On a seulement appris début octobre
que le Pr Yuri Bandazhevsky, Recteur de l'Institut de Médecine
de Gomel a été arrêté au mois de juillet
et emprisonné ainsi que le Vice-recteur, le Pr Vladimir
Ravkov. Ils ont été démis de leurs fonctions.
Le Pr Bandazhevsky, Chef du Département de Pathologie est
connu pour ses études concernant les effets sur l'organisme
de l'incorporation de radionucléides dus aux retombées
de la catastrophe de Tchernobyl et qui affectent la population
du Belarus. Rappelons que ces effets sont largement occultés
et niés par les experts occidentaux et qu'il est indispensable
que soit connue la situation sanitaire réelle résultant
de la catastrophe nucléaire sans précédent
de Tchernobyl. Le dossier publié par la Gazette nucléaire
173/174, mai 1999 comportait une partie importante consacrée
à la situation sanitaire au Belarus. Outre l'article de
Rosa Goncharova quelques études étaient résumées
montrant la dégradation de la santé des enfants
avec cette introduction : "certains scientifiques de Belarus
se voient dans l'impossibilité de poursuivre leurs travaux
pour cause de "réorganisation" des instituts
ou d'autres motifs. Ce fait est très inquiétant
car cela ressemble fort à une censure, acceptée
(et peut-être même favorisée) par la communauté
scientifique internationale". L'emprisonnement est évidemment
une solution radicale de censure !
Il est indispensable que le Pr Bandazhevsky puisse continuer ses
études, puisse circuler librement y compris à l'étranger
afin de faire connaître ses travaux. Ceci devrait concerner
tous les médecins et scientifiques qui persistent à
étudier la situation sanitaire sur le terrain.
D'après le peu d'informations qui sont parvenues ici, le
Pr Bandazhevsky est malade et aurait été transféré
à l'hôpital au milieu de criminels. Il a préféré
retourner en prison où les conditions de détention
seraient plus sûres pour sa vie.
Dans une lettre adressée le 16 octobre 1999 à l'Ambassadeur
à Paris de la République de Belarus, pour être
transmise à M. Oleg Bozhelko, Procureur général
de la République de Belarus à Minsk, le GSIEN (Groupement
de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire)
écrivait : « Les scientifiques du GSIEN suivent avec
attention les publications concernant les conséquences
sanitaires des retombées radioactives ayant affecté
votre pays suite à la catastrophe de Tchernobyl, la République
de Belarus ayant été la plus touchée des
Républiques de l'ex-URSS (...). Il est essentiel qu'il
[le Pr Bandazhevsky] puisse poursuivre librement ses travaux,
non seulement dans l'intérêt de la population de
Belarus mais également dans l'intérêt des
populations de tous les pays car les accidents nucléaires
très graves ignorent l'existence des frontières.
Nous aimerions connaître les raisons de l'arrestation du
Pr Bandazhevsky ainsi que de celles du vice-recteur le Pr Ravkov
et que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Nous
savons que la santé du Pr Bandazhevsky a été
altérée suite à son arrestation et nous aimerions
connaître les conditions de sa détention. Nous aimerions
avoir rapidement de ses nouvelles ainsi que du Pr Ravkov. Nous
aimerions que les Pr Bandazhevsky et Ravkov soient informés
de notre démarche.
En espérant une intervention rapide de votre part, (...)»
A contacter :
Amnesty International (coordination CEI, 76, bd de la Villette, 75940 Paris
cedex 19, fax 01 53 38 55 00), l'Ambassade de la République
de Belarus
(38, bd Suchet, 75016 Paris, fax 01 44 14 69 70), l'OSCE
à Vienne (info@osce.org).
Pour plus d'informations on peut écrire à Vladimir
Tchertkoff, (eandreoli@vtx.ch).
Il serait bon de tenir au courant le Pr
Michel Fernex (solange.fernex@wanadoo.fr) de vos interventions.
Le Professeur Yuri Bandazhevsky, Recteur de
l'Institut de médecine de Gomel, arrêté au
mois de juillet dernier, est toujours emprisonné sans jugement.
Les chefs présumés d'accusation sont fallacieux
et ressemblent aux machinations de l'époque soviétique
qu'on croyait révolue. En réalité il semble
bien que les poursuites du gouvernement de M. Loukachenko contre
Yuri Bandazhevsky sont liées à ses activités
scientifiques qui mettent en évidence les conséquences
sanitaires nocives de la catastrophe de Tchernobyl dont les effets
sont toujours visibles aujourd'hui et vont en croissant. De plus,
il a publié un rapport critiquant radicalement la façon
dont certains scientifiques et le Ministre de la santé
du Belarus ont utilisé les fonds alloués aux études
médicales sur les conséquences de Tchernobyl. C'est
probablement la cause principale de son arrestation.
Amnesty International
étudie son cas et a publié en Anglais le 18 octobre
un document public référencé AI Index : EUR
49/27/99 sous le titre
«BELARUS. Possible Prisoner of Conscience - Professor
Yury Bandazhevsky.»
