Dans l'après-crise pétrolière de 1973, le gouvernement Messmer, bafouant les principes élémentaires de la démocratie, décidait d'un avenir énergétique de la nation basé sur l'atome; alors qu'outre-Atlantique, vers la même époque, le pays le plus nucléarisé du monde commençait à prendre le chemin inverse. De grandes campagnes ont été engagées pour remplacer des consommations habituelles d'énergies fossiles par des usages non-spécifiques de l'électricité. Le meilleur résultat fut obtenu avec le chauffage. Pour l'époque, l'idée de réduire la dépendance énergétique pouvait paraître séduisante, elle pouvait aussi réduire la pollution atmosphérique, bien que l'argument n'ait pas fait partie des préoccupations du moment.
Indépendance énergétique oui, mais!
Il a d'abord fallu acheter à l'américain Westinghouse le droit de copier ses plans pour construire les 54 réacteurs EDF des paliers 900 et 1300 MWe; puis l'exploitant a dû s'endetter lourdement (240 milliards de francs dans les années 80), dont 90 milliards sur les marchés extérieurs (plus que la dette extérieure nette de la France), provoquant la rareté de l'argent et ses conséquences (taux d'intérêts élevés, réduction des prêts à la consommation et à l'investissement, perte de compétitivité, aggravation du chômage, augmentation de l'impôt et des charges sociales, etc.). Les réserves d'uranium du sous-sol national étant relativement limitées et peu rentables par rapport à celles d'autres pays, il est aujourd'hui nécessaire importer 95% du précieux métal (1). Contrairement à ce que raconte la pub mensongère de Cogéma, l'uranium est loin d'être un combustible 100% français. La supposée indépendance énergétique n'est donc économiquement pas aussi géniale que ça.
L'aberration thermodynamique
Une chaudière de chauffage pour des locaux d'habitations ou d'activités fonctionne avec un rendement d'au moins 85%. Faire bouillir de l'eau avec un combustible classique, ou son équivalent nucléaire, pour la transformer en vapeur qui actionne des turbines qui entraînent un alternateur, s'effectue avec un rendement d'un tiers; les deux autres tiers de l'énergie primaire étant rejetés (gaspillés) dans l'environnement.
Déchets radioactifs, stériles miniers et résidus de traitement
Et tout ceci sans oublier les déchets radioactifs dont la toxicité moyenne peut être estimée, en ordre de grandeur, à un million de fois supérieure à celle des produits chimiques (1 gramme de produits de fission = 1 tonne de toxicité chimique). La "Science" devait résoudre le problème, mais la Science ne possède pas, à ce jour, le moindre élément de connaissance lui permettant d'affirmer qu'elle sera "Un jour" capable d'y trouver une solution acceptable; et en prime les centaines de tonnes de stériles et résidus de traitement du minerai d'uranium de France, d'Afrique, d'Australie, du Canada ou d'ailleurs, riches en radium, radon et leurs descendants, dont la législation française ne veut même pas entendre parler, et dont la réhabilitation des sites pourrait nécessiter quelques centaines de milliards de francs, si les autorités sanitaires faisaient un jour leur travail. Et cela ne s'arrête pas là.
Mauvais rendement économique
Le chauffage est une activité à caractère saisonnier et d'intensité aléatoire en fonction des conditions météorologiques. Il est donc nécessaire de dimensionner le parc de production d'électricité aux besoins correspondant à des conditions climatiques qui ne se rencontrent que quelques jours tous les dix ou vingt ans, lors d'un hiver très froid, où la pointe de consommation sera à son maximum. Il est aussi nécessaire de dimensionner (et entretenir) le réseau de transport (lignes haute tension), le parc de transformateurs et les réseaux de distribution, pour absorber ces pointes de consommation. À l'absurdité thermodynamique, il faut maintenant ajouter le mauvais rendement économique, les parcs de production et de transport d'électricité étant largement sous utilisés.
