de pomper un fluide dans le réservoir et que tout va péter, à ce moment-là, ils admettent ce relâchement continu Denton va appeler et je pense qu'il pourra vous aider étant donné qu'il se trouve actuellement sur le site.

Thornburg : Si l'on continue cette nuit à pomper le liquide pour le réinjecter dans le confinement, tout danger sera-t-il nécessairement écarté ?

Hendrie : Eh bien, cela signifie simplement que ces dégagements qui nous inquiètent, mais qui jusqu'à présent n'ont pas atteint des niveaux considérables, pourront être réduits dans de larges proportions et qu'on ne les verra plus jamais réapparaître.
Pour ce qui est de l'avenir, il y a lieu de s'inquiéter du niveau de détérioration du coeur que nous pensons actuellement avoir atteint. Serons-nous en mesure de ramener le refroidissement à une situation à long terme sans rencontrer de nouvelles difficultés. Je veux dire par là de nouveaux rejets ? Cela mérite de faire l'objet de travaux et d'études plus approfondis.

Thornburg : La Compagnie vous a-t-elle informé de la trajectoire du nuage de gaz qui s'est dégagé ce matin ?

Hendrie : Pas jusqu'ici de toute façon. Je pense que nos - j'ai eu l'impression en parlant à nos gars sur le terrain, qu'ils savaient ce qui se passait, mais ce n'est probablement que pure spéculation.

Une voix : Qu'est-ce qui vous inquiète le plus à présent au sujet du coeur ? Est-ce la bulle qui se trouve dans la cuve du réacteur, ou bien est-ce le fait que le coeur est tellement endommagé que vous ne voulez pas prendre le risque de pomper du combustible, ou autre matériau, à l'extérieur de l'enceinte de confinement ?

Hendrie : Ce qui m'inquiète, c'est la bulle. Comment s'en débarrasser et comment faire baisser la pression dans le circuit, de façon à pouvoir mettre en place un mode de refroidissement stable à long terme.

(Fin de la conversation téléphonique).

(Heure approximative : 16 h 15. Une autre conversation téléphonique a eu lieu cette fois avec une Personne non identifiée dans la transcription. Personne dont les propos étaient inaudibles sur l'enregistrement. Nous avons donc décidé de ne pas répéter à chaque fois Une voix (inaudible) et de présenter les propos de Hendrie comme s'il s'agissait d'un monologue, même si à l'évidence il répond à des questions).

Hendrie : Oui, en effet, la situation, ici, est beaucoup plus sérieuse que je le pensais hier. Les dégâts causés au coeur du réacteur sont beaucoup plus importants que ce que l'on pensait hier. La quantité de produits de fission présents dans le confinement est manifestement plus grande, et en plus, il y a une grosse bulle d'hydrogène en haut de la cuve. Pour le moment, personne ne voit comment on pourrait s'en débarrasser. Par conséquent, on ne peut pas réduire la pression parce que si on réduit la pression, la taille de la bulle augmentera, ce que l'on veut éviter. Elle est tout en haut et assez grosse, de telle sorte que si nous dépressurisons de façon à pouvoir démarrer le système d'évacuation de la chaleur résiduelle, la bulle va s'introduire dans le coeur et (inaudible) le coeur va se trouver à découvert. La température est à peu près uniforme dans le circuit. Elle est de 2 800° F (138 °C). Des différences de températures supérieures ont été enregistrées à la sortie de certains éléments. Nous avons un élément combustible qui a présenté des conditions d'ébullition juste au-dessus de lui, si bien qu'il se trouve probablement encore en phase vapeur. Notre sentiment à l'heure actuelle est que le coeur a passé une bonne partie de la journée d'hier dans un état de refroidissement en phase vapeur. Eh bien, les deux en quelque sorte. Cela était prévu en ce sens qu'ils savaient qu'ils devaient le faire, qu'ils étaient en train d'utiliser le reste du volume disponible dans le réservoir de décharge. Je pense que nous allons avoir trop d'eau dans le réservoir et que nous allons commencer à en évacuer par les soupapes de décharge, ce qu'ils ont fait, et ce faisant, ils ont suffisamment déchargé de telle sorte qu'ils ont ménagé une hauteur libre dans les réservoirs intermédiaires. Vous savez, ce n'était pas volontaire, mais ce n'était pas non plus précisément incontrôlé. C'est sorti par les filtres auxiliaires ; par conséquent, il s'agissait de gaz nobles.

(Fin de l'entretien téléphonique. Plus tard, à 17 h, Hendrie reçut un appel de Harold Denton).

Denton : Maintenant, je comprends le problème que se pose Dick Vollmer. Tout ce que j'ai fait, c'est passer mon temps au téléphone. Les services du Gouverneur appellent toutes les cinq minutes. La première chose qui m'a frappé lorsque je lui ait dit pourquoi j'étais ici, ça a été d'entendre que la Commission de Réglementation Nucléaire s'inquiétait des risques de fusion. (Les organes d'information en avaient fait état, apparemment sur la foi de remarques faites par un Officiel de la Commission de Réglementation Nucléaire replacées dans leur contexte). Je vous rappellerai dès que mes gars m'auront fait leur rapport. Vous voyez, je me rends compte que le simple fait de répondre aux questions par téléphone prend un temps énorme. J'espère que le Personnel technique s'en tire en tous cas mieux que moi.

Hendrie : Qu'est-ce que vous avez dit d'autre au cours du bref entretien que vous venez d'avoir avec la presse ?

