Le généraliste n°1176, mardi 29 mai 1990:
Dr Amélie Bénassy
D'un premier voyage, le Dr Bénassy avait rapporté des informations alarmantes sur l'état de santé des populations et des témoignages de médecins désemparés («le Généraliste» 1148). Elle est retournée sur place et a pu examiner de nombreux enfants. Pathologies thyroïdiennes, infectieuses et hématologiques dominent. La référence unique à Hiroshima ne semble pas applicable ici en raison de conditions d'observation différentes. L'augmentation des leucémies paraît déjà sensible.
Le quatrième anniversaire de Tchernobyl semble avoir délié beaucoup de langues. Des témoignages affluent, des accusations sont lancées, des secrets sont levés, des mesures affichées. Pourtant il faut encore écrire sur Tchernobyl, pour en dire les dégâts essentiels : ceux créés sur la santé des individus.
Nous avons, hélas, ramené de notre dernier voyage en Ukraine et en Biélorussie une nette confirmation des résultats de notre première enquête.
Parmi la masse d'informations ramenées, nous nous bornerons ici à citer les faits les plus indiscutablement corrélables à la radioactivité d'un point de vue nosologique. Mais notre témoignage ne serait pas complet sans un éclairage sur les difficultés d'approche de cet immense problème, qui se posent en termes d'épidémiologie, de physique, de surveillance médicale, de gestion sociale, de thérapeutique ou d'économie...
Trois grands groupes de pathologies augmentent indubitablement dans les territoires contaminés : les pathologies thyroïdiennes et infectieuses et les leucémies.
PATHOLOGIES THYROIDIENNES
Alexeïvna Sivolobova, pédiatre et biologiste à Rovko, nous présente Nadia, dix ans : « Elle habitait à Narovlia au moment de l'accident, elle avait six ans. Elle a été évacuée de son village le 7 mai (onze jours après l'explosion). Pendant ces onze jours elle a bu beaucoup de lait. Elle est partie à Moscou puis elle est revenue à Narovlia, dont nous n'avons connu que début 1989 la contamination en césium, mais le problème était la contamination en iode. Depuis un an, sa thyroïde a commencé à augmenter de volume. Elle est non douloureuse pour le moment mais de plus en plus grosse et de plus en plus dure. Nadia est très faible, très fatiguée, anémique.
Avant Tchernobyl, nous n'avions jamais ce genre de pathologie. »
Contaminés par l'iode
Un traitement à la thyroxine, administré actuellement, aurait apporté une légère amélioration. Nous avons demandé à voir les examens complémentaires. Une échographie montrait une augmentation de volume de la thyroïde de structure homogène, mais il n'y avait aucun dosage hormonal. Les médecins laissent alors éclater leur indignation : l'échographe est arrivé il y a seulement quelques mois et ils n'ont toujours pas de laboratoire capable de faire un bilan thyroïdien, dans ce dispensaire recyclé pour la surveillance des populations irradiées, qui a vu défiler six mille personnes depuis l'accident !
On nous présente ensuite cinq autres petites filles évacuées d'endroits contaminés entre 15 et 100 curies/km2, présentant des augmentations de volume de la thyroïde, dont Oxana qui vivait près de Gomel (88 Ci/km2) et qui a vu sa thyroïde grossir en 1989 seulement. Tout n'est donc pas fini pour les thyroïdes de ces enfants et les mécanismes d'action des radio-isotopes de l'iode restent flous.
C'est enfin le tour de Vladimir, six ans, qui vivait dans un territoire évacué seulement le 2 mai 1986 (il avait deux ans au moment de l'accident et buvait comme il se doit beaucoup de lait). Aujourd'hui, il présente un important retard de croissance et une thyroïde légèrement augmentée de volume. Vladimir est extrêmement fatigable et ne peut suivre une scolarité normale, bien que ses facultés intellectuelles semblent intactes.
Le Dr Tamara M., pédiatre : « 25 % des enfants de Gomel (Biélorussie) ont reçu plus de 1000 rems à la thyroïde. 80 % des enfants de ce groupe souffrent aujourd'hui de thyroïdite. Au début, la fonction thyroïdienne paraît augmentée puis elle diminue. » Elle suit aujourd'hui deux cas graves d'hypothyroïdie.
