Après seize ans d'études et d'expérimentations, le département américain de l'Énergie (DOE) a décidé d'abandonner son procédé de vitrification et de stockage des déchets nucléaires militaires entreposés dans l'usine de Savannah, en Caroline du Sud.
Son défaut, le procédé, étudié par Westinghouse Government Services et baptisé « in-tank precipitation » produit des gaz explosifs. Aussi BilI Richardson, le secrétaire à l'Énergie, a-t-il entrepris de rechercher un nouveau partenaire privé pour réfléchir à des solutions techniques alternatives.
Le but de l'opération est de séparer les déchets les plus radioactifs des liquides qui les entourent, afin de réduire au minimum les quantités qui devront être vitrifiées. Néanmoins, ce sont quelque 6000 conteneurs qui devront être fabriqués en trente ans, pour un coût estimé à plus de 17 milliards de dollars. Quant à la recherche d'une méthode de substitution, elle devrait prendre de huit à dix ans et demander entre 1 et 3,5 milliards de dollars...
C'est le General Accounting Office, l'équivalent américain de notre Cour des comptes, saisi par John Dingell, un représentant Républicain du Michigan, qui a fait éclater l'affaire. Le DOE aurait dû abandonner cette méthode depuis longtemps, a commenté le parlementaire, ajoutant que «la mauvaise gestion de ce programme a conduit à un gâchis fabuleux et pathétique d' argent public.» .... «Tout ce que nous rapportent les 500 millions de dollars (investis depuis 1983), c'est vingt ans de retard et la perspective de dépenser un milliard de plus pour faire fonctionner un procédé qui s'avère problématique".
Quant au DOE, il a fait savoir que la décision de renoncer au procédé "in-tank precipitation" avait été prise au début de l'année dernière, et que trois solutions de rechange étaient actuellement à l'étude, dont l'une porte sur la mise au point d'un procédé similaire mais sur une plus petite échelle.
Westinghouse a été remercié et une décision définitive devrait intervenir l'an prochain. En dépit de toutes ces difficultés, le DOE affirme toujours que les 35 millions de gallons (130 millions de litres) qui encombrent Savannah devraient avoir quitté le site en 2028, comme prévu. Ils devraient être alors stockés à Yucca Mountain, dont la mise en service est censée avoir lieu en 2010 (cf. partie 2)
Gazette du Nucléaire n°175/176 juin 1999
Il y a plusieurs centaines de milliers d'années, le site de Yucca Mountain, retenu par le département américain de l'Énergie (DOE) pour y entreposer de manière définitive des déchets nucléaires à haute activité et à vie longue, a été envahi par les eaux. C'est la découverte que vient de rendre publique Youri Doublyansky, un géologue membre de l'Académie des sciences russe, lors d'une conférence de l'American Geophysical Union. Étudiant la formation des cristaux de calcite de la colline, le géologue a remarqué des imperfections qui montrent que la roche a pu atteindre, il y a plusieurs centaines de milliers d'années, des températures de l'ordre de 170 degrés Celsius. Or, selon lui, seules des eaux remontant des profondeurs du globe peuvent atteindre une telle chaleur.
Y.Doublyansky estime avoir levé là un lièvre capable de remettre en cause le projet. James Paces, un scientifique américain qui a étudié le site pour le compte de l'US Geological Survey, n'est pourtant pas de cet avis. Pour lui, il y a bien eu de l'eau à Yucca Mountain, mais il s'agissait de suintements d'eaux de pluie, et non de remontées d'eaux souterraines, ce qui, à ses yeux, modifie radicalement les. données du problème. Selon lui en effet, les cristaux ont été formés par des infiltrations d'eau de pluie et «il ne fait aucun doute que le dépôt n'a jamais été saturé d'eau».
Quoi qu'il en soit, cette découverte ne fait pas les affaires du DOE dans le réglement d'une question qui, compte tenu du retard pris, commence à faire figure de scandale national outre-Atlantique, et cela d'autant plus que Yucca Mountaîn est le seul site retenu à ce jour pour accueillir les déchets nucléaires civils et militaires américains. Comble de malchance, le DOE connaît actuellement des difficultés insurmontables dans la mise au point du procédé de vitrification des déchets militaires stockés à Savannah, en Caroline du Sud (cf partie IV). Yucca Mountain devait à l'origine être opérationnel en janvier 1998 alors qu'on parle aujourd'hui de 2010 au plus tôt. Pressée par l'urgence, la National Regulatory Commission (NRC) a d'ailleurs décidé en février dernier de réviser certaines des dispositions appelées à régir le site, et cela sans attendre, au mépris de la loi, que l'Agence de protection de l'environnement (EPA) ait statué sur les aspects sanitaires et la sûreté du projet (cf Enerpresse n° 7271).
Gazette du Nucléaire n°175/176 juin 1999