Les photos dans les articles ont été rajoutées
par Infonucléaire, celles avec les légendes en anglais
sont extraites du rapport de l'AIEA: The radiological accident in Goiania,
1988.
22/3/2006 - Plus
de 2 000 installations nucléaires et sites radioactifs
fonctionnent dans des conditions de sécurité insuffisantes
au Brésil, selon un rapport parlementaire publié
mardi soir. Le président de la Commission nationale de
l'énergie nucléaire (CNEN), Odair Gonçalves
a toutefois contesté les conclusions de ce rapport, déclarant
qu'il contient "des erreurs et des distorsions très
importantes". Sur les 2 000 sites à risque identifiés,
"la plupart, de catégorie 5, sont à très
bas risque et échappent aux recommandations faites par
l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) dans son
code de conduite", a-t-il indiqué.
Selon le rapport approuvé par la Commission de l'environnement
et du développement durable du parlement, la centrale nucléaire
d'Angra II, située dans l'Etat de Rio de Janeiro (sud-est)
et la mine d'uranium de Caetite (Etat de Bahia, nord-est) opèrent
de manière irrégulière avec des autorisations
provisoires.
Le rapport souligne en outre que le stockage des déchets
nucléaires et radioactifs reste précaire. Sur le
site d'Abadia de Goiania (Etat de Goias, centre), sont entreposés
les déchets radioactifs de Goiania, où était
survenu en 1987 un grave accident radioactif.
Des ferrailleurs avaient trouvé dans les ordures une capsule
de Cesium 137 provenant d'une clinique radiologique désaffectée.
Les ruines de la clinique à Goiania.
Près de 300 personnes avaient été irradiées à des degrés divers. "Le Brésil n'a pas appris la leçon de Goiania", conclut le rapport. M. Gonçalves a toutefois affirmé que le Brésil avait commencé à se pencher "avant les autres pays sur le contrôle des sources (de radioactivité) d'origine médicale" à la suite de cet accident.
Lire: Les risques du "petit nucléaire"
trop souvent négligés
RIO DE JANEIRO, 12 déc 2001 - Plus de mille personnes seront reconnues officiellement
comme ayant été affectées par l'accident
nucléaire de Goiania, ville située à 200
km de Brasilia où s'était produit en septembre 1987
un accident au césium-137, considéré comme
le plus grave après Tchernobyl.
A l'époque de l'accident,
le bilan avait été de quatre morts et 245 personnes
irradiées à divers degrés. Selon
les autorités de Goiania (capitale de l'Etat fédéré
de l'Etat de Goias), mercredi, toutes ces victimes auront droit
à des dédommagements financiers payés par
l'Etat.
L'Assemblée législative de Goiania devra approuver
le projet d'ici la fin de l'année. Les
bénéficiaires recevront quelque 720 reals par mois
(288 USD). "Il faut revoir la situation
de ces personnes qui sont depuis 14 ans sans aucun type d'indemnités,
beaucoup en situation de misère", a déclaré
le procureur, Marcus Antonio Alves.
Selon lui, en neuf mois
d'enquête, le parquet local a relevé une série
de cas de fonctionnaires qui ont eu des contacts avec le matériel
radioactif jusqu'à la construction en 1997 de deux dépôts
souterrains qui renferment 6.000 tonnes de déchets radioactifs
(soit un volume de 3.500 m3) à Abadia, à 20 Km de
Goiania. "Ces personnes ont présenté des
symptômes de contamination par la suite. Il existe de nombreux
cas de cancer de la peau, de la prostate et de la tyroïde", a dit le procureur.
Nénamoins, la Commission Spéciale de l'Energie Nucléaire
(CNEN) qui avait déjà réalisé des
examens sur certains de ces fonctionnaires en 1997, dément
qu'il y ait un lien avec la contamination au césium-137.
Les
ruines de la clinique à Goiania.
L'accident de Goiania avait été provoqué
par l'ouverture d'une capsule de césium-137 contenue dans
un appareil de radiothérapie que deux ferrailleurs avaient
trouvé sur un terrain vague, près d'une clinique
privée.
En février 1996,
les quatre médecins et le physicien, propriétaires
de la clinique, avaient été condamnés de
un à trois ans de prison.
