La répression en Belarus (Biélorussie)
Nous
vous avons signalé que le
Professeur Yuri Bandazhevsky, Recteur de l'Institut de médecine
de Gomel a été arrêté au mois de juillet
dernier. Il est toujours emprisonné sans jugement.
Les chefs présumés d'accusation sont fallacieux
et ressemblent aux machinations de l'époque soviétique
qu'on croyait révolue. En réalité il semble
bien que les poursuites du gouvernement de M. Loukachenko contre
Yuri Bandazhevsky sont liées à ses activités
scientifiques qui mettent en évidence les conséquences
sanitaires nocives de la catastrophe de Tchernobyl dont les effets
sont toujours visibles aujourd'hui et vont en croissant. De plus,
il a publié un rapport critiquant radicalement la façon
dont certains scientifiques et le Ministre de la santé
du Belarus ont utilisé les fonds alloués aux études
médicales sur les conséquences de Tchernobyl. C'est
probablement la cause principale de son arrestation.
Soutien
au Pr. Bandazhevsky : des académiciens russes écrivent
au Procureur Général de la République de
Belarus
Amnesty International étudie son cas et a publié en Anglais le 18 octobre un document public référencé AI Index: EUR 49/27/99 sous le titre
La version officielle en français de ce document sera disponible dans quelque temps. En attendant nous donnons ci-après une première traduction de ce texte.
Amnesty international s'inquiète pour
le Professeur Yuri Bandazhevsky actuellement emprisonné
en attente de jugement. Il pourrait avoir été pris
délibérément pour cible par les autorités
pour avoir exercé son droit à la liberté
d'expression. Il a ouvertement critiqué la façon
dont le Ministre de la Santé a conduit les recherches
sur les effets nocifs sur la santé de la catastrophe
nucléaire de Tchernobyl de 1986 et la façon dont
l'argent a été dépensé dans ces recherches.
Amnesty International pense qu'il peut avoir été
arrêté uniquement pour avoir exercé son droit
à la liberté d'expression et le considère
comme un prisonnier de conscience potentiel. Amnesty International
est concerné par le fait que son jugement pourrait ne pas
être équitable.
Yuri Bandazhevsky a été arrêté à
Gomel au milieu de la nuit du 13 juillet 1999 par un détachement
policier. La base légale de son arrestation a été
le décret présidentiel " Sur les mesures d'urgence
pour combattre le terrorisme et autres crimes violents spécialement
dangereux ", qui est habituellement utilisé seulement
pour arrêter des suspects violents et des terroristes. En
violation de l'article 9 (2) de la Convention Internationale sur
les droits civils et politiques (ICCPR) à laquelle le Belarus
a adhéré et qui exige que " Quiconque est arrêté
doit être informé au moment de son arrestation des
raisons de son arrestation et doit être rapidement informé
des charges qui pèsent sur lui ", les autorités
ne l'ont inculpé formellement que le 5 août 1999.
Il fut finalement informé qu'il était accusé,
d'après l'article 169 (3) du code de criminalité
de Belarus, d'avoir reçu de prétendus pots de vin
d'étudiants qui cherchaient à se faire admettre
à son institut de recherche. S'il est reconnu coupable
il risque entre 5 et 15 ans de prison et la confiscation de ses
biens.
Amnesty International croit que Yuri Bandazhevsky pourrait avoir été emprisonné pour avoir ouvertement critiqué le programme de recherche financé par l'État concernant les effets de l'explosion du réacteur de Tchernobyl sur la santé de la population. En sa qualité à la fois de recteur de l'Institut de médecine de Gomel et d'académicien respecté, Yuri Bandazhevsky a été actif dans ce domaine de recherche depuis de nombreuses années. En tant que membre d'un Comité de recherche spécialisé il a écrit récemment un rapport sur les recherches concernant la catastrophe de Tchernobyl qui sont conduites par l'Institut de médecine radiologique [de Minsk, NdT] dépendant du Ministère de la Santé de Belarus. Ce rapport critiquait la façon dont ces recherches avaient été menées et le fait que l'argent avait été dépensé pour des recherches qui n'avaient rien apporté de scientifiquement important. La nuit au cours de laquelle il a été arrêté, les officiers de police auraient fouillé sa maison et confisqué son ordinateur, ses livres et ses archives. Amnesty International pense que son arrestation pourrait être due à sa critique de l'Institut de médecine radiologique du Ministère de la Santé.
Amnesty International a appris que les allégations
contre Yuri Bandazhevsky ont été faites par un collègue
qui plus tard aurait retiré ses affirmations. Yuri Bandazhevsky
a déclaré qu'il craignait que les officiels de l'Institut
de recherche qu'il a critiqués n'aient également
fait des déclarations non fondées contre lui. Notre
organisation a reçu des rapports indiquant que les autorités
qui élaborent l'accusation examinent les charges portées
contre lui, que cela pourrait prendre jusqu'à deux ans
et Amnesty craint qu'il n'y ait pas un procès honnête
à la fin de cette investigation. Dans le passé,
Amnesty International a critiqué les autorités du
Belarus pour avoir arrêté des personnes qui avaient
parlé ouvertement contre les autorités et que celles-ci
les avaient maintenues en détention préventive dans
des conditions inhumaines et dégradantes.
