Enfin les Verts viennent de découvrir, très tardivement, que le nucléaire était une forme d'énergie quantitativement marginale (1) et que la méthode française de conversion des kWh en tonnes d'équivalent pétrole était truquée. Il y aura fallu du temps et quelques invectives; leur démonstration manque pourtant de la conviction nécessaire (nous avons été très démonstratifs en 3 pages).
Dans leur ouvrage de référence (2) rédigé à la hâte depuis le 8 décembre pour diffusion aux députés lors du débat parlementaire sans vote du 21 janvier, ils estiment la cause entendue, écologiquement, technologiquement et économiquement, l'option nucléaire est une aberration dont il faut sortir la France mais pas dans cinquante ans ! Certains écologistes estiment que la vulnérabilité nucléaire est telle qu'il faut agir au plus vite, même au prix d'une augmentation de la production des gaz à effets de serre et d'un non-respect des engagements internationaux Cette orientation est radicale, elle n'est pas pour autant absurde (3) : la France pourrait d'ailleurs y être contrainte un jour ou l'autre dans une situation de crise (suite à une panne générique des centrales nucléaires ou, plus grave, suite à un accident).
Entre le Charybde du risque nucléaire et le Scylla de l'effet de serre les Verts préfèrent défendre l'option d'une sortir progressive du nucléaire en 25 ans en commençant en 2002 par les tranches les plus anciennes au rythme de deux par ans
58 réacteurs à raison de 2 par an, cela fait 29 ans à compter du futur démarrage de Civaux 2 qui n'est pas encore en service, ce qui fait au moins du 2030, bien que l'ouvrage fasse référence à l'an 2023 pour un arrêt total des centrales.
Bien qu'ayant compris que le nucléaire n'était pas une forme d'énergie permettant de lutter quantitativement contre l'effet de serre, les Verts persistent à dire qu'il faut sortir progressivement en 25 ans pour ne pas augmenter l'effet de serre; voici une application peu orthodoxe, mais politiquement logique de l'arithmétique!
Bien qu'ayant compris (en apparence) la possibilité d'une catastrophe et les conséquences qui s'en suivront, leur raisonnement économique limite leur capacité d'analyse. Pourtant, ils savent comme tout citoyen français qui lit la presse, que les pays de l'ex-URSS touchés par Tchernobyl, ont déjà dépensé pour la "liquidation" partielle de la catastrophe, plus que les 1000 milliards de francs investis par la France en 25 ans dans son parc nucléaire. Voici un exemple de l'illogisme politico-économique face à la probabilité de l'accident majeur, que le simple bon sens réduit à néant; il faut sortir du nucléaire avant la catastrophe, et donc maintenant. Mais le bon sens et la politique ça fait deux!
Et de poursuivre : Sortie rapide ou progressive, ces débats aujourd'hui propres à la mouvance écologiste ne sont pas des débats marginaux. Ils sont décisifs pour l'avenir de notre pays et de notre société. Ils doivent devenir l'objet d'un grand débat national sur l'avenir énergétique de la France. Schizophrénie?
L'ouvrage, sensé être consacré au nucléaire, fait avant tout la part belle au discours sur la maîtrise de l'énergie et les énergies renouvelables, les deux tiers du volume. Du moins, il essaie; car cette partie de l'ouvrage est particulièrement soporifique. Le lecteur courageux pourra cependant s'égayer en y dénichant quelques perles du genre (page 122) les pales ultralégères (des éoliennes) et les génératrices à vitesse variable permettront le passage de turbines de 8600 kW (45 m de diamètre) à des turbines de 1,5 MW, voire 2 MW (jusqu'à 80 m de diamètre).
Quelques cours d'arithmétique du niveau du cours moyen, assorties il est vrai d'un petit complément sur la définition des unités de puissance (1000 kW = 1 MW, donc 8600 kW = 8,6 MW), devraient donner aux Verts la capacité de faire un jour une analyse objective de la situation, et politiquement honnête. Mais il est peu probable que ce jour-là ils fassent encore partie de la "majorité plurielle".
1) Voir La lettre d'information du Comité Stop Nogent-sur-Seine n° 74 relatant notre action contre la pub d'EDF " nucléaire contre effet de serre ". Nous avons alors calculé que la part d'effet de serre évitée par le nucléaire était de l'ordre de 1 %, idem pour les ressources réellement exploitables en uranium comparées aux combustibles fossiles.
2) Le nucléaire et la lampe à pétrole. Les Verts. L'esprit frappeur, n° 41, 20 F.
3) Souligné par nous.
La liste "Pour en savoir plus" qui figure à la fin du livre recense un certain nombre d'associations, mais "oublie" soigneusement tous les comités de site. Nous essaierons de réparer cet oubli dans notre prochaine Lettre d'information.