Le Monde, 17/11/87:
Sept personnes ont été inculpées
à la suite de la contamination radioactive de plus de deux
cents personnes par une source de césium 137 faisant partie
d'un appareil de radiothérapie abandonné dans la
province de Goias (Brésil). Cinq d'entre elles, inculpées
pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans
intention de la donner - quatre victimes sont décédées
fin octobre des suites de l'accident - risquent de quatre à
treize ans de prison.
Il s'agit de M. Amaurillo Monteiro de Oliveira, ex propriétaire
de l'institut dans lequel était installé l'appareil,
de trois médecins de l'institut et d'un physicien, responsable
des installations nucléaires. Le directeur des installations
nucléaires de la Commission nationale d'énergie
nucléaire (CNEN), M. Julio Rosental, ainsi que le coordonnateur
du contrôle sanitaire de l'Etat de Goias, risquent, quant
à eux, des peines d'un an à trois ans de réclusion.
Le Monde, 4/11/87:
GOIANIA (BRÉSIL) correspondance
Utilisés dans tous les grands hôpitaux
du monde, les appareils médicaux de radiothérapie
sont des mini bombes nucléaires en puissance, comme vient
de le révéler l'accident radioactif de Goiania,
au Brésil, première catastrophe de ce type survenue
hors d'une enceinte de centrale nucléaire.
Quatre morts, quatorze malades graves internés dans les
hôpitaux de Rio et de Goiania, vingt trois autres isolés
dans un camp près de Goiania et deux cent quarante quatre
irradiés, tel est le dernier bilan de cet incroyable drame
de la négligence des autorités médicales
et nucléaires, dénoncé à cor et à
cri par les autorités scientifiques du pays. «
C'est une honte internationale », s'est exclamé
José Leite Lopes, président du Centre brésilien
d'enquêtes physiques, exilé durant quinze ans par
l'ancien régime militaire au pouvoir de 1964 à 1985.
A l'heure où le Brésil vient d'annoncer sa capacité
de dominer le cycle de l'enrichissement de l'uranium - porte ouverte
à la fabrication de la bombe atomique, malgré les
dénégations des autorités, - l'affaire de
Goiania témoigne des risques d'éclatement de faits
divers de ce type dans un pays où quelque 30 % de la population
sont analphabètes.
Lorsqu'ils ont enfin réussi à briser à coups de masse le coeur de césium 137 de l'appareil de radiothérapie, de fabrication italo-américaine, abandonné - et acheté 30 dollars par leur patron, Devair Alves, le 13 septembre - sur les ruines de l'Institut goianien de radiologie, les deux ferrailleurs Admilson Alves et Israel Batista étaient loin d'imaginer qu'ils venaient de dégager du corps d'acier de plus de 100 kilos une substance hautement radioactive, et tout simplement mortelle.
« La pierre qui brille », avant de devenir
un enfer pour les 600 000 habitants de la ville, avait fait
office de poudre magique surnaturelle pour les centaines de curieux
qui n'avaient cessé d'admirer le césium 137 ainsi
dispersé aux quatre vents. La petite Leide Das Neves, six
ans, avait tellement aimé cette substance brillant de mille
feux qu'elle en avait absorbé comme une enfant de cet âge
avale du chocolat en poudre.
Le sang rongé par une radiation mortelle de plus de six
cents rads, Leide, décédée la semaine dernière
à l'hôpital Marcilio Dias de Rio de Janeiro, est
l'une des quatre premières victimes de l'accident.
Coeur de radio isotopes émettant des radiations ionisantes,
la bombe au césium 137 a un puissant effet curatif pour
les maladies cancéreuses, à l'image de la bombe
au cobalt deux fois plus puissante. L'unité de Goiania
permettait de soigner vingt malades par mois.
Le césium 137 ainsi libéré a irradié
à haute dose tous ceux qui ont été en contact
avec cette substance. Les symptômes relevés sur les
malades, recensés pour la première fois le 28 septembre
à l'hôpital de Goiania, se caractérisent essentiellement
par une perte des défenses immunologiques de l'organisme
sous l'action des radiations atomiques. Chez la plupart des malades
traités à Rio, le nombre des leucocytes (globules
blancs) a fondu de 4 000 par mm3 - minimum habituel - à
300, La moelle osseuse des malades est attaquée, et leur
peau, couverte de tâches brunes, souffre de radiodermite,
type de cancer de la peau. Roberto Santos, l'ami de Devair Alves,
avait transporté l'instrument de radiothérapie dans
ses bras. Il a dû être amputé de l'avant bras
droit en raison de la gravité des lésions subies.