Chauffage cher aussi pour ceux qui n'en sont pas équipés
Il y a environ une dizaine d'années, Y. Lenoir et J.-P. Orfeuil avaient réalisé une étude sur la question, d'où ils concluaient que si l'on imputait l'intégralité des coûts excédentaires de l'électricité à ceux qui utilisent cette énergie pour le chauffage, le kilowattheure leur serait facturé deux fois plus cher. En attendant, 3 usagers de l'électricité sur 4, qui se chauffent avec des procédés plus classiques, doivent accepter de payer une part significative de leurs factures EDF pour permettre au quatrième de se chauffer à l'électrique. L'estimation de la pointe d'hiver due à la consommation par ce mode de chauffage est de plus de 20 gigawatts, un tiers du dimensionnement des parcs de production, transport, transformation et distribution. Le chauffage électrique est donc aussi une injustice sociale. Au nombre des usagers "ordinaires" de ce mode de chauffage, il faut malheureusement ajouter bon nombre de locaux d'activités, à commencer par les administrations qui ont largement investi dans ce domaine, allégeance au lobby atomiste oblige; c'est le contribuable qui paie la facture. Continuons
et très cher pour l'utilisateur
S'il est moins coûteux (pour le bâtisseur immobilier ou le propriétaire) d'installer des radiateurs électriques plutôt qu'une chaudière à gaz ou à fioul, la facture énergétique est inversement plus conséquente. Le kilowattheure fioul ou gaz est 2,5 fois moins cher que l'électricité, moitié moins cher si l'on inclut l'amortissement et l'entretien de l'installation.
Régression sociale
L'occupant du logement, souvent locataire, se trouve dans l'obligation de payer des factures EDF d'un montant incroyablement élevé, ce qui ampute lourdement son modeste pouvoir d'achat. En conséquence, il consomme moins d'autres produits ou services, ce qui n'arrange en rien les problèmes de l'emploi. Dans la situation économique et sociale actuelle, bon nombre de locataires chauffés à l'électricité ne sont plus en situation de régler leurs factures. Aussi, EDF a réussi à imposer une priorité d'aide sociale pour ne pas subir les pertes de recettes des impayés, formulaires pré-rédigés et formation des assistantes sociales à l'appui. Plusieurs enquêtes de l'UFC sur divers départements ont démontré que les sommes ainsi absorbées pour le règlement des factures EDF impayées pouvaient atteindre jusqu'à 50% du budget des aides sociales, au détriment de besoins plus prioritaires comme l'alimentation ou la santé. Le chauffage nucléaire, une calamité pour les pauvres! Et devinez qui sera désigné comme volontaire d'office pour "liquider" la pollution radioactive après la prochaine catastrophe nucléaire les chômeurs bien sûr! Poursuivons
Pollution atmosphérique par effets secondaires
Le chauffage électrique a pris des parts de marché principalement aux dépens du fioul. Dans une distillerie de pétrole, il est impossible de régler la production pour obtenir tant de fioul, tant d'essence, tant de gaz La quantité à distiller est donc fonction du principal besoin : l'essence pour les bagnoles. Les pétroliers se retrouvaient donc, en France, avec d'énormes quantités de fioul dont ils ne savaient que faire. Ils peuvent pratiquer le cracking et transformer le fioul en essence; mais si la distillation se pratique à pression atmosphérique et 88 °C, le cracking nécessite haute pression et haute température (haute technologie et consommation importante d'énergie); autrement dit, ça coûte cher, et les pétroliers n'aiment pas ça. Or, à un détail de raffinage près, le fioul et le gasoil sont des produits quasi identiques. D'où la nécessité en France de développer le parc de véhicules diesels (qui atteint près de 50% contre 20% chez nos voisins), pour absorber les excédents de fioul. Si le fioul domestique pollue avec des fumées lourdes, relâchées à hauteur de cheminées, facilement dispersées et facilement lavées par la pluie, le gasoil brûlé par les diesels produit dix fois plus d'oxydes d'azote que l'essence des moteurs catalysés, et émet dans l'atmosphère, à hauteur des narines des bambins, quantités de particules fines très toxiques et difficilement dispersables. En prime, l'été, les oxydes d'azote réagissent avec le soleil pour engendrer de l'ozone. Par effets secondaires, le chauffage électrique nucléaire pollue donc l'atmosphère que nous respirons dans nos villes, un peu plus l'été que l'hiver. Ce n'est pas tout
