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ÉCOLES ET MAISONS À RADON EN LIMOUSIN

 

L'école maternelle des Homérides à Beaubreuil, Limoges, avait été évacuée peu avant les vacances de Noël 1997 pour excès de becquerels (1300/m3, alors que les maxima admis sont de 400 pour les bâtiments anciens et 200 pour les constructions nouvelles). En mars 1998, elle n'a toujours pas rouvert ses portes.

C'est en septembre 1997 que le député-maire de Limoges, Alain Rodet, avait discrètement fait mesurer la radioactivité dans les 40 écoles de son ressort, au moyen de films Kodak. Les résultats n'ont été rendus publics que pour une seule d'entre elles parce qu'elle dépassait les 1000 Bq/m3. Dès qu'il a pu obtenir l'autorisation de l'Inspection académique, le maire a fait fermer les quatre classes de cette école maternelle, dont les petits élèves sont "ramassés" chaque jour et hébergés dans d'autres établissements.

En janvier, le maire a tenu une réunion publique en présence de responsables de l'équipement et de la construction, et d'un représentant de la section de médecine nucléaire du CHRU de Limoges, le docteur Vendroux.

Ce dernier a calculé que l'exposition à ces plus de 1000 Bq/m3 correspondrait à une dose de 10 à 12 millisieverts par an, mais, répondant à la principale interrogation des parents, il estimait que cela ne représentait, selon la formule bien connue, "aucun risque" pour les enfants. (La "norme" est pourtant bien de 5 mSv/an pour le public et la recommandation valable à l'avenir, admise mais non encore prise en compte, est de seulement 1 mSv/an.) Et puis, objecte la CLADE, doit-on raisonner à partir des mêmes chiffres, s'agissant de tout jeunes enfants ? et ne devrait-on pas se préoccuper des expositions additionnelles qu'ils pourraient subir à l'extérieur de l'école ? (voir Bessines). Mais pour les "responsables", pas question de soulever des problèmes de cet ordre, puisqu'il n'existe pas en France de réglementation à ce sujet !

Certains parents demandent alors la prompte réouverture de l'école, leurs enfants étant traumatisés par ce changement.

D'autres cependant, ainsi que des enseignants, veulent suivre de près les développements de cette affaire, suggèrent d'exiger un suivi médical, des précautions supplémentaires et des recommandations particulières dans l'usage des examens radiologiques, par exemple, pour ces enfants déjà trop exposés. (On dit que les Américains ont ouvert un site sur Internet pour rassembler des informations sur les effets du radon et de ses descendants, une idée à suivre).

De toutes façons, pour rouvrir l'école, on attend de connaître les causes de cette radioactivité anormale qui a obligé à sa fermeture, afin de prendre les mesures qui s'imposeront : cela viendrait-il de remblais édifiés à partir de stériles miniers, selon une pratique assez répandue et même autorisée à quelques petites conditions près, ou bien cela provient-il des matériaux de construction ? Peut-être les résultats des mesures dans les écoles voisines, qui ne sont pas dévoilés, interdisent-ils ici d'emblée le recours habituel à une explication par la radioactivité naturelle ?

On attend toujours la publication conjointe des résultats de la CRII-RAD et de l'OPRI. Le maire a promis que l'on saurait, et que si c'est le remblai, on retrouverait les bordereaux de l'équipement, pour remonter à la source.

Il faut dire que la prudence est de mise : non loin d'ici, à Bessines-sur-Gartempe, on s'en souvient trop bien, il y a l'école maternelle Gérard Philippe : construite en 1975 sur des stériles miniers utilisés en remblai, sans vide sanitaire (comme aux Homérides), c'est seulement en 1991 qu'elle s'est fait connaître par sa radioactivité littéralement scandaleuse. À Bessines, on a procédé à un regroupement scolaire et gardé dans les locaux en question une seule classe, celle des tout-petits, moyennant une coûteuse ventilation "à double flux" qui ramène la radioactivité à 380 Bq/m3 (à en croire l'IPSN, car aucune mesure indépendante n'y est autorisée depuis).

Des mesures effectuées à l'époque dans certaines habitations avaient d'ailleurs fait dire au maire que celles relevées à la maternelle étaient bien inférieures à celles vérifiées par Radhom (un appareil de mesure du radon) au domicile de certains enfants, en bordure du site COGEMA, à quelques centaines de mètres de là ("À ce compte, il faudrait évacuer tout Bessines").

