A propos de l'Affaire Saint-Gobain et des fibres de verre contenant des éléments radioactifs.

Dans les recommandations de 1990 de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR 60) il est clair que, concernant la radioprotection tant des travailleurs que du public, il n'y a pas de seuil de dose en dessous duquel il n'y aurait pas d'effet cancérigène et génétique. Entre autres articles, l'article 100 de la CIPR 60 indique sans ambiguïté " (...) les effets stochastiques [cancers et effets génétiques] ne peuvent être complètement évités car pour eux on ne peut invoquer l'existence d'un seuil ".

Il est aussi précisé que " (...) la limite de dose est largement, mais d'une façon erronée, considérée comme une ligne de démarcation entre "l'inoffensif" et le "dangereux" (...) . Ces idées fausses sont, dans une certaine mesure, renforcées par l'insertion des limites de dose dans les documents réglementaires " [article 124].

Il est aussi clairement indiqué que la radioprotection comporte des jugements d'ordre scientifique aussi bien que social. Il est précisé " Aucune pratique impliquant des irradiations ne devrait être adoptée à moins qu'elle ne produise un bénéfice suffisant aux individus exposés ou à la société pour compenser le détriment causé par le rayonnement " [article 112 a)].

Quel est le bénéfice retiré par la population quand les fibres de verre comportent des éléments radioactifs par rapport à des fibres de verre ordinaire ? Dans l'affaire Saint-Gobain il n'y a aucun avantage ni pour les ouvriers impliqués dans la fabrication de ces fibres, ni pour la population. On voit mal les avantages pour la société à moins de considérer qu'il s'agit de la société Saint-Gobain !  

La directive européenne du 13 mai 1996 concernant la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants se réfère bien à la publication 60 de la CIPR mais n'explicite pas les conditions générales qui sont recommandées pour le système de radioprotection. La conséquence en est que les limites de dose sont interprétées comme des limites en dessous desquelles il n'y a pas de risque ce qui est bien dénoncé comme une erreur par la CIPR.

Cependant la directive européenne dans son article 54 laisse aux États membres la possibilité de fixer des limites de dose plus strictes, inférieures à ce qu'elle indique. (Y compris de ne pas autoriser de seuils d'exemption qui reviennent en fait à disséminer des produits radioactifs dans la population).

 

Nota

La version française de la publication CIPR 60 comporte quelques bizarreries. Signalons en particulier la traduction erronée de l'article 100. (La partie mal traduite est en gras) :

En anglais " (...). Since there are thresholds for deterministic effects, it is possible to avoid them by restricting the doses to individuals. On the other hand, stochastic effects cannot be completely avoided because no threshold can be invoked for them. (...) ".

En français " Étant donné qu'il y a des seuils pour les effets déterministes il est possible de les éviter en limitant les doses délivrées aux individus. Quant aux effets stochastiques, ils ne peuvent pas être complètement évités si l'on retient l'absence de seuils pour eux  ".

Que de retenue pour ne pas admettre l'absence de seuil !

B. Belbéoch, janvier 1999.