Coûts secondaires
Le gasoil coûte plus cher à fabriquer que l'essence et est moins taxé : 2,50 francs de taxes sur le gasoil, environ 5 francs pour l'essence. Pertes de recettes pour l'État estimées à 25 milliards de francs par an; somme qui serait bien utile pour aider les pauvres à bouffer et régler leurs factures de chauffage nucléaire. La taxe sur les carburants des véhicules sert à payer les frais annexes de ce mode de transport : construction et entretien des routes, rémunération de la part des flics utilisés pour la circulation, des pompiers pour ramasser les morceaux, etc. En 1994, le ministère des Transports estimait qu'un automobiliste roulant à l'essence en zone rurale payait sensiblement ce qu'il devait à la société, et qu'il coûtait plus cher s'il roulait en milieu urbain. Donc, quand un automobiliste roule avec un diesel en milieu urbain, le contribuable doit mettre la main au portefeuille chaque fois que l'automobiliste met du gasoil dans son réservoir. Si l'on prend l'exemple de Paris où 54% des foyers ne possèdent pas de bagnoles, ces piétons doivent payer des impôts pour aider les automobilistes diesels à leur polluer les poumons. C'est fou ce que l'on peut faire avec du chauffage électronucléaire! Et dire que certains écolos accordent le label vert aux bagnoles électriques, autre usage non spécifique de l'électricité, dont le rendement énergétique global est de 40% inférieur au moteur à essence sans compter la détaxe quasi totale sur le "carburant" de ce mode de propulsion.
L'entreprise qui nous doit la lumière
est décidément bien opaque dans les conséquences de son choix énergétique. Pour que ça change rapidement, laissons traîner quelques idées : faire payer aux propriétaires de logements chauffés à l'électronucléaire, la moitié des factures d'électricité de leurs locataires; diminuer de 20% la valeur immobilière de ces logements; baisser le budget des administrations d'une valeur égale à leurs factures d'électricité; le gasoil à 10 francs le litre pour aider les pauvres (équité des taxes par rapport à l'essence + dommages et intérêts pour les arriérés de taxes impayés), etc. L'électricien national, entreprise publique à caractère industriel et commercial, n'a décidément pas brillé en un demi-siècle de gestion du service public. À l'heure de la construction de l'Europe, compétitivité et libéralisme risquent d'aggraver le problème. Le parc nucléaire n'est économiquement pas privatisable : personne ne voudrait acheter; mais les parcs de transport et distribution de l'électricité, si; la production hydroélectrique et thermique classique aussi. Laissons faire, et les requins qui se sont déjà approprié la production et la distribution d'eau potable s'accapareront EDF-GDF. Au vu des carambouilles qu'ils ont déjà mené dans le secteur de l'eau, on imagine vite ce qui adviendra du gaz et de l'électricité. L'État, pour sa part, a totalement failli dans son rôle de tutelle de l'entreprise publique, en laissant le lobby atomiste mettre la main sur l'électricien national, y diffuser son idéologie scientiste et y placer ses sbires aux postes décisifs; pire, il s'en est fait le complice. Au Danemark, le pays où l'électricité est moins chère (hors taxes), les consommateurs sont l'équivalent des propriétaires des compagnies d'électricité qu'ils gèrent eux-mêmes; on n'y a fait ni nucléaire, ni chauffage électrique. Alors, ni État, ni libéralisme; pour être bien servi, mieux vaut se servir soi- même, plaçons les consommateurs à la tête de l'entreprise du gaz et de l'électricité. On pourra même les aider à se diversifier dans les réseaux de chaleur, particulièrement économes et pratiques pour les usagers, et ça créera des emplois. On veut même bien revendre le parc nucléaire à Cogéma pour 1 franc symbolique, les dettes avec. Pour le long terme, c'est une affaire rentable, et ça obligera les atomistes à gérer leurs m eux-mêmes, sans l'apport financier des consommateurs.
1) En 1996, la consommation française était de près de 10500 tonnes d'uranium métal, dont 3500 tonnes pour les clients étrangers de Cogéma.1000 tonnes ont été extraites en France (400 t en 97), 4000 t provenaient de divers pays d'Afrique (Niger, Gabon, ), 3500 t d'Australie et 2000 t du Canada.