Denton : Cela n'a duré que huit minutes. Que vous aviez appelé le Président et qu'il s'était montré très désireux d'avoir des informations concrètes obtenues sur le lieu même de l'accident ; qu'on traversait une période difficile et que mon travail consistait à vous tenir informé et à le tenir informé ; que les rejets décroissaient ; que je pensais que l'action du Gouverneur était raisonnable en ce qui concerne les précautions à prendre ; et que je donnerai ultérieurement de plus amples renseignements à toutes les personnes présentes. En fait, le groupe de gens auquel je m'adressais était assez restreint, mais aussi assez opiniâtre. Après, on a parlé de la bulle de vapeur et ils ont voulu en savoir plus. Alors j'ai demandé à Stello de leur accorder 5 minutes.

Hendrie : La bulle de vapeur ?

Denton : Eh bien oui, la bulle dans le coeur. Incondensable.

Hendrie : La bulle se trouve dans la partie supérieure de la cuve, réellement ?

Denton : Sous le couvercle de la cuve. Je leur ai dit qu'à mon avis le coeur était couvert, mais que la température de certains éléments combustibles était assez élevée.

Hendrie : Parfait. Ecoutez, je pense que le mieux serait que Fouchard appelle Jody Powel (Chargé de Presse à la Maison Blanche), pour lui faire part des informations transmises au public.

Denton : On vient juste d'avoir Jody au téléphone. Il avait l'air assez inquiet, parce qu'il avait reçu un grand nombre d'appels de Membres du Congrès à propos des bruits concernant la fusion du coeur, quelle qu'en soit l'origine Je lui ai fait part de ce que j'avais dit et il a paru satisfait. Je pense que ce qu'il faut faire maintenant, c'est essayer de savoir comment ce mot a été lâché au cours de la séance d'information et s'assurer qu'il a été bien interprété. Pour cela, il faut s'adresser aux mêmes Personnes. Avez-vous assisté à cette séance d'information?

Hendrie : Non.

Denton : Il me semble qu'il s'agissait de Dudley Thompson accompagné de plusieurs autres Personnes.

Hendrie : Oui, c'est cela, Dudley et Brian. Dudley a commencé à broder sur le thème de la bulle de gaz, sur le risque de la voir s'étendre au coeur du réacteur, etc.

Denton : Elle était déjà là à 9 heures. A mon avis, et c'est aussi l'avis de Vollmer et d'autres Personnes de son entourage, il ne fait aucun doute que les systèmes d'injection de sécurité disponibles fonctionneraient correctement, malgré la bulle, même s'ils perdaient le refroidissement par le générateur de vapeur dès à présent. Je pense donc que notre prochaine tentative pour faire le point de la situation sera la séance d'information (avec la presse) qui se tiendra à Harrisburg ; la Maison Blanche est en train de mettre en place des lignes directes qui nous permettront de communiquer plus facilement.

Hendrie : C'est bon, allez parler à vos gars, on vous rappellera plus tard.

(Fin de l'entretien téléphonique avec Denton et Fouchard).

(Une longue discussion a porté sur la façon d'organiser les conférences de presse et les séances d'information, en veillant particulièrement à la coordination de telle sorte qu'une Personne en un lieu dise approximativement la même chose et de la même manière qu'une autre Personne en un autre lieu. Nous donnons ci-après quelques extraits de la discussion entre Hendrie, Ahearne et Kennedy, les trois Membres de la Commission présents à ce moment-là, alors qu'ils mettaient au point les minutes d'un communiqué de presse à l'intention des organes d'information ; heure approximative : 17 h 30).

Hendrie : D'accord, on commence en disant que le Président de la Commission de Réglementation Nucléaire a dit cet après-midi que, contrairement à certaines nouvelles répandues par les media, il n'existe aucun danger imminent de fusion du coeur du réacteur dans la centrale nucléaire de Three Mile Island.

Kennedy : Magnifique. Après, j'enchaînerai immédiatement.

Hendrie : On y arrive. Par intermittence et puis on termine en disant : le réacteur est actuellement maintenu, oui, c'est cela on termine en disant le réacteur est actuellement maintenu dans un état stable.

Kennedy : Ensuite, vous pouvez ajouter que du personnel complémentaire de la Commission, ainsi que un grand nombre d'experts techniciens dépêchés par la Commission En fait, de l'apport d'experts techniciens, Membres du Personnel de la Commission.

Hendrie : Personnel de la Commission, virgule, dirigé par -

Kennedy : Ah oui, c'est vrai, le Directeur -

Hendrie : Le personnel a été transporté par avion jusqu'au site de la centrale. Il y est arrivé en début d'après-midi.

Kennedy : Ils travaillent sous les auspices de la Maison Blanche, sous les ordres du Président en étroite collaboration avec le Personnel de l'exploitant, les experts d'autres agences fédérales ainsi que ceux de l'Etat de Pennesylvanie.

Kennedy : D'accord, cela dit bien ce que cela veut dire, il me semble.

Ahearne : J'ai l'impression que vous voulez paraître très affirmatif vis-à-vis du Congrès étant donné que

Hendrie : Oui c'est cela.

Ahearne : Il est clair que les éléments combustibles sont en mauvais état.

