PARIS 29 janvier 2004 - Le gouvernement a précisé jeudi ses
intentions concernant le contrôle des informations sensibles
sur le nucléaire civil, en publiant une nouvelle version
d'un arrêté qui avait déclenché l'été
dernier la colère des écologistes et des associations
de journalistes.
La nouvelle version a été publiée au Journal
officiel avec une circulaire en précisant les modalités
d'application aux préfets. Comme le précédent
texte, elle soumet au secret défense certaines informations
sur une liste restreinte de matières nucléaires
(éléments radioactifs des matières premières
et combustibles irradiés, ndlr) utilisées par l'industrie
nucléaire civile, mais pouvant être détournées
pour fabriquer une arme nucléaire et commettre des actes
terroristes.
Six matières nucléaires sont concernées, annonce la circulaire: plutonium, uranium, thorium, deutérium, tritium, lithium 6.
Sont visées, comme dans l'arrêté précédent, les informations sur les "mesures de surveillance, confinement, protection physique, suivi et comptabilité" des matières nucléaires "fusibles, fissiles ou fertiles"; les "systèmes et processus permettant la mise en oeuvre de leur protection et de leur contrôle"; les "mesures de sécurité et de protection physique qui leur sont appliquées en cours de transport"; les "exercices relatifs à leur protection physique, sur sites ou en cours de transport".
Seule nouveauté, l'arrêté précise qu'il s'agit d'informations dont la "divulgation est de nature à nuire ou à nuire gravement à la protection physique de ces matières nucléaires dans les domaines de la prévention, de la malveillance et de la prolifération".
Dans un communiqué, le haut fonctionnaire de défense qui a signé les textes et est rattaché au ministère de l'Industrie, Didier Lallemand, relève que la "portée" de l'arrêté initial, dénoncé comme une atteinte à la liberté d'information, avait "pu être interprétée, à tort, comme pouvant remettre en cause la politique de transparence dans le secteur nucléaire" civil.
Le nouvel arrêté, écrit-il, "clarifie" les domaines couverts par le secret défense. Comme le précédent, il n'a d'autre but que de "protéger les données pouvant éventuellement permettre à des individus aux intentions malveillantes d'attaquer ou de voler des matières nucléaires".
"Les pratiques actuelles de transparence en matière de sûreté nucléaire et notamment le fonctionnement des Commissions locales d'information (CLI) sont donc bien évidemment maintenues", ajoute M. Lallemand dans le communiqué.
Comme voulu initialement, le nouvel arrêté "n'autorise pas" le recours au secret défense "pour l'exploitation courante des installations nucléaires ou pour les questions de sûreté ou de radioprotection, même en cas d'incident", affirme la circulaire.
Le nouvel arrêté n'a pas convaincu les anti-nucléaires, Greenpeace le jugeant "tout aussi inadmissible" et le Réseau Sortir du nucléaire "tout aussi liberticide" que la version initiale.
Greenpeace a promis de poursuivre le combat
devant le Conseil d'Etat. Reporters Sans Frontières (RSF),
qui avait déposé un recours séparé
devant le Conseil d'Etat, a déclaré qu'il réexaminerait
sa position à la lumière des nouveaux textes.
PARIS 29 janvier 2004 - Sous le prétexte de protéger l'industrie nucléaire contre d'éventuels attentats terroristes, l'Etat français veut "interdire toute information" sur les activités nucléaires, accuse jeudi l'organisation Greenpeace, qui dénonce un nouvel arrêté prévoyant de classer "secret défense" certaines information concernant l'activité nucléaire civile.
Joint par l'Associated Press, Didier Lallemand, signataire de cet arrêté a justifié cette mesure, jugent que certaines informations "trop précises" qui peuvent "aider les terroristes à fabriquer des bombes ne doivent pas être diffusées".
Mais le haut fonctionnaire de défense du ministère de l'Industrie assure que "la transparence doit être quasiment totale" et que l'action des associations n'est "pas du tout" visée. Après avoir signé en juillet 2003 un premier arrêté contesté par plusieurs organisations, M. Lallemand explique que ce nouvel arrêté, accompagné d'une circulaire, doit "clarifier les choses" et préciser le domaine d'application du secret défense en matière de sécurité nucléaire.
Pour Greenpeace, déjà opposée au premier arrêté, le nouveau texte publié jeudi au Journal officiel "ne change rien". "On continue d'interdire les informations sur toutes les activités nucléaires en affichant un objectif de lutte antiterroriste", a déclaré à l'AP Yannick Rousselet, responsable de la campagne nucléaire de Greenpeace. A ses yeux, ce texte donne satisfaction "au lobby nucléaire", qui entend cacher certains aspects de son activité.
L'arrêté prévoit de classer "secret défense" les "renseignements, procédés, objets, données informatisées ou fichiers relatifs à la protection et au contrôle des matières nucléaires" dont la divulgation nuirait à la "prévention de la malveillance et de la prolifération". La circulaire qui l'accompagne exclut l'utilisation du secret défense concernant "l'exploitation courante des installations nucléaires (...) même en cas d'incident".
Greenpeace s'oppose notamment à l'interdiction de publier les informations concernant les transports de matières nucléaires, qui ne servira pas à renforcer la sécurité, a déclaré Michaël Luze, chargé de la communication de l'ONG. "Si nous arrivons à connaître par coeur les parcours et les plaques d'immatriculation (des véhicules assurant ces transports), d'autres organisations mal intentionnées peuvent le faire aussi bien", a-t-il observé. Pour lui, "La seule sécurité, dans l'absolu, c'est d'arrêter de faire voyager du plutonium pur sur les routes de France."
"Il n'est pas nécessaire de publier des informations aussi précises que les plaques d'immatriculations ou les horaires de passage des convois", rétorque M. Lallemand qui souhaite éviter que "les terroristes potentiels soient aidés involontairement parce qu'ils obtiennent des informations précises en consultant un site Internet".
Aucune organisation antinucléaire n'a pour l'heure fait l'objet de poursuites, a affirmé M. Lallemand. S'il entend garder "la main tendue", il n'a pas exclu que la justice se prononce prochainement sur la diffusion de certaines informations désormais classées. Greenpeace promet, elle, qu'elle "continuera d'informer les citoyens sur les dangers de l'utilisation et du transport des matières nucléaire".