Témoignage de Tamara Ignatievna Grudinskaya, membre de l'Union des journalistes d'URSS et rédacteur en chef du journal de Khoïniki Le drapeau léniniste. Elle raconte comment la situation fut abordée dans la région de Khoïniki en Biélorussie.

- Quand avez-vous entendu parler de l'accident de Tchernobyl, et qu'est-il arrivé dans votre région les premiers jours ?

Le 26 avril 1986 fut une belle journée ensoleillée. Nous étions tous dehors et nous travaillions tous aux champs. Nous nous demandions pourquoi tant d'hélicoptères couleur gris camouflage volaient en direction de la centrale. Finalement on pensa qu'il s'agissait simplement d'un exercice militaire normal. Le lundi 28 avril, quand j'arrivai à mon bureau, ma collègue Nina Konstantinova Shabrova me dit qu'il y avait eu apparemment une explosion à Tchernobyl.

- L'avez-vous crue ?

Non. J'ai dit : « Tu es folle ? C'est probablement une affreuse rumeur, une provocation. Si c'était vraiment arrivé, nous aurions été avertis depuis longtemps par radio ou par la télévision. »

- Quelle distance y a-t-il à vol d'oiseau de l'endroit où vous étiez à Tchernobyl ?

54 km. Mais les villages éloignés comme Pogonnoye, Chamkov, et Orevichi sont sur les rives du Pripyat. De là on peut même voir la centrale.

- Et la première annonce officielle a-t-elle eu lieu par voie de presse, dans votre journal par exemple ?

Le premier petit article annonçant la catastrophe est paru dans notre journal le 9 mai 1986.

- Et avant cette date ?

Rien du tout. Si vous consultez les éditions antérieures de notre journal vous trouverez une description du défilé de la fête du premier mai composé de gens pleins de « confiance, d'espoir », etc.

- Vous dites qu'il n'y a pas eu d'information sur le désastre. Mais pendant ce temps-là, le réacteur crachait des millions de curies de radioactivité qui étaient dispersées dans l'ensemble de la Biélorussie. Est-ce que les enfants étaient toujours dehors, les plus grands allant à l'école et les plus petits dans les garderies ?

Oui. Ils ont participé aussi aux manifestations du premier mai.


- Et que faisaient leurs parents pendant ce temps ?

Quelques parents influencés par les rumeurs sur les réfugiés de Pripyat ont décidé d'évacuer leurs enfants.

- Quand ?

A partir du 6 ou 7 mai. C'est à la suite de cela que Dimitri Mikhailovich Demichev, le Secrétaire régional du Parti m'a personnellement avertie :
« Ne songez pas à évacuer votre fils d'ici, vous perdriez votre carte de membre du Parti. »

Propos rapportés par Vladimir Tchernoussenko,
dans son livre Insight from the Inside, Springer Verlag 1991.
Traduction de l'anglais par l'ACNM (Association Contre le Nucléaire et son Monde).