Les circonstances qui entourent l'arrestation de Yuri Bandazhevsky
causent d'autres inquiétudes puisqu'il n'a pas été
autorisé à avoir un avocat ni à voir sa famille
durant les trois semaines qui ont suivi son arrestation. L'obligation
selon laquelle les détenus doivent être immédiatement
autorisés à avoir un avocat est un principe exigé
par les critères internationaux des droits de l'homme tels
qu'ils sont définis par les Principes 7 et 8 des Principes
de Base des Nations Unies sur le Rôle des Avocats et le
Principe 17 du corpus des Nations Unies sur les Principes de la
Protection de toutes les Personnes soumises à quelque forme
de détention ou d'emprisonnement que ce soit. De plus,
Amnesty International s'inquiète du fait que son avocat
n'a pas eu un accès adéquat à son client,
ce qui est requis par les mêmes principes de base. Quand
l'avocat obtint l'autorisation de visiter son client à
Gomel, Yuri Bandazhevsky fut transféré dans une
prison à Moguilev éloignée d'environ 150
km sans que l'avocat en ait eu connaissance. L'avocat se serait
plaint de ce qu'il ne pouvait accéder à son client
à la prison de Moguilev car il avait été
temporairement mis dans une cellule d'isolement. Depuis, il a
été transféré dans une prison de haute
sécurité à Minsk où il a été
traité dans l'hôpital de la prison après s'être
évanoui dans sa cellule à Moguilev. Depuis qu'il
est en prison, l'état de santé de Yuri Bandazhevsky
s'est considérablement détérioré.
Il souffrirait de problèmes gastriques qui se sont exacerbés
à cause de ses conditions de détention dégradantes
et inhumaines. Amnesty International a appris qu'il a été
récemment transféré à la prison de
haute sécurité de Minsk dans une cellule d'isolement
mais il est toujours signalé qu'il souffre d'une mauvaise
santé.
Informations générales
Amnesty International a critiqué
à maintes et maintes reprises les autorités du Belarus
pour la façon dont elles traitaient les gens qui avaient
élevé la voix contre elles. Plus récemment
Amnesty International a montré ses inquiétudes concernant
les défenseurs des droits de l'homme que sont Véra
Stremkovskaya et Oleg Volchek (voir A I Index : EUR 24/49/99)
qui ont subi des pressions croissantes de la part des autorités
afin qu'ils cessent leurs activités d'opposants. Amnesty
International a aussi exprimé son inquiétude concernant
la journaliste Irina Halip qui a été la cible du
gouvernement pour avoir exercé son droit à la liberté
d'expression. il y a aussi un certain nombre de personnes qu'Amnesty
International considère comme des prisonniers de conscience
en Belarus, comme le précédent Premier Ministre
Mikhail Chigir, qui a été arrêté en
avril 1999 uniquement à cause de ses opinions politiques
et de ses activités oppositionnelles pacifiques (A I Index
: EUR 49/06/99). Comme Yuri Bandazhevsky il est également
en détention préventive et Amnesty International
réclame sa libération immédiate et inconditionnelle
et exprime l'inquiétude qu'il n'ait pas un jugement équitable.
Les recommandations d'Amnesty International
-Amnesty International requiert les
autorités de faire la lumière sur les raisons pour
lesquelles Yuri Bandazhevsky est détenu en prison, qu'il
soit libéré en accord avec l'article 9 (3) de l'ICCPR
(Convention internationale sur les droits civils et politiques)
qui exige que " la règle générale ne
veut pas que les personnes en instance de jugement soient détenues
en prison " ;
-Amnesty International requiert les autorités de faire la lumière au sujet des rapports selon lesquels la personne qui a accusé initialement Yuri Bandazhevsky aurait par la suite retiré son témoignage. Si Yuri Bandazhevsky est détenu sur la base de charges reconnues comme criminelles Amnesty International réclame son procès rapide ou sa mise en liberté (ICCPR, Art. 9(3)). Si Yuri Bandazhevsky est maintenu en prison uniquement pour l'expression de ses convictions non-violentes, Amnesty International le considèrera comme un prisonnier de conscience avec demande de sa libération immédiate et inconditionnelle ;
-Amnesty International requiert les autorités de rendre publiques toutes les charges criminelles retenues contre Yuri Bandazhevsky et de lui permettre de se défendre avec l'assistance de conseillers choisis par lui, au cours de procédures respectant les critères internationaux assurant un jugement équitable ;
-Amnesty International exhorte les autorités à assurer que, durant sa détention, des mesures soient prises afin de protéger la santé de Yuri Bandazhevsky et à lui prodiguer les soins médicaux et les traitements appropriés si cela est nécessaire ;
-Amnesty International exhorte le gouvernement du Belarus à respecter son obligation d'assurer les droits civils et politiques d'après l'article 19 (1) de la Convention Internationale des droits civils et politiques selon lequel " Chacun doit avoir le droit de défendre ses opinions sans ingérence " ;
-Amnesty International cherche à obtenir l'assurance qu'à l'avenir personne ne sera passible d'emprisonnement pour la seule raison de ses convictions non-violentes;
-Amnesty International exhorte les autorités à assurer aux détenus l'accès immédiat et fréquent à un représentant légal de leur choix ainsi qu'exigé aux Principes 7 et 8 des " Principes de base des Nations Unies sur le rôle des avocats " et au Principe 17 du Corpus des " Principes des Nations-Unies pour la protection de toute personne soumise à toute forme de détention ou d'emprisonnement que ce soit ";
-Amnesty International exhorte les autorités à respecter leur obligation décrite à l'article 9 (2) de l'ICCPR " Quiconque est arrêté doit être informé, au moment de l'arrestation, des raisons de son arrestation et doit être rapidement informé des charges qui pèsent contre lui ".
Secrétariat International,
1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume Uni.
(Traduit par R. Belbéoch, GSIEN)