Paranoïa nucléaire
La survie jusqu'à
ce jour de Roberto Santos et de Devair Alves étonne les
spécialistes, dans la mesure où ils ont subi des
radiations sur le corps de 620 et 710 rads respectivement, soit
largement au delà de la limite mortelle de 400 rads établie
par les spécialistes.
Faute de résistance de l'organisme, les malades peuvent
ainsi mourir de septicémie, cause officielle du décès
d'Admilson Alves, quatrième victime recensée à
Rio.
L'irradiation de huit zones de Goiania, due à l'éparpillement
du césium 137 et à l'effet de contagion des personnes
en contact avec les malades, a provoqué une véritable
paranoïa nucléaire à Goiania, mais aussi dans
l'ensemble du Brésil, où 1 700 appareils du
type de celui abandonné sur les ruines de l'hôpital
goianien ont été recensés.
Chargés de la surveillance et du contrôle de ce matériel,
les responsables du Centre national de l'énergie atomique
(CNEN) ont été invités à témoigner
devant la police fédérale, mais rejettent d'ores
et déjà toute culpabilité.
L'ignorance de la gravité de l'accident lors des premiers
internements de malades irradiés explique le nombre élevé
- deux cent quarante quatre - de personnes contaminées
par le césium. Devant le stade olympique de Goiania - où
joue habituellement l'équipe de football de première
division de la ville, - érigé en premier centre
d'hébergement pour les victimes, plus de vingt mille personnes
ont fait la queue pendant des jours pour subir les contrôles
de radioactivité devant les spécialistes équipés
d'appareils spéciaux, au risque d'être irradiés
par leurs voisins.
Cette hantise du nucléaire a ainsi conduit de Carlos, le
gardien de but de la célèbre équipe du Flamengo
de Rio, en déplacement dimanche 25 octobre à Goiania
sur un autre stade, à demander à passer un tel contrôle,
« pour ne pas contaminer son enfant » qui venait
de naître. Dans un pays où les statistiques sont
généralement irréelles - le nombre des malades
de la lèpre est ainsi officiellement de deux cent mille,
mais atteint le double dans les faits selon un médecin
spécialiste, - l'affaire de Goiania laisse planer des incertitudes
quant à sa dimension réelle.
« Plus de deux mille personnes on été irradiées », vient ainsi d'affirmer le physicien brésilien Alfredo Aveline. Selon lui, de 20 % à 40 % du matériel radioactif de Goiania n'ont pas encore été récupérés.
Goiania, sous l'état de choc, vit
à l'heure de Seveso.
La maison du ferrailleur Devair Alves va être démolie, et ses décombres vont rejoindre les 15 tonnes de débris, terre et matériaux divers entassés dans des fûts avant leur transport sur une zone désaffectée à 30 kilomètres de Goiania.
Danse de guerre à Brasilia
Le sol des huit zones irradiées
va être raclé à l'aide de bulldozers manoeuvrés
comme des robots à 30 mètres de distance, pour éviter
une contamination de l'équipe de vingt cinq militaires
de l'école d'instruction spéciale de l'armée
chargés de cet assainissement.
La question du stockage de ces tonneaux, enfermés dans
des conteneurs plombés, a déjà provoqué
de vives polémiques au Brésil. Le président
José Sarney, qui vient de se rendre à l'hôpital
de Goiania dans un but évident de dédramatisation,
a dû renoncer à son intention de faire abandonner
ces déchets dans la Serra do Cachimbo (au sud de l'Etat
du Para), où existent des installations nucléaires
brésiliennes. Les autorités du Para avaient protesté,
les Indiens Caiapos - cinq mille dans cette région - commencent
leur danse de guerre à Brasilia en guise d'opposition,
et les voisins du lieu menacent d'attaquer les camions de déchets
radioactifs avec des armes à feu.
