La possibilité d'accident majeur, de
la catastrophe nucléaire, fait partie ouvertement de la
gestion sociale. Les experts internationaux (1) ont émis
un grand nombre de recommandations pour gérer au mieux
les catastrophes nucléaires. En France, les " autorités
responsables " les prennent en compte : mise en place de
cellules de crise, distribution de comprimés d'iode au
voisinage des centrales nucléaires, plans particuliers
d'intervention prévoyant l'évacuation ou le confinement
des populations pour les 24 à 48 heures d'une situation
d'urgence ; pour après, c'est le vague le plus complet...
Face à un tel risque de catastrophe, il ne peut y avoir
qu'une seule orientation pour le mouvement antinucléaire
: l'arrêt immédiat de toutes les centrales en fonctionnement,
l'abandon définitif de tout projet nouveau basé
sur l'électronucléaire, ainsi que de tous les sites
militaires nucléarisés. Car le nucléaire
militaire est indissociable du nucléaire civil, tant par
les risques de catastrophe majeure liée à un accident
sur ses sites que par la production de déchets. Toute politique
visant à prôner un arrêt progressif ou à
terme ne fait en définitive que le jeu des pronucléaires,
qui, en prolongeant de dix, vingt ans ou plus la durée
de vie des centrales, nous conduisent encore plus sûrement
vers une catastrophe.
Pour nous, la nécessité d'arrêter d'urgence
l'industrie électronucléaire est fondée sur
les conséquences sanitaires et sociales des catastrophes
nucléaires possibles. Aucun argument de type économique, politique, écologique
ou autre, quelle qu'en soit l'origine, ne peut peser face au risque
encouru par les populations. La seule solution rationnelle est
la sortie rapide du nucléaire indépendamment des
conséquences économiques, idéologiques ou
écologiques. Il est nécessaire d'arrêter cette
folie qui, en plus de l'accident majeur qui se profile, hypothèque
pour des milliers d'années la santé de la planète
par l'énorme masse des déchets accumulés
dont on ne sait que faire.
Arrêter le nucléaire ne
signifie pas se passer d'électricité :
C'est un fait que les énergies
renouvelables (microhydraulique, solaire photovoltaïque,
éolien, etc.) ne peuvent en aucun cas actuellement, sans
changement profond du mode de vie (production et consommation),
permettre de produire l'électricité dont nous aurions
besoin en arrêtant le nucléaire. Cela signifie qu'il
faut utiliser au maximum de leurs capacités ce dont on
dispose actuellement. Les autres pays, moins nucléarisés
que la France, utilisent largement charbon et fioul pour produire
leur électricité. Ainsi au Danemark, pays modèle
pour le développement de l'électricité éolienne,
la part de charbon et de fioul dans la production électrique
était, en 1996, de 85 % (contre 7,5 % en France).
Il n'y a encore que peu d'électricité produite en
France à partir du gaz. Par contre, en plus de l'hydraulique,
il y a des centrales sous-utilisées à charbon et
à fioul qu'EDF a commencé à démanteler,
alors qu'elle exporte des techniques de " charbon propre " qui pourraient facilement
être adaptées ici. La production de ces centrales
exploitées au maximum, couplée à un arrêt
des exportations et de l'autoconsommation de l'industrie nucléaire,
grosse dévoreuse d'électricité, permettrait
d'arrêter dès maintenant plus des deux tiers du parc
électronucléaire français.
Il est évident que le recours au charbon et au fioul grâce
auquel nous pouvons rapidement diminuer notablement la part de
l'électronucléaire n'est pas l'idéal (2).
Pour nous, il y a une urgence prioritaire : éviter les
catastrophes nucléaires, civiles et militaires. Bien sûr
ce que nous proposons est compatible avec le recours aux énergies
renouvelables et aux économies d'électricité
partout où c'est possible, comme par exemple l'abandon
du chauffage
électrique dans tous les établissements publics.
Cela ne veut pas dire que nous sommes insensibles aux problèmes
énergétiques pour le long terme. Mais il nous paraît
important que ces problèmes soient envisagés et
discutés à partir de bases réalistes et non
à partir de fantasmes scientistes, les mêmes qui
nous ont conduits dans l'impasse nucléaire d'aujourd'hui.
Le mouvement antinucléaire se doit d'être clair sur
ces points et ne peut s'accommoder de considérations politiciennes
ou électoralistes. Il se doit d'être complètement
indépendant des partis et des lobbies pour ne pas entrer
dans le jeu de dupe que constituent les marchandages entre différentes
forces au pouvoir ou aspirant à l'être.
Outre la catastrophe, le nucléaire nous fait courir un
autre risque : celui de vivre de plus en plus dans une société
hypercentralisée où aucun changement ne sera possible,
avec absence totale de contrôle de tout un chacun, mais
le règne absolu de ceux qui " savent ", scientifiques
et technocrates, avec le legs des déchets aux générations
futures. En tant qu'élément moderne du totalitarisme,
le recours au nucléaire doit être abandonné
d'urgence.
Poitiers, le 10 juin 2000.
(1) Commission internationale de protection radiologique (CIPR),
Organisation mondiale de la santé (OMS), Agence internationale
de l'énergie atomique (AIEA), Commission européenne,
etc.
(2) Soulignons qu'il n'aurait qu'une contribution marginale au
phénomène planétaire de l'effet de serre.
Premiers signataires:
ADEMAU (Association pour la défense des monts d'Auriat) -Alternative Libertaire - CCNED (Collectif contre le nucléaire et l'enfouissement des déchets - Plouaret) - Le CIDRA (Collectif Vosgien Indépendant d'Information sur les Déchets RAdioactifs) - CLADE (Coordination limousine antidéchets radioactifs) - CLAP (Collectif de lutte antinucléaire poitevin) - Le Comité Stop Nogent-sur-Seine - CRAS (Centre de recherche sur l'alternative sociale).
Contact pour les futurs signataires: CLAP c/o Le Dietrich, 20 rue Blaise-Pascal, 86000 Poitiers
Lire:
Le Bulletin Stop Nucléaire de la coordination
des groupes pour un arrêt immédiat du nucléaire
(en Pdf): N°1
décembre 2000 - N°2
mai 2001 - N°3
octobre 2001.