Kennedy : Cela veut dire, cela veut dire qu'on a la preuve que le combustible a subi de sérieux dégâts. Il reste la possibilité d'interrompre le débit du réfrigérant primaire à l'intérieur du réacteur, etc. Différentes options peuvent être envisagées. Dans le même temps, un état de

Ahearne : Le ton général est très optimiste et je

Kennedy : Je ne le trouve pas si optimiste que cela. Il se borne à dire qu'on travaille d'arrache-pied, ce qui semble bien être le cas. L'idée, je crois, c'est qu'il faut rassurer rassurer les gens en leur montrant au moins qu'on s'occupe du problème.

Hendrie : D'accord. Je vais faire une relecture. Je pense qu'on devrait mettre ce paragraphe tout de suite après l'introduction le Président de la Commission de Réglementation Nucléaire a dit cet après-midi que, contrairement à la nouvelle répandue par certains organes d'information, il n'existe aucun danger imminent de fusion du coeur du réacteur à la Centrale de Three Mile Island. Nouveau paragraphe, les experts techniques de la Commission, ayant à leur tête Monsieur Harold Denton, Directeur de la Réglementation des Réacteurs Nucléaires, sont arrivés sur le site de la centrale en début d'après-midi. Sur les ordres du Président, on a mis à leur disposition tous les moyens de communication possibles. L'équipe dépêchée par la Commission de Réglementation Nucléaire sur le site travaille en étroite collaboration avec le Personnel d'exploitation et les experts d'autres agences fédérales, ainsi qu'avec les autorités de l'Etat de Pennsylvanie. Un contact étroit a été maintenu avec le Gouverneur Thornburg. Nouveau paragraphe. On en arrive ici. Il y a eu, ça se termine -

Kennedy : Pourquoi on ne dirait pas " un contact étroit est maintenu " au lieu de dire " a été maintenu "

Hendrie : D'accord.

Kennedy : Cela me parait bien.

Hendrie : Oui, c'est bien.

Ahearne : Au milieu, il faudra enlever les Membres du Personnel technique de la Commission de Réglementation Nucléaire

Hendrie : Il n'y a qu'à les mettre à la fin du premier paragraphe. Bon, à présent, est-ce que l'ordre des paragraphes est logique ?

Kennedy : Je pense qu'il faudrait aussi enlever cette phrase - à environ 11 h 30 du matin, le Président de la Commission de Réglementation Nucléaire. C'est du laïus.

Ahearne : Oui. Vous avez raison (inaudible).

Kennedy : Cela ne dépend pas de nous. Le Gouverneur a déjà fait cela une fois.

Hendrie : Je me demande si après tout ce que j'ai lu ici, on ne devrait pas commencer le communiqué de presse en insistant sur les efforts pour faire baisser la température, afin que les gens s'imprègnent bien de cette idée. Ensuite, comme dernier paragraphe, on parlerait des rejets intermittents qui se sont produits. On touche là au problème de savoir quel est le thème principal du communiqué.

Kennedy : Bon, cela nous ramène à votre première phrase d'introduction - Est de quelques milliroentgen sur la suite jusqu'à la phrase, c'était laquelle déjà, la quatrième ou la cinquième ?

Hendrie : Je pense qu'il s'agit du niveau de radioactivité en dehors du site - quelques -

Kennedy : Cela m'inquiète un peu ce " quelques ".

Ahearne : Sur la rive-est de la rivière, on est arrivé à 20.

Kennedy : Bon, de toute façon, quel que soit l'endroit, les mesures réalisées hors du site ont toujours été comprises entre 1 et 20. Est-ce que le mot " quelques " convient à cet ordre de grandeur. Il me semble que oui, d'accord ?

Hendrie : Le dernier rapport fait état de 1 à 20 autour, enfin disons autour du périmètre de Three Mile Island.

Kennedy : C'est exact.

Hendrie : Je pense que cela est vraisemblablement aussi précis que faut-il que je lâche le chiffre ?

Ahearne : Il n'y a qu'à prendre celui de Dick, je vais laisser tomber au niveau du site. Il a atteint 25 millirems.

Hendrie : D'accord, c'est bon.

Ahearne : J'ai encore une remarque à faire : eh bien, voilà, vous avez fini le communiqué, et vous reparlez de plusieurs options. Je pense que sur le plan technique, il serait bien préférable que vous disiez quelque chose comme, - il existe une possibilité, très faible il est vrai, de déboucher sur des problèmes graves.

Kennedy : D'accord, mais si vous mettez cela, il ne faut pas oublier que c'est la seule chose qu'ils retiendront du communiqué de presse.

Ahearne : Ecoutez, Dick, depuis qu'on est là, la plupart du temps, on leur a dit que tout allait bien. On est en lutte perpétuelle pour savoir ce qu'il faut faire. Ce ton ne se retrouve pas ici. Et je me rends compte que vous êtes entrain d'agir en contrepoids.

Kennedy : Oui, je comprends ce que vous voulez dire, mais ce qui M'inquiète, ce sont les conséquences ; le contenu de la petite phrase va être multiplié par 100. Le problème est de savoir comment la formuler pour éviter qu'il puisse subir un traitement de ce genre. On pourrait insérer une petite phrase ici, par exemple pour dire dans le cas très improbable où cela se produirait, les températures augmenteraient, ce qui pourrait aggraver les détériorations subies par le combustible nucléaire. D'accord ? après on dirait que différentes options peuvent raisonnablement être envisagées. D'accord ?

Ahearne : C'est ce genre d'allusion à une fusion du coeur que vous envisagez ?

Kennedy : Oui, je pense ça ne me gêne pas si vous pouvez trouver suffisamment de qualificatifs pour le réintégrer dans la phrase d'introduction.