« Pas de chiffres antérieurs »
Valentina Drost, pédiatre, a examiné en 1989 près de 1 000 enfants à Koïnikry (Biélorussie), avec ponction-biopsie : thyroïdites avec infiltration lymphocytaire 1,5% des enfants présentaient des adénomes thyroïdiens. Pas de chiffres antérieurs. Même étude, mêmes résultats à Cherikov (140 Ci/km2).
« 25 % des enfants de Gomel (Biélorussie) ont reçu plus de 1000 rems à la thyroïde. »
Nina R., pédiatre à Vietka, près de Gomel (77 Ci/km2 en césium 137 en moyenne) : sur 6 548 enfants de Vietka, chiffres d'hyperplasie de la thyroïde (pas de chiffres antérieurs).
Dimitri L., médecin chef de l'hôpital de Nobozitkov (Russie) : sur 10 000 enfants de moins de 15 ans vivant dans des zones contaminées de 15 à 140 Ci/km2, 40 % ont encore actuellement une hyperplasie de la thyroïde stade 1 ou 2. Pour le stade 3, il a constaté 73 cas en 1986, 61 en 1987, 55 en 1988 et 66 en 1989. Pas de chiffres antérieurs.
PATHOLOGIES INFECTIEUSES
Tatiana, 12 ans, m'est présentée à Kiev par l'Association des enfants de Tchernobyl et par son père : elle était à Tchernobyl au moment de l'accident. Et a donc été évacuée dans les premiers jours vers Kiev. Elle présente, elle aussi, une hyperplasie thyroïdienne, mais en 1988 surviennent des épisodes de toux diurnes et nocturnes à répétition qui ne réagissent pas à l'antibiothérapie. On finit par faire une cuti qui révèle une tuberculose. Elle a suivi depuis plusieurs cures en sanatorium. Les traitements antituberculeux qu'elle suit encore actuellement n'empêchent pas une importante toux et la présence, sur la radio thoracique, de multiples foyers dans les deux champs pulmonaires, mais prédominant à gauche.
Le Dr Valentina, à Gomel, nous dit constater une augmentation des tuberculoses chez les adultes, mais, semble-t-il, pas chez les enfants.
Tuberculose et radioéléments ostéotropes
La Croix-Rouge internationale constate, pour sa part, une augmentation du taux général de tuberculose dans le monde. On a cru bon d'attribuer cette augmentation à la réticence des médecins à prescrire des radios ou à celle des malades à en recevoir. Outre le fait que nous avons constaté beaucoup de radiographies récentes au cours de nos voyages, une référence paraît ici importante : la récente étude de Rosalie Bertell (directrice d'un institut international de santé publique à Toronto) sur l'exposition interne par des éléments radioactifs ostéotropes et le taux des monocytes.
Dans cette étude, une baisse du taux des monocytes significative est rapportée chez quatre populations soumises à une exposition interne par des éléments radioactifs à des doses relativement faibles. La sévérité de la baisse du taux des monocytes s'y trouve corrélée à la dose reçue, ainsi qu'à la moindre résistance à des infections comme la tuberculose et les méningites !
Multipliées par trois en quatre ans
Dans les populations contaminées (celles
qui l'ont été par Tchernobyl ont, rappelons-le,
du strontium 90 pour au minimum huit ans dans leurs tissus osseux
et du plutonium à vie), selon notre propre enquête,
les monocytes sanguins semblent une lignée sensible (le
plus souvent augmentés, plus rarement diminués).
Mais certains médecins ont alerté une mission Médecins
du monde sur des monocytopénies durables constatées
chez les patients qu'ils suivent dans le cadre de la surveillance
de l'après-Tchernobyl (un effet de stimulation médullaire
initial pourrait-il se transformer en insuffisance à plus
ou moins long terme ou selon la dose reçue ?)
Toujours est-il que l'augmentation des pathologies infectieuses
est sensible, aussi bien ORL que pulmonaires.
Voici quelques chiffres qui, malgré le flou du diagnostic, sont éloquents : sur 6 548 enfants de 15 ans du district de Vietka :
Nous avons eu accès à des chiffres analogues, pour les districts de Gomel, Minsk, Lugina.