Sévèrement gardé par des soldats armés
jusqu'aux dents, l'hôpital Marcilio Dias de Rio deJaneiro
a été lui aussi sous le feu des accusations. La
presse a dénoncé l'existence d'une irradiation générale
des locaux faute de mesures sanitaires adéquates, mais
cette information a été démentie par la direction.
Trente et un fûts contenant les eaux usées, les urines
et les selles des malades, instruments médicaux en contact
avec eux et vêtements, vont rejoindre, aux fins d'analyses,
l'Institut d'enquêtes énergétiques et nucléaires
de Sao Paulo. Parmi ces objets radioactifs figurent les poupées
offertes à la petite Leide.
Quatre cercueils spéciaux en plomb, de 600 kilos chacun,
ont été construits « en trois jours et
trois nuits », selon l'entreprise responsable,
pour recueillir les corps des quatre victimes, enterrées
dans le cimetière de Goiania malgré les protestations
- parfois accompagnées de jets de pierre - des habitants.
Même les arbres de la Rue 57, principale zone irradiée de Goiania, vont être déracinés puis débités et transportés sous conteneurs jusqu'à l'espace réservé aux déchets radioactifs, à 30 kilomètres de la ville.
Pierre Laurent
Le Monde, 28 octobre 1987:
Les corps de deux victimes de l'accident d'irradiation
de Goiania (Brésil) ont été placés
dans des cercueils blindés en plomb pour être ensevelis
dans le cimetière de la ville. Les habitants des quartiers
voisins craignaient d'être contaminés et avaient
annoncé qu'ils s'opposeaient à l'ensevelissement
des corps.
L'enterrement a finalement eu lieu le lundi 26 octobre après
une vigoueuse intervention de la police contre les manifestants.
Les deux victimes, Gabriela Ferraira et Leide Neves, étaient
la femme et la nièce du ferrailleur dans la maison duquel
fut ouverte une capsule trouvée dans les décombres
d'un institut de radiathérapie. La capsule contenait du
césium 137 radioactif. Trois autres personnes irradiées
sont dans un état jugé désespéré.
Libération, 26/10/87:
Brasilia, de notre correspondant
Deux des onze personnes gravement
irradiées hospitalisées à l'hopital naval
de Rio de Janeiro à la suite de l'éclatement accidentel
d'une capsule de césium 137 à Goiania (capitale
de l'Etat de Goias) sont décédées vendredi.
Leide Ferreira, agée de six ans, était la fille
du ferrailleur Devair Ferreira également hospitalisé
à Rio dans un état « stationnaire »
qui avait fendu à coups de marteau la fameuse capsule extirpée
d'un appareil de radiothérapie. Elle avait ingéré
des particules radioactives en mangeant un sandwich après
avoir joué avec la poudre de césium. Elle est morte
vendredi en début d'après midi, quelques heures
après sa mère, Maria Gabriela Ferreira. Une source
médicale confidentielle estime qu'aucun des patients traités
à l'hôpital naval ne survivra en raison des taux
élevés de radiation qu'ils ont subi et qui entraîneront
inévitablement des cancers. Des cercueils spéciaux,
commandes à une entreprise de Rio, étaient déjà
prêts pour recevoir les corps. Pour éviter tout risque
de contamination, ils ont été revêtus d'une
couche de plomb de cinq centimètres d'épaisseur
et pesant 650 kg pièce. Les tombes creusées dans
un cimetière de Goiania recevront un coffrage en béton
qui renforcera l'isolation des cadavres irradiés [radioactifs].
Leide Ferreira. La petite fille avait mangé un sanddwlch contaminé.
Ces deux décès ont eu pour conséquence l'annulation des festivités programmées samedi pour le 54e anniversaire de la fondation de Goiania. Le gouverneur de Goias, Henrique Santilo, qui a par ailleurs promis de s'installer avec sa famille à proximité du site où sont entreposés provisoirement (avec de bonnes chances que le provisoire devienne définitif) les conteneurs de déchets radioactifs en signe de « défi aux rumeurs alarmistes », a décrété trois journées de deuil officiel.
Sur le terrain, les travaux de décontamination se poursuivent. On attend l'arrivée d'un robot cédé par une entreprise pauliste pour « faire le ménage » dans les foyers présentant des taux de radiation dangereux pour l'homme.
