EDF a fait construire la plus grande part des
condenseurs de vapeur des usines électriques en laiton,
bon conducteur de la chaleur. Mais cet alliage de cuivre et de
zinc s'abrase et se corrode. En 1996, le directeur de la centrale
nucléaire de Nogent reconnaissait avoir perdu en Seine
22 tonnes de laiton l'année précédente (sur
un poids total de 800 tonnes pour les deux tranches). Outre que
la pollution provoquée par les rejets de cuivre en rivière
dépassait les valeurs autorisées par l'arrêté
préfectoral, l'usure des condenseurs nécessitait
leur remplacement. EDF a donc opté pour de l'acier inox,
moins bon conducteur de la chaleur mais plus résistant
(en 98 pour la tranche 1 et 99 pour la tranche 2, pendant les
arrêts pour révision décennale).
Si le cuivre est un polluant toxique, il avait l'avantage d'inhiber
les amibes, responsables entre autre de méningites mortelles.
Et il s'avère que ces micro bestioles ont décidé
d'aller proliférer dans les tours de refroidissement des
centrales d'EDF sous certaines conditions climatiques, l'été
; puis d'aller batifoler ensuite en aval dans la rivière,
dans les eaux de baignade par exemple.
Le phénomène ayant été détecté
à Dampierre-en-Burly (4 réacteurs de 900 MWe sur
la Loire), l'exploitant a donc décidé de traiter
la bactérie par le seul remède possible, l'injection
de chlore, mais du chlore libre le plus toxique, en particulier
pour la faune et la flore en aval*.
Et le chlore libre réagit en présence de matière
organique pour former des trihalométhanes, substances fortement
cancérigènes, non éliminées par les
stations de traitement d'eau potable. Les normes européennes
préconisent de ne pas dépasser une concentration
de 30 microgrammes par litre d'eau en aval après dilution.
Avec un débit de Loire à l'étiage de 30 m3/s
à hauteur de Dampierre, EDF respecte difficilement la norme.
Aussi alterne t-il chloration et mesure du taux d'amibes sans
traitement, puis rechloration quand ça reprolifère.
Le problème est plus épineux pour le site nucléaire
de Nogent où le débit d'étiage peut descendre
à 20, voire 15 m3/s. Il est encore plus épineux
pour la centrale de Civaux, livrée neuve avec condenseurs
en inox, et un débit d'étiage de la Vienne à
7 m3/s. Chooz, Golfech et quelques autres sites seront probablement
concernés ; ainsi que tous les sites dont EDF changera
les condenseurs usés au prix de 200 millions de francs
la tranche.
*L'arrêté préfectoral concernant la centrale
nucléaire de Nogent, autorisant les prises et rejets d'eau
et d'effluents chimiques en Seine (87.3805 du 4/6/87 modifié
94.1427A du 17/5/94) stipulent que " les opérations
de chloration des circuits de réfrigération, dans
la limite de 4 campagnes par an, ne pourront être entreprises
qu'après vérification du bon fonctionnement du dispositif
d'arrêt de purge (pas de rejets en Seine pendant l'opération).
Elles devront être conduites de façon à ce
que, lors de la remise en marche de la purge (rejets en Seine),
la teneur en chlore libre résiduel dans les effluents des
eaux de purge soient inférieure à 0,1 milligramme
par litre (et inférieure au seuil de mesure en moyenne
sur 24 heures), le flux de chlore libre ne pouvant dépasser
2 kilogramme sur deux heures " (et par 24 heures). L'arrêté
précise en outre, que les Services de la Navigation devront
être prévenus préalablement à ces opérations
et que le remplacement de la chloration par tout autre traitement
ne pourra être autorisé qu'après les avis
du Conseil supérieur d'hygiène publique de France
et de la mission déléguée de bassin.
Le traitement (campagne) contre les salissures biologiques des
réfrigérants s'effectue en principe par injection
d'hypochlorite de sodium (eau de Javel) pendant 20 minutes, concentration
maximale dans les circuits 50 mg/l, durée du traitement
de 6 à 10 heures avant réouverture des purges.
Ces limites très contraignantes ont été imposées
après consultation du Conseil supérieur d'hygiène
publique de France, de la mission déléguée
de bassin, des Services de la Navigation, du Conseil de la Pêche,
de la Drire, etc. Elles sont le reflet de l'importante toxicité
du chlore libre et des produits de réaction qui en sont
issus, pour le milieu récepteur.
Dans le passé, l'inhibition des amibes susceptibles d'engendrer
des méningites mortelles était due à leur
l'empoisonnement par le cuivre provenant de l'usure des anciens
circuits des condenseurs. En l'absence de cuivre, d'autres organismes
nocifs pourraient donc aussi se développer et contaminer
la Seine.
Quoi qu'il en soit, le traitement proposé par augmentation
importante de la fréquence des injections d'eau de Javel
est incompatible avec la protection de la faune, de la flore et
de la santé publique. D'autres procédés sont
disponibles, tels ceux utilisés dans les usines de traitement
de l'eau potable. Mais leurs coûts élevés
influeront sur le prix du kilowattheure.
Le procédé retenu devra impérativement être
soumis à la procédure d'enquête publique.