La version officielle en français de
ce document sera disponible dans quelque temps. En attendant nous
donnons ci-après une première traduction de ce texte.
Amnesty International
s'inquiète pour le Professeur Yuri Bandazhevsky actuellement
emprisonné en attente de jugement. Il pourrait avoir été
pris délibérément pour cible par les autorités
pour avoir exercé son droit à la liberté
d'expression. Il a ouvertement critiqué la façon
dont le Ministre de la Santé a conduit les recherches sur
les effets nocifs sur la santé de la catastrophe nucléaire
de Tchernobyl de 1986 et la façon dont l'argent a été
dépensé dans ces recherches.
Amnesty International pense qu'il peut avoir été
arrêté uniquement pour avoir exercé son droit
à la liberté d'expression et le considère
comme un prisonnier de conscience potentiel. Amnesty International
est concerné par le fait que son jugement pourrait ne pas
être équitable.
Yuri Bandazhevsky a été arrêté à
Gomel au milieu de la nuit du 13 juillet 1999 par un détachement
policier. La base légale de son arrestation a été
le décret présidentiel « Sur les mesures d'urgence
pour combattre le terrorisme et autres crimes violents spécialement
dangereux », qui est habituellement utilisé seulement
pour arrêter des suspects violents et des terroristes. En
violation de l'article 9 (2) de la Convention Internationale sur
les droits civils et politiques (ICCPR) à laquelle le Belarus
a adhéré et qui exige que « Quiconque est
arrêté doit être informé au moment de
son arrestation des raisons de son arrestation et doit être
rapidement informé des charges qui pèsent sur lui
», les autorités ne l'ont inculpé formellement
que le 5 août 1999. Il fut finalement informé qu'il
était accusé, d'après l'article 169 (3) du
code de criminalité de Belarus, d'avoir reçu de
prétendus pots de vin d'étudiants qui cherchaient
à se faire admettre à son institut de recherche.
S'il est reconnu coupable il risque entre 5 et 15 ans de prison
et la confiscation de ses biens.
Amnesty International croit que Yuri Bandazhevsky pourrait
avoir été emprisonné pour avoir ouvertement
critiqué le programme de recherche financé par l'État
concernant les effets de l'explosion du réacteur de Tchernobyl
sur la santé de la population. En sa qualité à
la fois de recteur de l'Institut de médecine de Gomel et
d'académicien respecté, Yuri Bandazhevsky a été
actif dans ce domaine de recherche depuis de nombreuses années.
En tant que membre d'un Comité de recherche spécialisé
il a écrit récemment un rapport sur les recherches
concernant la catastrophe de Tchernobyl qui sont conduites par
l'Institut de médecine radiologique [de Minsk, NdT] dépendant
du Ministère de la Santé de Belarus. Ce rapport
critiquait la façon dont ces recherches avaient été
menées et le fait que l'argent avait été
dépensé pour des recherches qui n'avaient rien apporté
de scientifiquement important. La nuit au cours de laquelle il
a été arrêté, les officiers de police
auraient fouillé sa maison et confisqué son ordinateur,
ses livres et ses archives. Amnesty International pense
que son arrestation pourrait être due à sa critique
de l'Institut de médecine radiologique du Ministère
de la Santé.
Amnesty International a appris que les allégations
contre Yuri Bandazhevsky ont été faites par un collègue
qui plus tard aurait retiré ses affirmations. Yuri Bandazhevsky
a déclaré qu'il craignait que les officiels de l'Institut
de recherche qu'il a critiqués n'aient également
fait des déclarations non fondées contre lui. Notre
organisation a reçu des rapports indiquant que les autorités
qui élaborent l'accusation examinent les charges portées
contre lui, que cela pourrait prendre jusqu'à deux ans
et Amnesty craint qu'il n'y ait pas un procès honnête
à la fin de cette investigation. Dans le passé,
Amnesty International a critiqué les autorités
du Belarus pour avoir arrêté des personnes qui avaient
parlé ouvertement contre les autorités et que celles-ci
les avaient maintenues en détention préventive dans
des conditions inhumaines et dégradantes.
Les circonstances qui entourent l'arrestation de Yuri Bandazhevsky
causent d'autres inquiétudes puisqu'il n'a pas été
autorisé à avoir un avocat ni à voir sa famille
durant les trois semaines qui ont suivi son arrestation. L'obligation
selon laquelle les détenus doivent être immédiatement
autorisés à avoir un avocat est un principe exigé
par les critères internationaux des droits de l'homme tels
qu'ils sont définis par les Principes 7 et 8 des Principes
de Base des Nations Unies sur le Rôle des Avocats et le
Principe 17 du corpus des Nations Unies sur les Principes de la
Protection de toutes les Personnes soumises à quelque forme
de détention ou d'emprisonnement que ce soit. De plus,
Amnesty International s'inquiète du fait que son
avocat n'a pas eu un accès adéquat à son
client, ce qui est requis par les mêmes principes de base.