(La discussion est interrompue par un appel téléphonique. Puis).

Kennedy : Voici la phrase de John " Dans l'hypothèse très improbable où cela se produirait, une partie du combustible ne serait pas refroidie et de nouvelles dégradations du combustible pourraient se produire ". Comment trouvez-vous cela ?

Hendrie : Je trouve cela parfait A propos, nous venons d'avoir : une mise à jour (lors du dernier appel téléphonique de Lee Gossick). Les dernières doses enregistrées en dehors du site sont tombées à 1 ou 2 millirems Je pense que nous pouvons réintégrer cette phrase.

Kennedy : Nous allons réintégrer cette phrase d'ici quelques instants. Je pense que c'est un bon communiqué de presse et que la phrase exprime avec exactitude la réalité des faits sans cultiver pour autant le côté alarmiste -

(Hendrie appelle aussitôt Franck Ingram des relations publiques de la NRC et lui lit la déclaration, puis rapporte aux autres Membres de la Commission qu'il a appris par Ingram que la télévision désirait avoir Hendrie pour son émission Meet the Press du dimanche. Hendrie appelle ensuite la Maison Blanche, dicte à un Secrétaire le communiqué de presse et s'entretient avec l'attaché de presse de la Maison Blanche Jody Powell ; seuls, les propos de Hendrie peuvent être retranscrits, car les autres sont inaudibles).

Hendrie : Eh bien, Jody, le dernier soit-disant expert en rayons X avec lequel je me suis entretenu m'a dit que, selon lui, le niveau de radiation reçu lors d'une radio du thorax était en moyenne aux Etats-Unis de 50 à 70 millirems. Cela signifie donc que si vous vous trouviez sur les lieux de l'accident et si vous avez été exposé pendant deux à trois heures à une dose de 20 à 25 millirems par heure, vous avez reçu l'équivalent de la dose de rayonnement qu'entraîne une radio du thorax ; pour le public, cela me semble un élément utile de comparaison. D'accord. Très bien. Voyons, nous avons eu Vic au bout du fil cette nuit à propos du rapport Mac Neil/Lehrer (autre programme d'actualité de la télévision américaine). Je pense qu'ils vous ont dit qu'Harold Denton et le Gouverneur se rendent à Harrisburg pour une conférence conjointe à 19 heures Ah, je voulais vous dire que j'ai été contacté pour l'émission Meet the Press de dimanche, et que je ne suis guère enthousiaste, qu'en pensez-vous ?

(Cet entretien téléphonique s'est terminé un moment après. Hendrie s'est alors tourné vers ses collègues).

Hendrie : Il dit que nous ferions mieux de nous dérober pour l'émission de Meet the Press. Je pense que -

Kennedy : que c'est une opinion extrêmement sensée.

Ahearne : Regardez, il y a quelque chose que nous avons barré

Kennedy : Nous avons barré ces mots, mais nous n'avons pas mis cela C'est Comme cela que vous écrivez imminent ? Cela ne semble pas aller.

Ahearne : Il y a deux M.

(Conversation téléphonique entre Hendrie et Mike Mc Cormack, chef démocrate de l'Etat de Washington qui préside le sous-comité Recherche et Production d'Energie du Comité Sciences et Technologie. Là encore, une seule partie des propos a pu être retranscrite, l'autre étant inaudible ; heure 18 h 28).

Hendrie : Hello Mike. Ici la situation se stabilise. Le coeur a été sérieusement endommagé, davantage que nous le pensions hier, mais le réacteur est stable. La pression est de l'ordre de mille pounds (70 bar) et la température d'environ 180 ° F (138 ° C). Nous avons au minimum un élément combustible qui continue apparemment à être en phase vapeur, à en juger par la température d'un thermocouple dans la partie supérieure de l'élément. Nous avons une bulle de gaz qui s'est formée dans le dôme de la cuve du réacteur. Il s'agit d'une bulle d'incondensables et presque assurément d'hydrogène il est possible qu'il y ait quelques traces de vapeur dans cette bulle. Cela nous empêche de continuer à réduire la pression et d'établir un mode de refroidissement à long terme, car nous ne voulons pas, en abaissant la pression, risquer que la bulle se développe dans le coeur. Les experts en systèmes cherchent un moyen de s'en débarrasser. Nous n'avons pas que je sache d'évent sur la partie supérieure du réacteur, situé à portée de la main et exploitable à ce niveau de pression. (pause)

Hendrie : Vous voyez ce qui pourrait se passer si l'on abaissait la pression du système et si l'on entraînait une dilatation des gaz. (pause)

Hendrie : Non, car la pression n'est que de l'ordre de mille pounds (70 bar). C'est l'une des choses que les gens vont observer, Mike. Je ne sais pas - je ne sais pas - je devrais maintenant avoir à tout moment des nouvelles en provenance du site. Je ne suis pas sûr - je pense que la situation au niveau du réacteur va se maintenir probablement pendant un jour encore, mais nous nous efforçons de penser à la façon de nous en sortir. Il n'y a rien dans le coeur avec quoi il puisse réagir, l'hydrogène est le résultat d'une réaction métal-eau. Il ne s'agit pas d'une bulle radiolytique. (pause)

Hendrie : Ah, C'est parce que nous avons reçu un rapport à notre Centre de Réponse ce matin, et parce que quelques journalistes ont fait un condensé de ce rapport et ont extrapolé les déclarations faites lors d'une discussion ici même dans laquelle on essayait d'expliquer ce qui se passe. Ce que l'on m'a dit, c'est que notre gars n'a rien dit qui ne soit pas raisonnable, mais devant une audience de journalistes non techniciens, il est possible qu'il soit allé un petit peu au-delà de ce qu'ils pouvaient comprendre. De toute façon, cette déclaration n'est pas correcte et ne reflète pas l'opinion que nous avons ici. (Pause).