LES LEUCÉMIES
Au cours de la surveillance hématologique des travailleurs exposés aux radiations ionisantes, on accorde de l'importance à des critères tels que l'augmentation de volume moyen des globules rouges, la présence de lymphocytes pathologiques bilobés, par exemple, ou de polynucléaires trop segmentés, l'augmentation du nombre des basophiles, l'apparition lente et progressive de cellules peu matures dans le sang ou un déficit de peroxydases ou phosphatases alcalines.
Des médecins impuissants face à la population.
Lignée blanche altérée
Voici quelques résultats tirés
d'une étude faite par une équipe soviétique
sur le sang périphérique de 1200 enfants de Poleskoje,
village contaminé évacué seulement à
l'été 1989. Ces enfants ont donc vécu pendant
plus de trois ans sur un territoire dont la contamination de surface
en césium 137 et 134 était comprise entre 40 et
350 Ci/km2 et en strontium 90 autour de 5 Ci/km2 ;
- augmentation du chiffre absolu des éosinophiles. Altération
de la configuration de leurs noyaux et apparition de noyaux en
forme de bâtonnets ;
- neutrophiles : formes dégénératives
avec anisocytose, pycnose, fragmentation des noyaux. On constate
l'apparition de cellules avec un noyau hyposegmenté. Chez
20 % de ces enfants, ces noyaux hyposegmentés prévalaient,
mais ils existaient en petite quantité chez tous les enfants.
On note une poussée des neutrophiles vers la gauche (courbe
d'Arneth) ;
- apparition de myélocytes isolés ;
- lymphocytes : cellules avec une forme de noyaux picnotiques,
avec un cytoplasme altéré (forme dégénérative
de lymphocytes) ; on n'a pas noté de lymphopénie ;
- monocytes : leur quantité est augmentée et
parmi eux on a trouvé des cellules avec un noyau «
clairsemé » et cytoplasme vacuolisé ;
- thrombocytes : en amas, jusqu'à 40 à 150
amas dans chaque champ de vision ; parmi eux, formes dégénératives
géantes avec vacuolisations marquées ;
- dans les frottis d'une série d'enfants, on a noté
des cellules mononucléées que nous avions déjà
rencontrées chez les « décontaminateurs ».
Parallèlement à ces changements, nous avons noté l'apparition de signes de rupture dans la différenciation des leucocytes. Les noyaux des leucocytes ont des contours droits, réguliers, avec une petite courbure médiane. A partir de ces formes, on observe une tendance à l'apparition de noyaux en forme de « pince-nez ».
On ne rencontre pas ou presque de noyaux à trois segments.
A côté des neutrophiles à noyaux en forme de bâtonnets et à noyaux segmentés, existent des formes de noyaux rondes avec une chromatine picnotique. Des modifications analogues ont été observées dans les noyaux des éosinophiles.
Au niveau de l'action des enzymes sur les leucocytes, l'activité des peroxydases et des phosphatases alcalines et acides est différente selon les cellules. « Les faits en notre possession donnent à penser que les altérations constatées sont liées à une irradiation chronique et prolongée « (Evérokova et coll.).
Présence de radionucléides dans le sang
Cette étude est accompagnée du compte rendu d'« autoradiographies » des prélèvements montrant la présence de radionucléides dans le sang circulant. Sans aller trop loin dans l'estimation de la valeur d'une telle étude, nous pouvons y constater les signes d'une intoxication médullaire avec réaction compensatrice à une probable atteinte des cellules souches.
Cependant, même si des signes évidents et inquiétants de dysmyélopoïèse existent, l'appréciation du risque de dégénérescence leucémique encouru par ces enfants ne peut être quantifiable actuellement. Rappelons simplement que des centaines de milliers d'enfants sont actuellement soumis à ce risque par les retombées de Tchernobyl et que, bien évidemment, aucun traitement préventif ne peut être envisagé.