Jean Jacques SEVILLA
Le Monde, 13/10/87:
Les trois médecins propriétaires
des appareils de radiothérapie contenant du césium
137 abandonnés dans les ruines d'un hôpital de Goiania,
à 200 kilomètres au sud ouest de Brasilia, ont été
inculpés et seront prochainement traduits en justice. MM.
Orlando Alves Teixeira, trente sept ans, Criseide Castro Duarte,
quarante ans, et Carlos Figueiredo Bezzerril, quarante trois ans,
qui étaient directeurs de cet institut de radiothérapie
avant qu'il ne soit démoli, sont passibles de deux à
huit ans de réclusion.
Ces condamnations pourraient être aggravées si l'une
des deux cent quarante trois victimes - dix neuf d'entre elles
sont dans un état grave - accidentellement contaminées
par le césium venait à mourir. D'autres personnes
pourraient être appelées à comparaître,
selon le quotidien O Globo, de Rio de Janeiro, qui estime
que la responsabilité directe ou indirecte de la Commission
nationale de l'énergie nucléaire et celle du gouvernement
de l'Etat sont engagées.
Libération, 13 octobre 1987:
Nul ne peut encore prévoir les
suites de l'accident de la bombe au césium, qui a irradié
243 personnes dont 10 sont dans un état grave. La contamination
reste toujours possible dans cette ville de plus d'un million
d'habitants. Ce qui réveille les ardeurs antinucléaires.
Brasilia, de notre correspondant
L'accident nucléaire de Goiania, le plus grave après Tchernobyl selon le médecin américain Gerald Hansen de l'Organisation mondiale de la santé (0MS), est devenu le feuilleton le plus populaire des journaux télévisés brésiliens. Les émissions sur la contamination radio active due à la destruction « malencontreuse » d'une bombe de cancérathérapie au césium 137 ont grignoté considérablement l'audience des sacro saintes telenovelas. Les bulletins médicaux de l'Hôpital Naval de Rio où sont hospitalisées les dix victimes sont diffusées quotidiennement, alimentant l'angoisse populaire. Quatre des dix patients sont dans un état considéré comme "très grave". 243 personnes ont été irradiées à des degrés divers.
Deux victimes hospitalisées à Goiania.
Ne sachant plus quoi faire pour se rendre crédibles,
les officiels prêchent la confiance par tous les moyens,
y compris en réquisitionnant des temps de parole à
la TV. Rex Nazare Alves, le président de la Commission
nationale de l'énergie nucléaire (CNEN), a même
fait le voyage à Goiania accompagné de son épouse.
Histoire de montrer l'exemple de la « confiance ».
Pour la capitale du Goias (1,2 million d'habitants), située
à seulement 200 km de Brasilia, l'accident est d'ores et
déjà une catastrophe. On ne se fait pas impunément
rebaptiser « Goianobyl ». Tous les commerces
proches des zones contaminées sont promis à la faillite.
Le surintendant de la police fédérale, le commissaire
Romeu Tuma, supervise personnellement l'enquête visant à
établir les responsabilités dans ce désastre.
Les trois médecins co propriétaires de l'institut
de radiothérapie local où a été abandonné
l'appareil au césium après la démolition
de l'établissement, viennent d'être officiellement
accusés de « négligence ayant entraîné
de très grave lésions corporelles sur des tiers
». Ils risquent de deux à huit ans de
prison, et plus si l'une des victimes vient à mourir.
Cependant, l'interrogatoire des deux adolescents qui ont «
récupéré » la pièce radio active
a d'autre part permis de tirer au clair la chronologie de l'accident».
A partir du « désossage »
de la pièce vendue à un ferrailleur et l'éclatement
de la capsule de césium à coups de marteau, il s'est
passé pas moins de seize jours avant le déclenchement
de l'alerte sanitaire. Un délai
dont l'équipe de secours de la CNEN n'a pas fini de mesurer
les retombées.
Des hélicoptères équipés de spectromètres
ont survolé la ville sans déceler de contamination
radioactive. Par contre, le
diagnostic des autorités reste moins optimiste sur une
possible pollution des cours d'eau par ruissellement des pluies.
Un risque d'autant plus grand que la ville
est presque quotidiennement noyée sous des trombes d'eau.