Hendrie : Oui, le refroidissement s'effectue encore par l'intermédiaire de l'un des générateurs de vapeur et nous devons faire cela du fait de la pression qui est de l'ordre de 1 000 pounds (70 Kg/cm2). Une pompe de refroidissement assure la circulation de l'eau qui passe ensuite dans le générateur de vapeur, lequel extrait l'énergie.

(Cette conversation avec Mc Cormack s'est terminée quelques instants après, à 18 h 34. Une période d'inactivité relative lui succède ; puis à 19 h 14, Lee Gossick transmet aux Membres de la Commission un enregistrement du rapport téléphoné par Harold Denton à Gossick, au Centre de Réponse de la NRC).

Denton : Peut-être différentes manières cela suffit pour commencer.

Gossick : Même si vous perdez l'une des pompes de recirculation restantes ?

Denton : Même si vous perdez le système de recirculation, ce qu'il vous faut, bien sûr, c'est probablement mettre en route la pompe d'injection haute pression et essayer de reconstituer la pression ; vous pouvez essayer de mettre en route l'autre pompe Cela me semble très fiable. J'espère qu'ils ont injecté de l'eau avec les différents circuits possibles et ouvert la soupape de décharge. Cela dit, si nous voyons que le mouvement commence à s'inverser lorsqu'il baisse, un peu d'air rentrera et nous mettrons en service la pompe d'injection basse pression ; nous avons prélevé tous les types d'eau pour l'injection (inaudible). L'état du coeur est partiellement satisfaisant, dans les limites du raisonnable. Mais je m'inquiète des causes de cette bulle. Pouvons-nous éventuellement trouver une méthode pour parvenir à un arrêt à froid du réacteur sans dégager à l'extérieur du site plus de gaz qu'il n'est nécessaire ? Parce que certaines méthodes conduisent à les faire franchir l'enceinte de confinement. En ce qui concerne les rejets le circuit de décharge continue à dégager certains gaz nobles. Ils essayent d'improviser la mise en place d'une branche qui permettait de ramener dans l'enceinte de confinement la plupart de ces gaz. S'ils y parvienent -

Gossick : Cela pourrait représenter plusieurs dizaines de litres d'accumulation, n'est-ce pas ?

Denton : L'équivalent de deux jours.

Gossick : Nous venons d'entendre que nous sommes maintenant - à mille lieux d'avoir une autre bouffée ; c'est ce que lion pourrait éviter avec ce circuit. Je pense. Est-ce là ce que vous comprenez ?

Denton : Oui. Les doses enregistrées sur le site s'établissent entre 1 et 20 mrem/h, selon l'endroit où vous vous trouvez. A l'extérieur du site, elles s'échelonnent entre 1/1O ème de millirem et quelques millirems, selon l'endroit où vous effectuez les mesures.

Gossick : Vous pouvez me répéter quelles sont les doses mesurées à l'extérieur du site ?

Denton : A l'extérieur du site, je dirais entre un dixième de millirem et quelques millirems à l'heure. Dans la ville de Goldsboro à 16 heures, la dose était de 1 mrem/heure. Il est intéressant de noter (les dosimètres ont été) en service pendant un trimestre et ils ont été relevés hier à 14 heures Vous vous souvenez qu'il s'agissait des premières 24 heures du phénomène transitoire et que c'était là un début, mais les doses totales sont de l'ordre de 5 à 7 millirems par mois, ce qui est identique à la normale L'information que je m'apprêtais à transmettre au Gouverneur est que, selon moi, la situation est stable ; quant aux rejets, même s'ils devaient se poursuivre, ce qui sera peut-être le cas, ils ne justifient pas une évacuation. Nous pensons que la situation actuelle va se poursuivre et nous cherchons très sérieusement un moyen de refroidir le coeur et d'arrêter le réacteur à froid.

Gossick : Harold, d'après quelques indications, Westinghouse et d'autres travaillent sur le problème et (leurs) dirigeants sont venus il y a une heure environ et ont déclaré qu'ils allaient très probablement trouver, d'autres solutions pour se débarrasser de cette bulle. Avez-vous eu quelques nouvelles à ce sujet ?

Denton : Je n'ai pas entendu dire cela. Je me renseignerai

Gossick : D'accord, avez-vous autre chose à ajouter ?

Denton : J'ai eu ici 22 personnes, réparties en quatre équipes Ils ont envoyé deux gars de plus, qui sont partis aux alentours de 16 heures Ils sont arrivés sur les lieux. Quatre membres de notre Personnel sont déjà à l'usine, dans la salle de commande, dans le bâtiment de traitement des effluents radioactifs et autres. A mon sens, l'exploitant est un peu a court de techniciens. Leurs effectifs sont assez maigres et nous sommes plus nombreux qu'eux. Je m'efforce de les convaincre de prélever sur leur propre Personnel des effectifs comparables. Leur coopération est satisfaisante, mais il est évident que leur équipe n'est guère importante et que leurs gars sont débordés par la demande.

Gossick : Qu'en est-il des contrats que Boyce a conclus avec les responsables locaux de la défense civile. Est-ce que cela se passe bien ?