Quand l'avocat obtint l'autorisation de visiter son client à
Gomel, Yuri Bandazhevsky fut transféré dans une
prison à Moguilev éloignée d'environ 150
km sans que l'avocat en ait eu connaissance. L'avocat se serait
plaint de ce qu'il ne pouvait accéder à son client
à la prison de Moguilev car il avait été
temporairement mis dans une cellule d'isolement. Depuis, il a
été transféré dans une prison de haute
sécurité à Minsk où il a été
traité dans l'hôpital de la prison après s'être
évanoui dans sa cellule à Moguilev. Depuis qu'il
est en prison, l'état de santé de Yuri Bandazhevsky
s'est considérablement détérioré.
Il souffrirait de problèmes gastriques qui se sont exacerbés
à cause de ses conditions de détention dégradantes
et inhumaines. Amnesty International a appris qu'il a été
récemment transféré à la prison de
haute sécurité de Minsk dans une cellule d'isolement
mais il est toujours signalé qu'il souffre d'une mauvaise
santé.
Informations générales
Amnesty International a critiqué à maintes
et maintes reprises les autorités du Belarus pour la façon
dont elles traitaient les gens qui avaient élevé
la voix contre elles. Plus récemment Amnesty International
a montré ses inquiétudes concernant les défenseurs
des droits de l'homme que sont Véra Stremkovskaya et Oleg
Volchek (voir A I Index : EUR 24/49/99) qui ont subi des pressions
croissantes de la part des autorités afin qu'ils cessent
leurs activités d'opposants. Amnesty International
a aussi exprimé son inquiétude concernant la journaliste
Irina Halip qui a été la cible du gouvernement pour
avoir exercé son droit à la liberté d'expression.
il y a aussi un certain nombre de personnes qu'Amnesty International
considère comme des prisonniers de conscience en Belarus,
comme le précédent Premier Ministre Mikhail Chigir,
qui a été arrêté en avril 1999 uniquement
à cause de ses opinions politiques et de ses activités
oppositionnelles pacifiques (A I Index : EUR 49/06/99). Comme
Yuri Bandazhevsky il est également en détention
préventive et Amnesty International réclame
sa libération immédiate et inconditionnelle et exprime
l'inquiétude qu'il n'ait pas un jugement équitable.
Les recommandations d'Amnesty International
- Amnesty International requiert les autorités de
faire la lumière sur les raisons pour lesquelles Yuri Bandazhevsky
est détenu en prison, qu'il soit libéré en
accord avec l'article 9 (3) de l'ICCPR (Convention internationale
sur les droits civils et politiques) qui exige que « la
règle générale ne veut pas que les personnes
en instance de jugement soient détenues en prison »
;
- Amnesty International requiert les autorités de
faire la lumière au sujet des rapports selon lesquels la
personne qui a accusé initialement Yuri Bandazhevsky aurait
par la suite retiré son témoignage. Si Yuri Bandazhevsky
est détenu sur la base de charges reconnues comme criminelles
Amnesty International réclame son procès
rapide ou sa mise en liberté (ICCPR, Art. 9 (3)). Si Yuri
Bandazhevsky est maintenu en prison uniquement pour l'expression
de ses convictions non-violentes, Amnesty International
le considèrera comme un prisonnier de conscience avec demande
de sa libération immédiate et inconditionnelle ;
- Amnesty International requiert les autorités de
rendre publiques toutes les charges criminelles retenues contre
Yuri Bandazhevsky et de lui permettre de se défendre avec
l'assistance de conseillers choisis par lui, au cours de procédures
respectant les critères internationaux assurant un jugement
équitable ;
- Amnesty International exhorte les autorités à
assurer que, durant sa détention, des mesures soient prises
afin de protéger la santé de Yuri Bandazhevsky et
à lui prodiguer les soins médicaux et les traitements
appropriés si cela est nécessaire ;
- Amnesty International exhorte le gouvernement du Belarus
à respecter son obligation d'assurer les droits civils
et politiques d'après l'article 19 (1) de la Convention
Internationale des droits civils et politiques selon lequel «
Chacun doit avoir le droit de défendre ses opinions sans
ingérence » ;
-Amnesty International cherche à obtenir l'assurance
qu'à l'avenir personne ne sera passible d'emprisonnement
pour la seule raison de ses convictions non-violentes ;
- Amnesty International exhorte les autorités à
assurer aux détenus l'accès immédiat et fréquent
à un représentant légal de leur choix ainsi
qu'exigé aux Principes 7 et 8 des « Principes de
base des Nations Unies sur le rôle des avocats » et
au Principe 17 du Corpus des « Principes des Nations-Unies
pour la protection de toute personne soumise à toute forme
de détention ou d'emprisonnement que ce soit » ;
- Amnesty International exhorte les autorités à
respecter leur obligation décrite à l'article 9
(2) de l'ICCPR « Quiconque est arrêté doit
être informé, au moment de l'arrestation, des raisons
de son arrestation et doit être rapidement informé
des charges qui pèsent contre lui ».
Amnesty International
Secrétariat International, 1 Easton Street,
Londres WC1X 0DW, Royaume Uni.
(Traduit par R. Belbéoch, GSIEN)