Parmi les maisons radioactives, il y a, c'est connu, celle de Grandmont/Saint-Sylvestre (ancien site exploité) où l'on avait mesuré 3000 Bq/m3 dans le séjour d'une famille de 6 enfants, dont 3 nés sur les lieux. La COGEMA, propriétaire, avait dû fournir un autre logement en affirmant que la maison contaminée ne devrait plus servir de maison d'habitation. Cependant, en 94, COGEMA vend, par voie de petites annonces, cette grande maison justement, 150000F à un jeune couple dont le projet déclaré est d'y ouvrir un gîte d'enfants. La DASS, apprenant que les appareils de mesure saturaient en quelques heures à 10000 Bq/m3, refuse son agrément et les jeunes propriétaires engagent une procédure d'annulation de la vente pour vice caché. Le Tribunal de Limoges ordonne une expertise, les mesures de l'IPSN amènent le ministère de la Santé à ordonner le relogement immédiat de la famille avec son bébé de 4 mois.

La COGEMA-Vélizy a spontanément publié un communiqué de presse à ce sujet pour affirmer que cette contamination n'avait rien à voir avec la production industrielle, sujet tabou par excellence.

Cependant les mesures de la CRII-RAD-Valence pour évaluer l'impact de l'exploitation minière sur la contamination de l'environnement par le radon et ses descendants ont fait apparaître une augmentation d'un facteur 10 sur un site exploité (autour de l'extracteur de radon, c'est-à-dire la ventilation minière, de Saint-Sylvestre) par rapport à un site exploré par TOTAL (Rempnat), reconnu comme filon d'une teneur "intéressante" mais jugé trop petit pour être exploité maintenant.

De même, à Bessines, les mesures de radon s'abaissent au fur et à mesure que l'on s'éloigne du site ; l'exploitation SIMO étant désormais arrêtée et l'usine fermée, les 10 millions de tonnes de résidus miniers sur Bessines constituent à eux seuls une "usine à radon" qui contamine l'environnement.

Pour un peu de radioactivité enlevée des profondeurs du sol (15 %, ce dont aime se vanter publiquement COGÉMA), les 46 ans d'exploitation de l'uranium en Limousin auront " dispersé en surface ce qui était confiné dans les profondeurs depuis des millions d'années, laissant plus facilement diffuser le radon autrefois "piégé" dans une roche mère compacte et profonde. "

Sans compter les déchets venus d'ailleurs (Le Bouchet, par exemple) et, comme si cela ne suffisait pas et selon l'adage "on ne prête qu'aux riches", ce plan sur 20 ans de dépôt d'uranium appauvri à stocker à Bessines : actuellement, le recours déposé par les associations devant le tribunal administratif est demeuré sans réponse.

Lors d'une conférence de presse de la CLADE le 11 mars, sur l'uranium appauvri et Bessines, le dernier rapport Bataille de la commission parlementaire (décembre 97) a été présenté, envisageant une éventualité d'amener cet uranium appauvri à une forme stable permettant un stockage à long terme, et évoquant, vu les espaces éventuellement dégagés par les changements intervenus dans le nucléaire militaire, la possibilité de renoncer à certains transports à longue distance de ces dangereuses matières radioactives, si bien emballées soient-elles.

Bref, on a cru comprendre qu'à Bessines, qui sait, ce n'est peut-être pas une fatalité, et cela pourrait bien rendre les gens encore plus curieux et vigilants.

 

SIMO : Société industrielle des minerais de l'ouest.
COGEMA : Compagnie Générale des Matières Nucléaires.
OPRI : Office de protection contre les rayonnements ionisants.
IPSN : Institut de protection et de sûreté nucléaire

 

Pour plus de précisions, cf. la brochure rédigée par la CLADE (Coordination limousine anti-déchets), 37, rue de la Boucherie, 87000 Limoges, et éditée en mars 1997 par Les Verts en Limousin, 71, rue Montmailler, 87000 Limoges, intitulée : 46 ans d'exploitation de l'uranium en Limousin ou l'histoire d'une odieuse supercherie (Division minière de la Crouzille - de l'analyse aux revendications ou comment les associations, devant les carences et le silence des collectivités locales et de l'État se proposent de conclure sur l'étude CRII-RAD).

De leur côté, des "Mères (très) en colère" proposent la constitution d'un groupe limousin de femmes antinucléaires. Contact : CLADE, 37, rue de la Boucherie, 87000 Limoges
tél. 05 55 32 58 76.

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