Selon les officiels, les réservoirs qui alimentent Goiania
en eau potable se trouvent en amont des zones polluées
et ne font donc « courir aucun risque »
à la population. Sur ce qui se passe en aval, le discours
s'embrume.
Sur le terrain, la situation ne semble guère être
contrôlée malgré les déclarations rassurante
de la CNEN. Quatre nouveaux foyers de contamination viennent d'être
isolés, portant leur nombre à sept dont l'un situé
à 50 km de Goiania. On a en outre établi récemment
que des animaux ont été irradiés, découverte
qui aggrave de façon certaine le risque de contamination
par chats de gouttière et chiens errants interposés.
« Il faudra au moins un an pour décontaminer la ville
», estime un physicien argentin qui suit les opérations
en compagnie d'experts américains, soviétiques et
ouest allemands. Une pléiade de scientifiques n'a pas tardé
à accourir à Goianoby!, site du premier accident
nucléaire de grande envergure survenu en dehors d'une centrale
atomique.
L'affaire a réveillé l'ardeur
anti nucléaire des Verts brésiliens et de leur chef
de file, l'ex « terroriste » kidnappeur d'ambassadeurs,
Fernando Gabeira en visite militante à Goiania. Candidat
(malheureux) du Parti des travailleurs au poste de gouverneur
de l'Etat de Rio, Gabeira avait fait, l'an dernier, de la désactivation
de la centrale très contestée d'Angra dos reis l'un
des leitmotivs de sa campagne électorale. L'occasion est
trop belle d'insister aujourd'hui comme le réclame soudainement
le gouverneur du Goias sur « la nécessité
d'un contrôle plus élargi du pouvoir civil sur les
activités nucléaires ».
Début septembre, le président Jose Sarney annonçait
solennellement que le Brésil maîtrisait la technologie
d'enrichissement de l'uranium, aboutissement d'un programme nucléaire
« parallèle » entièrement financé
par des fonds secrets. Une semaine plus tard, il rejetait toute
forme de contrôle de l'Agence internationale de l'énergie
atomique (AIEA) sur les installations nucléaires brésiliennes.
Quelques grammes de césium ont suffi à relancer
le débat sur le bien fondé de cette position à
forts relents nationalistes.
Quant à la destination des objets contaminés une
trentaine de tonnes de déchets radioactifs ont été
récupérées depuis samedi par 4 camions blindés
, le gouvernement vient de trancher. Malgré les protestations
du gouverneur du Para qui refuse que cet Etat amazonnien devienne
une « poubelle atomique », ils seront
entreposés dans la base militaire de Cachimbo, dans une
région isolée à la frontière des Etats
du Para et du Mato Grosso.
L'un des techniciens de
la CNEN a d'ailleurs commis une intéressante in discrétion
à propos de cette base en révélant que des
« activités nucléaires s'y développaient
». Ce que les ministres militaires ont toujours farouchement
nié depuis que ces installations perdues dans la jungle
amazonienne ont fait l'objet, en juillet 86, d'une série
de reportages retentissants dans la Folha de Sao Paulo.
D'après le quotidien pauliste, la base de Cachimbo ressemble
étrangement à un centre d'essais d'engins nucléaires...
Jean Jacques SEVILLA.
Brasilia, de notre correspondant
La presse brésilienne l'a surnommée le « ver
luisant » parce qu'elle dispense son énergie à
la manière d'un clignotant. La centrale atomique d'Angra
I, construite sur la commune de la station balnéaire d'Angra
dos Reis, à 150 km au sud de Rio, a, en sept ans de «
fonctionnement », cumulé tout ce que l'on peut imaginer
comme « impondérables » haut de gamme: une douzaine de fuites radioactives
(officiellement « Sans danger pour l'environnement »),
un incendie et même un glissement de terrain. Seul le coeur du réacteur a jusqu'ici échappé
aux défaillances en cascade. En juillet dernier, le générateur
électrique principal a rendu l'âme, et le réacteur
a dû être désactivé pour la énième
fois.
Angra I est un cauchemar tant pour la sécurité des
populations que pour les finances publiques. Le devis initial
de sa construction était évalué à
300 millions de dollars. Entrée en service 6 ans après
le début des travaux, l'ardoise finale atteignait près
de 2 milliards de dollars.
J.J.S.