Denton : Je peux demander - Vic, est-ce que Boyce (Greer, Directeur pour la NRC du Bureau Inspection et Application de la Région 1) est arrivé - Boyce est arrivé il y a quelques heures. En ce qui concerne son Personnel, la coordination et la mise en place semblent fonctionner de façon satisfaisante. J'ai eu une Personne du Bureau du Gouverneur qui m'a appelé pour connaître la situation et qui aimerait venir pour pouvoir ensuite faire un rapport au Gouverneur. Je m'efforce d'être le plus ouvert possible et à tous les Membres de l'Etat qui veulent venir ou faire quelque chose, nous disons d'accord.

Gossick : C'est bien.

(Le reste de l'enregistrement de Denton n'a guère d'importance. A la fin du rapport de Denton, Gossick poursuit son entretien téléphonique avec les Membres de la Commission).

Gossick : Si quelqu'un désire entendre cet enregistrement, pour connaître les nouvelles, que suggérez-vous ? Devons-nous l'autoriser à l'écouter ou non ? Je ne sais pas ce qu'ils savent à ce sujet, mais la question pourrait se poser. Il y avait d'autres Personnes dans (inaudible).

Hendrie : Veuillez attendre une seconde, je vous prie.

Kennedy : Il disait qu'ils étaient à court de techniciens.

Gossick : Le sentiment général est que du fait de la conférence de presse qui se prépare, cela va se produire avant qu'ils ne réagissent d'une façon ou d'une autre ; je dirais donc que je ne suis pas disposé à le proposer volontairement ou que je ne suggérerais pas de le proposer volontairement, mais dans le cas où quelqu'un demanderait à entendre cet enregistrement, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Hendrie : Je pense que le communiqué de presse ici à Harrisburg couvrira la situation.

Une voix : je le pense également.

Hendrie : Comme nous venons de la faire observer, il serait fâcheux que nous ayons à penser à chaque chose que nous disons et qui est enregistrée sur ces bandes.

Gossick : C'est exact.

Hendrie : Le jeu consiste à faire face à la situation.

Gossick : Laissez-moi attirer votre attention sur un seul point qui figurait dans ce rapport au sujet du mot de Mattson selon lequel on avait quelques lueurs d'espoir sur la façon de se débarrasser de cette bulle. Pour le moment, l'éclair d'inspiration qu'ils ont eu, il y a 2 heures environ, ne semble pas s'être figé et ils continuent de travailler, mais nous n'avons pas d'autres informations à ce sujet.

Hendrie : Oui, j'ai eu un appel de Ted Stern (Vice-Président exécutif de Westinghouse Nuclear Energy Systems) et j'ai ensuite transmis à (Edson) Case toute une série de numéros de téléphone. Westinghouse est disposé à faire tout ce qui semble utile et à mobiliser le reste de l'industrie si cela lui apparaît nécessaire. Je lui ai dit de réfléchir au moyen d'éliminer la bulle d'hydrogène dans le dôme du réacteur et c'est pourquoi ils travaillent sur ce problème.

(Fin de l'entretien téléphonique avec Gossick. Heure : 19 h 28. La conversation se poursuit entre les Membres de la Commission).

Hendrie : La question n'est pas de savoir comment refroidit le coeur. Selon le rapport qu'il a fait à son équipe, rapport dans lequel il analysait les moyens disponibles, il a estimé que les systèmes de refroidissement du coeur sont, d'après ce que lui ont dit les Membres de son équipe, prêts à fonction

Kennedy : Il a dit, autant que je sache, qu'il avait confiance car, selon lui, si l'on mettait en oeuvre ces systèmes, ils permettraient d'amener vers le coeur toutes les quantités d'eau nécessaires, déclaration qui diffère de ce que nous avons entendu précédemment aujourd'hui.

Gilinsky : Je voudrais vous demander quel est le problème si on laisse les choses en l'État ? Est-ce que c'est le développement de la bulle ? Il semble que le coeur du réacteur ait quelque peu refroidi et, comme vous l'avez fait observer, les éléments combustibles en phase vapeur sont moins nombreux.

Hendrie : Oui, je pense que la situation devrait se maintenir vraisemblablement pendant deux jours. A long terme, cependant, cette configuration n'est guère satisfaisante pour le réacteur. Nous devons absolument refroidir.

Gilinsky : Ce que je veux dire, c'est qu'avec la température actuelle, la situation n'évolue pas très rapidement. C'est bien ce que vous avez dit ?

Bradford : Pourquoi le réacteur ne peut-il être refroidi ?

Hendrie : Le problème c'est que - je vais aller chercher Roger et ses hommes un peu plus tard. Je veux que l'on calcule le taux de dissociation radiolytique. A l'heure actuelle, nous avons une bulle d'hydrogène et de la vapeur - de la vapeur qui se trouve peut-être dans la bulle - dans la partie supérieure de la cuve du réacteur. Il s'agit probablement d'hydrogène pur. En effet, cette bulle est due à une réaction métal-eau dans laquelle vous obtenez seulement de l'hydrogène ; vous n'obtenez rien d'autre sous forme gazeuse. Cependant, dans ce type de situation, vous pouvez avoir de l'hydrogène de deux autres façons. L'une de ces façons, qui nous préoccupe, est la dissociation radiolytique de l'eau par simple ionisation des particules d'eau qui vous donne de l'hydrogène et de l'oxygène. Une partie de l'oxygène sera piégée sous forme d'oxyde sur la structure, mais une partie de celui-ci finira par remonter. Aussi, au bout d'un certain temps qui est vraisemblablement de l'ordre de plusieurs jours, d'une semaine, voire plusieurs, vous allez avoir suffisamment d'oxygène pour vous inquiéter du problème. Et s'il y a quelque chose qui ne serait pas particulièrement utile à l'heure actuelle, vous savez, c'est que la bulle se trouve dans une configuration inflammable.

