D'après le magazine allemand «
Psychologie Heute », les conséquences de Tchernobyl
en Turquie étaient déjà visibles dans l'ouest
de la Turquie en 1987. Ce fut la zone la plus affectée
par les retombées de l'accident, dans le pays. Un grand
nombre de bébés ont présenté des déformations,
surtout ceux dont la mère en était à son
second mois de grossesse lors de l'accident. On a observé
aussi beaucoup de fausses couches et de naissances anormales.
L'un de endroits mentionnés par le magazine est le village
de Düzce sur la côte ouest de la mer Noire, où
en novembre 1986 une concentration
extrêmement inhabituelle de bébés sont nés
avec le cerveau hors du crâne (10 pour cette seule année-là).
Dans la ville de Trabzon, proche elle aussi de la mer Noire, le
nombre de naissances anormales a quadruplé depuis 1986. Un dossier de presse en date du 13 mars 1992, basé
sur un communiqué de l'agence turque semi-officielle «
Anatolie » dit que maintenant, six ans après Tchernobyl,
la Turquie veut enterrer
14 000 tonnes de thé contaminé dans des «
endroits appropriés ». De
plus, le dossier dit que plus de 44 000 tonnes ont déjà
été enterrées.
On dirait que le gouvernement se sent concerné par la protection
de la population turque, n'est-ce-pas ? Mais jetons un oeil sur
ce qui s'est passé juste après Tchernobyl ainsi
que sur certaines activités du gouvernement actuel. «
Je suis désolé, mais nous ne pouvions protéger
la nation turque », a humblement reconnu récemment
Cahit Aral, l'ancien ministre de l'industrie et du commerce. Après
Tchernobyl, la population turque a hérité d'une
nourriture hautement contaminée. Le gouvernement a délibérément
caché les informations sur les dangers, en particulier
pour les noisettes contaminées et le thé de la région
autour de la Mer Noire. Maintenant, l'ex-ministre et chef du «
comité pour la protection contre la radioactivité
», un organisme créé par le gouvernement après
Tchernobyl, parle librement des jours qui ont suivi la catastrophe.
A ce moment-là, le gouvernement a initié une campagne
de désinformation. Un mois après l'accident, le
ministre de l'industrie désignait les personnes qui parlaient
des dangers de la radioactivité comme des « personnes
impies » (la Turquie est un pays laïc, note de l'ACNM).
« Un peu
de radioactivité est bon pour le corps
» a-t-il dit. Turgut Ozal, ex-Premier
ministre, et aujourd'hui chef de l'Etat, a plaisanté devant
les caméras de télévision, disant que la
radioactivité était bonne pour la virilité.
Ces deux politiciens se sont faits photographier en buvant du
thé hautement contaminé (à ce qu'ils prétendaient,
note de l'ACNM), pour montrer que c'était inoffensif.
Les conséquences de Tchernobyl sont maintenant évidentes en Turquie. Le taux de leucémies est 12 fois plus élevé qu'auparavant (...). Tout a vraiment été tenté pour tromper la population turque. La compagnie d'Etat de thé, distributrice du thé contaminé, a imprimé 1985 comme année de production sur les paquets contenant du thé de 1986. « Dans du thé qui n'aurait pas dû contenir plus de 40/50 becquerels au kilo, nous trouvions 50.000/60.000 bq/kg » admet le chef de l'institut pour la science nucléaire de l'université d'Izmir, Selman Kinaci. C'est 100 fois plus que ce que l'O.M.S. permet. A cause des changements à l'intérieur du système universitaire après le coup d'état militaire de 1980, les scientifiques n'avaient pas le droit de publier des mesures sur la radioactivité, et étaient menacés de sanctions disciplinaires. Mais l'irresponsabilité du gouvernement turc n'a pas affecté que la population du pays. « Nous avons exporté 4/5 tonnes de noisettes avec plus de 10 000 bg/kg en URSS. Je n'en ai aucun regret, après tout ce sont eux les responsables de la contamination » a déclaré l'ex-ministre Aral au journal Milliyet. (...) On fait actuellement des recherches pour savoir si les distributions massives de noisettes de 1989/90 dans les écoles et chez les conscrits sont une conséquence de l'incapacité du gouvernement à vendre ces noisettes à l'étranger, à cause de la contamination. Et on apprend de plus en plus sur le scandale (...). Le gouvernement utilise Tchernobyl contre le parti de la mère patrie, alors au pouvoir. (...) Et quelles leçons le gouvernement actuel a-t-il tirées de tout cela, en dehors d'utiliser l'accident à son avantage politique ? D'après l'agence de presse "Anatolie", la Turquie, actuellement sans centrale, prévoit la première pour 2002. Yalcin Sanalan, président de l'association turque de l'énergie atomique l'a annoncé dans un interview. Il a dit aussi : « il est important d'éliminer les peurs psychologiques qu'a causées Tchernobyl en Turquie ».
Propos rapportés par Vladimir Tchernoussenko,
dans son livre Insight from the Inside, Springer Verlag 1991.
Traduction de l'anglais par l'ACNM (Association Contre le Nucléaire
et son Monde).