Certains pédiatres parlent de 50 % d'augmentation du nombre des leucémies aiguës chez les enfants. Le Dr Nina Razuvaeva, pédiatre à Vietko, nous donne ses chiffres personnels : elle travaille depuis quatorze ans à Vietko (environ trois cents naissances par an). Avant Tchernobyl, elle a constaté une seule leucémie et aucun lymphosarcome sur les 10 000 enfants du rayon. Depuis Tchernobyl : trois cas de leucémie, un cas de lymphosarcome (rappelons que l'incidence des leucémies est de 6 à 7 pour 10 000 aux Etats-Unis, de 0 à 15 ans).
Nicolaï, Lisa et Anne
Pour Vietko, l'incidence était auparavant d'environ 1/100 000, ce qui était faible. Si nous considérons l'échantillon comme représentatif, nous avons maintenant à Vietko une incidence de 14,6/100 000. Voici quelques cas qui nous ont été présentés :
- Nicolaï, 10 ans et demi, vivait à
Lugina au moment de l'accident (à Kiev maintenant) :
LAL (leucémie aiguë lymphoblastique) ;
- Lisa, 18 ans, à Vichiovi au moment de l'accident, à
Kiev maintenant : LAL ;
- Anne, 13 ans, à Tchernobyl au moment de l'accident, à
Kiev maintenant lymphogranulomatose.
On nous a présenté ainsi une douzaine d'enfants
leucémiques, évacués après l'accident,
vers Kiev.
Beaucoup en France ne veulent pas entendre parler d'augmentation
si précoce des leucémies.
« On les attend beaucoup plus tard si l'on se réfère
à Hiroshima et Nagasaki où elles ne sont survenues
que six ans après l'explosion des bombes avec une acmé
de la courbe au milieu des années 50. »
Nous sommes honnêtement en droit de penser que cette référence quasi unique pour les leucémies radio-induites à grande échelle est, rapportée à Tchernobyl, obsolète ; d'une part, les conditions de contamination ne sont pas les mêmes, d'autre part, beaucoup de cas de leucémie ont pu échapper à l'étude qui n'a commencé que six ans après l'explosion des bombes.
Si nous sommes honnêtes, nous nous voyons forcés par Tchernobyl à remettre en question certaines observations scientifiques trop souvent présentées comme des dogmes incontournables.
Tout ne serait pas dit sans un aperçu des problèmes de dosimétrie, qu'ils soient physiques ou biologiques, de contamination de surface ou d'estimation de doses reçues, car il s'agit pour les populations concernées d'un problème capital de reconnaissance du préjudice subi et des revendications sociales qui en découlent d'une part, de l'acceptation ou non des mesures officielles, d'autre part.
Nous avons vu qu'un dispensaire comme Rovko était contraint à traiter des « hyperthyroïdies » sans dosage de TSH... Le dispensaire de Vietko lui est plus chanceux : une équipe de Moscou vient y faire régulièrement des prélèvements sanguins aux enfants : analyses endocriniennes et mesures des aberrations chromosomiques. Ces analyses sont faites à l'Institut de biophysique de Moscou dirigé par le Pr Iline. On leur renvoie les résultats...
Pour la contamination de surface, les taux de césium, relativement simples à mesurer, sont connus de tous. Mais, selon M. Livkovitch, physicien nucléaire biélorusse, « on ne parle que du césium 137, mais il y a aussi tous les éléments à vie courte, qui ont maintenant terminé leur existence, ainsi que les particules "chaudes", les gaz rares... dont personne ne parle. Le problème de la mesure de la dose n'est ni posé, ni décidé. Le laboratoire qui est seul apte à mesurer le plutonium est à Cheliabinsk (accident de Kychtym). Ils sont venus faire des prélèvements ici et sont repartis. Ils n'ont jamais renvoyé les résultats. » M. Livkovitch fait partie d'un groupe de scientifiques biélorusses qui réclame depuis plusieurs mois la publication par le Pr Iline de son modèle de calcul des doses engagées, qui jusqu'à maintenant est resté secret (voir Le Généraliste n° 1163 du 13 avril 1990).
Les os fixent le strontium...
Ainsi, la norme des 35 rems de dose engagée sur soixante-dix ans, qui fait référence dans le problème des évacuations, repose sur une estimation dont le protocole ne peut être critiqué par d'autres scientifiques. Selon ce même groupe de l'Académie des sciences biélorusse, « le modèle d'Iline ne prend pas en compte le strontium : il pense qu'on peut le négliger ». On a pourtant récemment interdit dans les cantines scolaires les soupes à base d'os de viande pour des raisons diététiques : prévention de l'hypercholestérolémie ! Mais tout le monde sait là-bas, depuis Tchernobyl, que les os fixent le strontium...