Gilinsky : Y-a-t'il quelque autre gaz qui pourrait se trouver dans la bulle et se combiner à l'hydrogène ?

Hendrie : Ils y réfléchissent, si j'ose dire. C'est une partie du problème que cherchent à résoudre à l'heure actuelle les équipes spécialistes. Vous savez, ce dont nous avons besoin à l'heure actuelle

Bradford : - c'est d'une bonne rupture de canalisation.

Hendrie : C'est que l'une des barres de commande soit éjectée de la partie supérieure de cette fichue cuve et que nous nous retrouvions dans une situation d'accident par perte de réfrigérant avec une petite brèche de 6 in (15 cm) de diamètre. Cela permettrait d'éventer l'hydrogène. En éventant si nécessaire l'enceinte de confinement afin d'éviter les risques d'incendie. La pression diminuerait alors et l'eau pourrait affluer. Le problème tient au fait que, si nous maintenons la pression pour éviter que la bulle ne devienne trop importante et pour pouvoir la sortir du coeur, ce n'est pas un bon moyen que d'injecter de l'eau par le système d'injection de sécurité haute pression, car tout ce que vous faites, c'est de maintenir la compression, de sorte que la pression augmente jusqu'à 2200 pounds (150 bar) et plus, jusqu'au point de tarage des soupapes du pressuriseur, mais ce n'est pas ce que vous voudriez. Ce que vous voudriez, c'est dans le système un orifice de dimensions décentes, de sorte que, lorsque vous injectez de l'eau dans le fond du réacteur un débit approprié traverse le coeur et sorte par la brèche, puis assure ensuite la recirculation de l'eau du puisard d'enceinte dans l'échangeur de chaleur, qui n'est pas taré pour de tels niveaux de pression ; mais alors la pression de l'ensemble du système diminue.

Bradford : Mais cela ne permet pas de refroidir le coeur de manière appréciable ?

Hendrie : Non, le coeur est en cours de refroidissement. Il est noyé d'eau et les températures doivent s'abaisser. En fait, elle ont baissé lentement au fur et à mesure que diminuait la chaleur résiduelle. Mais - voyons -

Bradford : Mais c'est simplement à cause de l'oxygène que vous ne voudriez pas continuer ainsi pendant des semaines et des semaines ?

Une voix : oui. En outre,

Bradford : Lorsque le coeur refroidit, la bulle grossit à moins que vous ne mainteniez la pression ?

Gilinsky : Eh bien, non. Il y a vraisemblablement (inaudible).

Hendrie : Si la pression augmente, la bulle diminue.

Bradford : C'est entendu. Mais si l'on se contente de refroidir le coeur, est-ce que la bulle grossit ou non ?

Hendrie : Non, elle devrait rester à son niveau actuel, à cette exception près que toute évolution supplémentaire de gaz pouvant se produire dans la bulle, un peu plus d'hydrogène, ou un peu plus d'oxygène provenant à tout moment de la décomposition radiolytique, s'ajoute à la quantité totale d'incondensables dans -

Kennedy : Et, peut-être, le pourcentage relatif d'oxygène par rapport à l'hydrogène - modifie la proportion d'oxygène et d'hydrogène.

Hendrie : Oui, précisément c'est le problème. Il n'y a probablement pas d'oxygène actuellement dans le dôme du réacteur, mais avec le temps, vous allez précisément accumuler l'oxygène et -

Kennedy : Obtenir une masse inflammable.

Hendrie : Eventuellement. Je pense qu'il faudra vraisemblablement un certain temps.

Bradford : Joe, quel est donc le mélange de - combien d'oxygène devez-vous avoir dans la bulle avant de commencer à vous inquiéter ?

Hendrie : Si nous avons jusqu'à 4 % en volume d'oxygène, nous obtenons un mélange d'inflammabilité minimum, avec une certaine direction de propagation et une source d'inflammation. Si l'on obtient un volume d'oxygène supérieur, nous atteignons des niveaux où l'inflammation est progressivement plus facile, où les vitesses de détonation sont plus rapides et où la déflagration est plus importante.

Bradford : D'après-vous, combien de temps faudra-t-il pour atteindre ce niveau de 4% ?

Hendrie : Eh bien, je pense que c'est l'affaire de quelques jours ; mais, comme je le disais, c'est l'une des choses pour lesquelles je veux que l'on calcule des limites. Vous savez -

Gilinsky : Ce que je veux dire, c'est que si vous pouvez le brûler (inaudible).

Kennedy : De quoi s'agit-il, Vic ?

Gilinsky : Eh bien, vous pouvez le brûler - si vous le brûlez, il va certainement exploser.

Bradford : Oui.

Kennedy : Voulez-vous le brûler -

Gilinsky : Eh bien, non, mais il y a quelques régimes

Kennedy : Voulez-vous le brûler à l'intérieur de la cuve du réacteur ?

Bradford : Je ne vois pas comment vous voulez le brûler, le brûler à l'intérieur de la cuve

Kennedy : Vous pourriez, s'il y avait de l'oxygène.

