L'homme-sievert est l'unité qui sert à mesurer la totalité des doses de rayonnement reçues par un groupe de personnes (travailleurs ou population). C'est ce qu'on appelle la dose collective.
La Commission internationale de protection radiologique (CIPR) qui sert de référence officielle en ce qui concerne les problèmes de radioprotection précise d'une façon explicite dans ses recommandations de 1990 (publication CIPR 60) que pour les effets cancérigènes et génétiques du rayonnement il n'y a pas de seuil de dose de rayonnement en dessous duquel le risque est nul. Ce qui compte pour établir le bilan cancérigène ou génétique résultant de l'irradiation d'un groupe de personnes c'est finalement la dose collective.
Ainsi le nombre d'hommes-sieverts pour une population donnée permet d'évaluer les conséquences biologiques (cancers et affections héréditaires chez les descendants). Le coût monétaire de l'homme-sievert permet aux experts d'évaluer le coût monétaire correspondant aux cancers et effets génétiques radio-induits. Les experts ont estimé le coût monétaire d'un cancer radio-induit et celui d'une malformation particulièrement invalidante chez les enfants des irradiés. Notre vie a donc pour ces scientifiques qui manient avec beaucoup de brio les méthodes scientifiques, un prix. Les gens concernés n'ont pas été consultés, ils auraient probablement affirmé sans hésitation que leur vie n'avait pas de prix.
Le 14 décembre 1995, sous l'égide de la Société française de radioprotection s'est tenu à Paris un colloque intitulé Optimisation de la radioprotection et valeur monétaire de l'homme-sievert. Parmi les sujets traités signalons " le rôle de la valeur monétaire de l'homme-sievert dans la démarche d'optimisation de la radioprotection ". " Utilisation de la valeur monétaire de l'homme-sievert à EDF lors de la préparation des grands chantiers de maintenance et des interventions en arrêts de tranche ". " Utilisation de la valeur monétaire de l'homme-sievert au CEA () ".
En résumé : réduire le nombre d'hommes-sieverts pour une opération qui implique l'irradiation d'un groupe d'individus nécessite d'augmenter la protection et cela coûte de l'argent à l'exploitant (EDF ou CEA). Cela n'est justifié que si ce coût ne dépasse pas le coût monétaire des effets cancérigènes et génétiques qu'on peut attendre chez les irradiés. Protéger les gens, oui bien sûr, mais à condition que cela ne coûte pas trop cher. Notre vie pour les responsables de notre protection radiologique se réduit à un simple coût monétaire dans un budget. Et les discussions vont bon train chez ces experts pour évaluer au plus juste le prix de notre vie. Plus ce prix de notre vie est bas et plus notre radioprotection est facile pour l'exploitant et moins cela lui coûte. En arriver à mesurer la vie par du fric est une obscénité qui ne dérange guère les scientifiques experts en rayonnement.