Der Spiegel, 22/1/90:
Töpfer, Ministre de l'Environnement de
l'Allemagne de l'Ouest a effectué une visite de trois jours
en RDA. Avec ses experts, il a exigé de disposer de toute
sur toutes les installations nucléaires est allemandes,
il s'agissait de secrets d'état il y a quelques semaines
encore.
Il apparait que certains sites sont très dangereux : les
quatre vieux réacteurs de 440 mW et de type soviétique
situés à Lubmin (près de Greifswald) sont
dans un état inquiétant. Un autre, neuf, a été
arrêté alors que l'investigation avait lieu. Trois
autres réacteurs sont en construction.
Les experts ouest-allemands essayent de formuler leurs jugements
en termes choisis, mais la débacle est inévitable
: même le chef du contrôle nucléaire en RDA,
Georg Sitzlack, ne croit pas à la poursuite de l'exploitation
de ces quatre réacteurs à eau pressurisée.
De plus, le gouvernement
de RDA a dissimulé jusqu'à présent qu'on
a échappé de peu à une catastrophe de la
dimension de Tchernobyl en 1976.
Un électricien a enfreint les règles de sécurité
en agissant de façon contraire au procédures sur
l'installation de mise à la terre et un réseau de
cables a pris feu dans cette centrale du type soviétique
VVER 440 mW (à eau pressurisée). Les dispositifs
de protection sont à plusieurs reprises tombés totalement
hors service. Même les cables alimentant les pompes de refroidissement
du réacteur ont brûlé. Seul le dispositif
d'arrêt d'urgence a fonctionné. Mais il restait une
puissance résiduelle de 80 mW qui menaçait de provoquer
la fusion du coeur. Les six pompes du système de refroidissement
étaient hors d'usage. Le système de secours possédait
six autres pompes, dont cinq refusèrent de se mettre en
marche. Par pur hasard, la sixième était connectée
au réseau électrique du réacteur n°2
et a fonctionné.
Dans la salle de commande, "tout était mort"
: ii n'y avait plus de d'indications d'aucune sorte. Personne
n'avait eu le temps d'analyserla situation du réacteur.
L'incendie a duré des heures.
L'affaire a été classée secret d'état.
Le réacteur 1 a été réparé
et a de nouveau fonctionné quelques mois plus tard.
Les techniciens du nucléaire est-allemands sont si peu
convaincus de la fiabilité de la technique des réacteurs
soviétiques VVER qu'ils sont prêts se soumettre au
jugement des experts de l'ouest.
Les réacteurs de Greifswald n'ont même pas d'enceinte
de confinement, et les procédés de construction
semblent ne pas impliquer qu'il se produirait une fissure repérable
avant une rupture de canalisation. De plus les systèmes
de cables ne sont pas séparés : un incendie met
tout le système électrique d'un réacteur
hors d'usage, etc.
L'Etat ouest-allemand va procéder à des études de sûreté sur les réacteurs de l'est (et va demander aux compagnies nucléaires de RFA de participer aux frais).
Der Spiegel, 29/1/90:
Le complexe atomique de Greifswald devait devenir
l'un des plus importants d'Europe quatre réacteurs fonctionnent,
un cinquième en est au stade des essais, et trois sont
en construction. Mais les travailleurs de Greifswatd parlent à
propos de cette centrale d'un "Tchernobyl du nord".
L'histoire de ce complexe, depuis la première connexion
au réseau en 1973 ressemble à une chronique de l'horreur.
D'après des documents secrets, dont dispose maintenant
le "Spiegel", les incidents et les bévues n'ont
cessé d'aller croissant.
L'enquête de sûreté par des experts occidentaux
a commencé le 25 janvier à Greifswald. Le résultat est déjà
clair : les réacteurs de Greifswald ont été
maintenus connectés au réseau malgré un risque
incroyable. D'après toutes les normes
occidentales, il faut immédiatement arrêter les quatre
réacteurs de Greifswald. Ce que le "Spiegel"
dévoilait dans son numéro précédent
a été officiellement confirmé : il y
a bien eu un très grave incident en 1976 (incident de câbles,
etc.), mais ce n'était que la partie émergée
de l'iceberg. Pour ne parler
que des plus graves incidents en 1974, les barres du coeur du
réacteur n°1 ont été endommagées
par suite d'une montée en température incontrôlée
; en 1981, une excursion du réacteur a encore été
évitée de justesse ; en 1988, une panne du
système électrique du réacteur n°3 a
privé sa salle de commande de toute information (les opérateurs
ont dû piloter le réacteur en aveugle pendant quatre
minutes). La discipline au travail est à l'avenant :
une nuit d'octobre 1989, toute une équipe a été
retrouvée ivre (et se livrant à des actes de vandalisme).
Rien que pour l'année 1988, les quatre réacteurs
de Greifswald ont connu 242 "événements"
imprévus, 122 incidents et 18 arrêts d'urgence en
ont résulté.
Le dernier incident grave a eu lieu le 24 novembre : lors d'essais
sur le réacteur n°5, trois pompes ont été
débranchées, afin de tester le système d'arrêt
d'urgence. Il n'a pas fonctionné. L'incident simulé
a échappé au contrôle lorsqu'une autre pompe
est tombée en panne. Il a fallu 40 à 50 secondes
pour déclencher manuellement l'arrêt d'urgence. Entre
10 et 30 éléments de combustibles ont subi une dangereuse
élévation de température. Dix kilomètres
de cables (provenant de Pologne) doivent être remplacés.
Les essais sur le réacteur n°5 sont Impossibles jusqu'à
la mi 1990.
Les services d'approvisionnement en énergie de la RDA dépendent
du complexe de Greifswald (4x440 mW), qui fournit dix pour cent
des besoins du pays en électricité. Le programme
nucléaire est-allemand prévoyait de satisfaire dans
les années 1990 un tiers de ces besoins (notamment pour
diminuer la pollution due à l'exploitation [de la] lignite).
Si outre Greifswald, la RDA ne possède aujourd'hui qu'un
petit réacteur de 80 mW à Rheinsberg près
de Berlin, il était prévu d'en construire quatre
autres de 440 mW à Greifswald, et quatre de 1000 mW près
de Stendhal.
Le modèle soviétique VVER 440 mW a longtemps été
un produit d'exportation de l'industrie nucléaire soviétique
vers les autres pays de l'Est (il y en a 31 en Bulgarie, Hongrie,
Tchécoslovaquie, et RDA). L'URSS possède dix réacteurs
de ce type (ils ne sont pas à l'épreuve des tremblements
de terre et ne possèdent pas d'enceinte de confinement).
Cela veut dire qu'ils sont à la merci d'une chute d'avion,
dont les vols sont nombreux dans la région, puisquon se
trouve à une quinzaine de kilomètres de Peenemünde.
L'industrie nucléaire est-allemande a dû accepter
la technique atomique soviétique telle qu'elle était
et n'a pas pu développer sa propre méthodologie
de sûreté (toutes les pièces de rechange doivent
être commandées en URSS et sont souvent difficiles
à obtenir).
Les réacteurs de Greifswald souffrent des défauts
de conception du début de l'époque nucléaire,
et ont de plus été mal construits, du fait de la
gabegie ambiante. Les doses que se prennent les travailleurs de
la centrale ne peuvent être que très élevées
d'autant que certaines procédures de travail sont archaïques
(mais les salaires sont le double de ceux de l'industrie).
Enfin, les réacteurs n° 1, 2 et 3 sont construits sur
des fondations instables et se comportent comme la tour de Pise...