La dosimétrie biologique faite sous forme de comptage des aberrations chromosomiques (type dicentrique) sur les lymphocytes circulants a permis aux « privilégiés » qui y ont eu accès d'avoir une idée de la dose reçue. Ce sont le plus souvent des employés aux travaux de décontamination, les « liquidateurs » qui étaient officiellement écartés des zones à risque après avoir reçu 25 rems, et qui ont subi cet examen après avoir présenté des troubles graves : Vladimir, neuf jours dans la zone interdite en avril 1986, à Kiev aujourd'hui : environ 300 rems à la dosimétrie biologique ; Sergueï, quatre jours : 320 à 370 rems ; Sacha, de juin à novembre 1986 à Tchernobyl : 70 rems ; Victor, Anatole, à Minsk, actuellement en grève de la faim pour faire reconnaître la liaison entre leur travail à la centrale et leur pathologie apparue trois ans plus tard : environ 100 rems. (Rappelons qu'actuellement, en France, les limites individuelles de dose en irradiation du corps entier sont de 5 rems par an pour les travailleurs et 0,5 rem par an pour la population).
Grève de la faim pour faire reconnaître la liaison entre le travail à la centrale et la pathologie apparue trois ans plus tard.
On voit que pour les pathologies liées au nucléaire, le rôle des scientifiques et des chiffres qu'ils annoncent ont une importance toute particulière.
On imagine à quel point les populations concernées par les retombées du «nuage» ont aiguisé leur jugement à l'égard des scientifiques qui, en quelque sorte, décident de leur sort. Mais nous n'avons jamais ressenti autant qu'en Biélorussie l'importance de cette réaction, vis-à-vis des scientifiques moscovites ou étrangers.
Une certaine mission de l'OMS, venue en juin 1989 donner son point de vue sur la question du seuil à retenir pour les évacuations - MM. Beninson et Waight en faisaient partie ainsi que le Pr Pellerin qui a donné de nombreuses interviews publiques - a laissé des traces...
« Vous n'avez pas d'argent donc pas de possibilité d'évacuation. »
Nous avons eu souvent à montrer patte blanche pour qu'on accepte de nous parler (« Oh, vous, les Français, on vous connaît »). On sait que dans un contexte conflictuel où s'affrontaient les avocats de l'application stricte des recommandations de la CIPR (7 rems au maximum en soixante-dix ans) et les promoteurs de l'utilisation normative du maximum exceptionnel de 35 rems en soixante-dix ans, le Pr Pellerin et ses collègues se sont publiquement prononcés pour une valeur deux à trois fois plus élevée.
Dernière évocation, celle de
Nina, née le 30 décembre 1972. Le 26 avril 1986,
elle vivait à Ivankov, ville située à vingt
kilomètres de Tchernobyl, extraordinairement touchée
par la pollution radioactive puisqu'on a pu y estimer la contamination
de surface dans les premières semaines à 3 000
Ci/km2. Elle y est restée jusqu'au 3 mai 1986 (huit jours)
avant d'être évacuée sur Kiev. Son état
de santé a commencé à se dégrader
pendant l'été 1987: fatigue, aménorrhée,
retard de croissance. Elle paraît 13 ou 14 ans, a une thyroïde
augmentée de volume quand je la vois.
Après maintes vicissitudes médicales, elle subit
une laparotomie en janvier 1989 qui révèle un cancer
primitif du foie. L'importante ascite qu'elle présente
lors de l'examen laisse à penser qu'au delà de tout
calcul de probabilité sur la séquence des gènes
atteinte ayant induit le cancer et sur la relation de cause à
effet avec les 3 000 Ci/km2, (contamination totale incluant
les radio-éléments de période courte), Nina
va mourir dans quelques semaines...
Bibliographie
Dossier médical CriiRad (Immeuble
Cime, 471, av. Victor-Hugo, 26000 Valence).
Gazette Nucléaire, n°100 (2, rue François-Villon,
91400 Orsay).