Cet été notre attention était attirée par un article du journal tunisien La Presse du mardi 13 juillet 1999 intitulé "Nucléaire - Un projet turc menace la Méditerranée". Fondé sur une dépêche de l'AFP (Agence France Presse), il relatait le projet de construction d'une centrale nucléaire à Akkuyu près de Mersin au sud de la Turquie.
D'après cet article, trois consortiums, un franco-allemand, un américano-japonais, et un troisième réunissant des entreprises canadiennes, britanniques et japonaises, seraient en lice pour la construction de cette centrale. Au cours d'une conférence de presse organisée par la préfecture grecque du Dodécanèse, les participants venant de divers pays (dont un représentant des écologistes turcs du petit Parti de liberté et solidarité) ont exprimé leurs craintes. Le risque sismique n'a pas été oublié (les tremblements de terre qui ont durement secoué la Turquie, peu de temps après la publication de cet article, ont tragiquement illustré la pertinence de ce propos). Enfin, la plupart des participants ont souligné qu'il était important que soit empêchée la construction de centrales nucléaires "partout en Méditerranée".
Pour notre part, nous doutons qu'en France une quelconque grande organisation à vocation nationale ou internationale, une quelconque autorité (en dehors de celles qui ne manqueront pas de soutenir les intérêts du consortium franco-allemand impliqué dans cette affaire), se sentent concernées par les problèmes méditerranéens que soulève la construction de cette centrale turque, et par les réactions internationales qu'elle suscite. Cependant il faut remarquer que si aucune centrale nucléaire n'est construite sur le rivage français de la Méditerranée, le nombre d'installations nucléaires françaises situées dans la zone méditerranéenne est impressionnant. Certes, la France n'a pas été, dans un passé récent, le théâtre d'un tremblement de terre aussi spectaculaire que ceux qui secouent régulièrement la Turquie, la Grèce, le Maghreb ou l'Italie. Mais tous les géologues savent que nous ne sommes nullement à l'abri d'une très mauvaise surprise. Et certains terrains présentent parfois des caractéristiques inquiétantes. Ainsi, le journal Le Monde du 1er décembre 1999 (voir aussi l'article, où on trouvera de nombreuses références, "Qu'est-ce qui fait vibrer Grenoble" de F. Cotton et al. dans la revue La Recherche, n° 320, p. 39, mai 1999) publie un article peu rassurant, de J.-F. Augereau, sur la singularité géologique de la cuvette grenobloise (qui abrite nombre d'installations industrielles à risque, dont un réacteur nucléaire de recherche technologique - voir page précédente "Les réacteurs de recherche en France"). Celle-ci est remplie par des sédiments variés dont l'épaisseur, mal connue, est certainement supérieure à 400 m. Ces terrains mous sont entourés par les roches rigides des massifs montagneux qui environnent la ville. Cette configuration est particulièrement dangereuse. En cas de tremblement de terre, les ondes sismiques sont piégées dans les terrains mous, d'où amplification des oscillations et augmentation de leur durée. En 1985, la ville de Mexico pâtissait durement d'une singularité géologique analogue, à la suite d'un séisme dont l'épicentre était situé à 400 km. Dans le détail, ces phénomènes sont mal connus. Un laboratoire dépendant de l'université de Grenoble et du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), ainsi que l'IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire) ont entamé des études approfondies dans la région de Grenoble.
Existe-t-il en France d'autres localités sujettes à l'amplification sismique en raison de conditions géologiques particulières ? La question est maintenant posée, mais les centrales nucléaires (ou autres usines potentiellement dangereuses) sont depuis longtemps construites.