Bradford : Le problème, c'est de la brûler sans perforation.

Kennedy : Eh bien, c'est ce que je me demande. Si vous pouviez le sortir de l'enceinte de confinement et le brûler, cela ne ferait guère de différence vous pourriez essentiellement obtenir un point éclair à un niveau inférieur -

(L'échange rapporté sur la cassette de transcription a été coupé pendant instants puis)

Hendrie : On avait également suggéré d'utiliser des inhibiteurs d'ingestion d'iode. Je pense que c'était simplement une idée en l'air. Je ne sais pas si nous devrions ou nous faire approvisionner ce produit.

Gilinsky : Je pense que nous devrions rappeler ce gars. Quel est son nom ?

Une voix : Rick Cobbins est un gars de Califano.

Gilinsky : Je pense que - qui est le gars qui relève l'iode dans les parages ?

Bradford : Eh bien, ce sont ceux qui ont dit qu'ils n'avaient pas vu d'iode du tout.

Kennedy à EPA.

Gilinsky : Oui, mais il y avait quelqu'un d'autre dans une agence qui avait des quantités importantes de ce produit.

Bradford : Iseymoda ?

Hendrie : J'ai été appelé par quelqu'un de la clinique Mayo qui me demandait de venir de toute urgence avec quelques attachés-cases pleins de pilules d'iode.

Austin : Le (HEW) Secrétaire (Joseph Califano) n'a-t-il pas dit simplement d'identifier les sources, les approvisionnements. Combien de temps faudrait'il pour en avoir ici ? Je pensais que c'était là - Il a parlé - je dirais, d'identifier les approvisionnements en gaz d'inhalation.

Bradford : La théorie avancée était d'évacuer la population avant de commencer à distribuer ces pilules.

(Les Membres de la Commission ont été avertis que le programme d'actualité télévisée sur le rapport Mc Neil/Lehrer allait retransmettre la conférence de presse du Gouverneur de Pennsylvanie, M. Thornburg et qu'ils voulaient peut-être le regarder).

Hendrie : Je vais rester un peu, car je voudrais repasser un coup de fil pour m'assurer qu'une équipe de spécialistes a commencé les calculs de la composition radiolytique et je vais peut-être appeler (Ted) Stern et demander à Westinghouse de s'occuper de cela rapidement, afin que l'on puisse prendre un certain nombre de dispositions. Il faut également vérifier avec les autres Personnes qui travaillent sur le problème en dehors d'ici J'ai entendu dire que Kevin allait essayer de joindre le sénateur Gary Hart, pour voir s'il pouvait l'inciter à reporter (une audition, devant son sous-Comité de Réglementation Nucléaire). Pourriez-vous savoir s'ils ont réussi à le joindre ?

Kent : Prévoyez-vous d'y aller ?

Hendrie : On va me conseiller vivement de ne pas y aller, mais eu un petit problème avec les employés.

Ahearne : Je pense que nous serons obligés. Je prendrai l'avis du Conseil.

Hendrie : Faites au mieux. Ils ont dit qu'ils voulaient en savoir, davantage sur les rayonnements de faible intensité.

Je pense que je ferais mieux de revenir et de rester au poste, mais peut-être pas jusqu'à l'aube. Peut-être voudrez-vous revenir La situation d'Harold est il a eu relativement peu de temps, après il est descendu pendant six ou sept heures pour se reposer avec ses équipes et faire un bref résumé. Tout son Personnel est sur le site il reviendra sur le site un peu plus tard dans la soirée et aura de nouvelles informations. Je me demande si on ne devrait pas se réunir ici vers la fin de la matinée, aux alentours de Il h ?

(Réunion de la Commission à midi, après qu'Hendrie ait eu un entretien téléphonique avec Vic Stello. Tous les Membres de la Commission étaient présent, à l'exception de Kennedy. Les propos retranscrits ci-dessous ont été largement amputés, car la plupart étaient inaudibles pour les transcripteurs et par conséquent seraient parfaitement inintelligibles).

Hendrie : C'est juste, John. Je ne sais pas si le Gouverneur comprend le processus de décomposition radiolytique. Ils n'ont pas poussé jusqu'au stade où (inaudible) ils en ont manifestement pour un jour ou deux (inaudible) à cette pression. Et le mouvement contrôlé, on ne sait pas très clairement quelle partie de cette description (inaudible) si la pression est ou non considérable (inaudible) dans la cuve, l'évolution correspond à la différence entre deux numéros de molécules. Je pense qu'à ce stade de n'est pas le cas. Je ne suis pas certain de pouvoir savoir quelle est la préoccupation générale avant le début de la matinée lorsque nous (inaudible) l'autre problème tient au fait que le système de transport (inaudible) un assortiment de scénarios - que se passe-t'il si telle chose se produit, combien de temps disposerons-nous - non seulement la séquence du réacteur, mais le type de signal d'alerte, combien de temps aurons-nous pour procéder à l'évacuation et ainsi de suite. J'ai le sentiment que la population d'Harrisburg ne va pas dire en quelque sorte " A la grâce de Dieu " et s'en aller sur les routes

Je pense que le Gouverneur et ses collaborateurs sont conscients qu'ils peuvent à tout moment recevoir un appel leur disant que la pompe A ne marche pas, que nous ne pouvons pas mettre en route la pompe B, que le vent vient de l'Ouest, qu'il faut mettre en place le plan d'urgence...

Fin.