Bien sûr, d'un point de vue général, tout
peut très bien se passer. Mais EDF ne peut pas garantir
qu'il n'y aura pas de problème au passage de l'an 2000,
ni d'ailleurs plus tardivement, ce qui est généralement
négligé dans l'énumération des problèmes
posés par le bug.
Parmi les impératifs des autorités de sûreté
: il est obligatoire que l'usine de La Hague, bien que fermée
pour la Saint Sylvestre, soit alimentée en permanence pour
assurer les fonctions de sécurité (notamment il
faut que les cuves renfermant les liquides de haute activité
continuent à être refroidies), au Tricastin il faut
du courant pour Eurodif (éviter par exemple la cristallisation
du fluorure d'uranium), Superphénix est plus que jamais
sous surveillance (entre autres le sodium doit être maintenu
à l'état liquide). Tous les réacteurs de
recherche du CEA seront arrêtés.
Résumons quelques points
- L'identification par EDF des problèmes posés par
le bug de l'an 2000 : d'après EDF tout était identifié
en juin 1999.
- Les modifications de logiciels étaient "presque"
achevées fin mai 99. Les matériels pour la sûreté
sont sensiblement les mêmes pour un même palier du
parc nucléaire et donc des têtes de série
ont été testées. Cependant, il y a, de fait,
des changements qui ont été introduits d'une tranche
à l'autre même dans chaque palier et les applications
sur les tranches réelles sont faites. Fin juin on devrait
être à 70-80 % des intégrations et ce devait
être achevé au 1/09/99.
- Il y a des risques de perte du réseau qui peut entraîner
la "déconnexion" des réacteurs (soit par
effondrement extérieur par exemple via les pays de l'Est,
soit par des problèmes sur notre propre réseau à
cause d'un de nos réacteurs ou à cause de la demande
excessive d'une grosse industrie ou par tout autre scénario
avec le risque que cela se propage à l'ensemble du réseau).
Les réacteurs français étant pilotés
par le réseau, il peut y avoir "déconnexion"
même sans perte du réseau mais par l'intermédiaire
d'une dégradation du réseau s'il y a variation importante
de tension ou de fréquence.
Dans ces 2 cas de déconnexion, perte totale ou trop grande
instabilité du réseau, il faut recourir à
l'îlotage.
- L'îlotage consiste à isoler le réacteur
du réseau et à faire fonctionner le réacteur
sur lui-même afin d'utiliser l'énergie produite par
le réacteur pour en assurer la sauvegarde. L'îlotage
nécessite environ 5 % de la puissance du réacteur.
Point très important : il est dit, d'après les autorités
de sûreté elles-mêmes, que 25 % des îlotages
ne marchent pas, cet échec de l'îlotage entraîne
l'arrêt du réacteur. Lorsqu'il s'agit d'un essai
programmé cela n'est pas grave car on peut récupérer
assez vite le réseau.
1 - La réussite de l'îlotage est, semble-t-il, plus
difficile en fin de cycle du combustible (présence de xénon).
Question : quels réacteurs sont en fin de cycle du combustible
? Seront-ils tous mis à l'arrêt avant le 31 décembre
1999 ?
2 - Lorsqu'un îlotage rate il faut le relais de sources
électriques extérieures pour assurer les fonctions
de sauvegarde et le refroidissement du réacteur. On utilise
des diesels et des turbines à combustion (TAC) qui sont
sur le site de la centrale.
Question : quel est le stock de fuel pour chaque réacteur
? La NRC (Nuclear Regulatory Commission, l'équivalent
aux Etats-Unis de notre Direction de la Sûreté
des Installations Nucléaires) recommande 7 jours de
stock et un pétitionnaire (Nuclear Information and Resource
Service) a demandé 60 jours. Qu'en est-il chez nous,
combien avons-nous de jours d'autonomie par diesels et TAC sur
chaque site, en fonctionnement normal et en fonctionnement incidentel
?
(Pour les deux réacteurs de Nogent-sur-Seine, la DRIRE
de Champagne-Ardenne interrogée par e-mail le 29 mai n'a
pas répondu, demande réitérée le 21
novembre).
3) En cas de mise à l'arrêt d'un réacteur
Question : où en est le contrôle des circuits RRA
(circuits de refroidissement à l'arrêt du réacteur)
qui devait être effectué sur tout le parc à
la suite de l'incident de Civaux du mois de mai 1998 ? Rappelons
qu'il y a eu au mois d'octobre deux incidents à Dampierre
sur le réacteur n°4 avec fuites d'eau sur des tuyauteries
auxiliaires de faible diamètre du circuit RRA. Or le "contrôle"
du RRA avait été effectué... On peut légitimement
se poser des questions sur le sérieux des contrôles
alors qu'ils sont validés par les autorités de sûreté.
4) Existe-t-il un retour d'expérience global concernant
les îlotages réalisés depuis la mise en route
de nos réacteurs ? Évolution au cours du temps des
défaillances ayant conduit à des mauvais îlotages,
leurs causes, les remèdes apportés et l'estimation
de leur efficacité. Y a-t-il moins d'îlotages ratés
aujourd'hui ?
Question restée sans réponse de la part des autorités
de sûreté.
- L'alimentation en eau des réacteurs
1 - Question : les problèmes liés au bug 2000 en
amont sur les barrages et ouvrages hydrauliques où il y
a du pilotage avec possibilité d'existence d'un bug. Les
vérifications sont-elles terminées ?
2 - Question : S'est-on assuré de la possibilité
de prise en glace pour les prises d'eau dans les rivières
? (Ce phénomène a été à l'origine
de privation d'électricité d'une partie du réseau
ouest durant l'hiver 1987).
3 - Question : Quel est le stock d'eau sur les sites en cas de
perte du réseau pour assurer le refroidissement du réacteur
? On nous dit que toutes les bâches seront pleines : est-ce
suffisant en cas d'incident et en circonstance accidentelle ?
- Pour reconnecter un réacteur, le réseau est nécessaire.
En effet les diesels n'ont pas une puissance suffisante (environ
6 MW) pour faire démarrer les pompes primaires qui, elles,
nécessitent une puissance beaucoup plus élevée
(environ 25-45 MW). Qu'a envisagé EDF en cas de perte du
réseau ? Il s'agit bien sûr d'utiliser tous les moyens
classiques : hydraulique, centrales thermiques classiques (fioul,
charbon et TAC).
A cette occasion on apprend qu'EDF est obligée de re-régionaliser
d'une certaine façon pour reconnecter les réacteurs.
Par exemple la centrale de Flamanville serait alimentée
par la TAC de Brennilis. Mais d'autres "chemins" sont
plus compliqués, la TAC de Gennevilliers pourrait alimenter
les centrales de Penly, Paluel ou autres.
Question : N'est-il pas curieux qu'EDF ait été autorisée
à commencer le démantèlement du parc thermique
classique en 1998 avec près de 500 MW supprimés
(Pont-sur-Sambre, Richemond) alors que se profilait ce problème
de perte possible de réseau en cette fin d'année
1999 ?
- Avec le passage à l'an 2000 on peut perdre des fonctions
qui ne seront appelées à n'être utilisées
que bien après le 1/1/2000 quand on en aura besoin.
C'est vrai en particulier pour certains systèmes dits de
sauvegarde. La surveillance devra donc continuer après
le 1er janvier 2000.
Question : Quelles sont les autres fonctions concernées
? Peut-on le savoir ou est-il impossible de le prévoir
?
- Les tests effectués par EDF le sont bien évidemment
dans des conditions normales de fonctionnement des réacteurs.
Question : est-on sûr que certains paramètres ne
sont pas modifiés lorsque des fonctions sont perturbées
en situation incidentelle ou accidentelle ? C'est peut-être
le point le plus important mais qui est difficile à tester
en situation normale.
Évidemment la petite liste ci-dessus est très incomplète.
P. S. Encore faut-il que les diesels soient
opérationnels !
Dans un communiqué de presse du 22 novembre l'autorité
de sûreté indique que l'usure prématurée
d'une goupille sur une vanne du circuit de refroidissement des
groupes électrogènes de secours bloque la vanne
en position fermée empêchant ainsi le refroidissement
des moteurs diesel. C'est un défaut qui affecte tous les
réacteurs 1300 MW (défaut générique).
On apprend à cette occasion que ce défaut a été
observé sur la centrale de Nogent d'abord en août
1997 puis mars 1999. Il correspond à des défauts
de montage de nouvelles vannes sur tous les réacteurs 1300
MW entre 1993 et 1998. La DSIN confirme à EDF "la
nécessité de prendre immédiatement (...)
des mesures palliatives qui consistent à bloquer préventivement
les vannes suspectes en position ouverte, afin de garantir le
refroidissement des moteurs diesels. Ces opérations sont
en cours de réalisation. Elles seront terminées
pour le passage à l'an 2000 pour lequel la fiabilité
des groupes électrogènes prend une importance toute
particulière". (Minitel 3615 Magnuc).