vendredi 1er octobre 1999 Japon : l'angoisse du nucléaire 49 personnes contaminées après une erreur de manipulation d'uranium dans un laboratoire privé. C'est le plus grave des sept incidents qu'a connus le Japon depuis 1995.Les autorités ont réagi avec retard. par Brice Pedroletti L'accident nucléaire survenu jeudi 30 septembre au matin dans une installation nucléaire privée de Tokaimura dans la préfecture d'Ibaraki, à quelques 130 km au nord de Tokyo, a poussé les autorités à évacuer la population aux alentours. Quarante neuf personnes étaient hospitalisées vendredi matin dont sept ouvriers travaillant sur un terrain de golfe jouxtant l'installation, trois pompiers et plusieurs résidents. En outre, sur les trente neuf employés de l'installation nucléaire qui ont été exposés aux radiations, trois sont dans un état critique. Après l'évacuation jeudi de 150 personnes vivant à moins de 350 mètres du site de l'accident, où les radiations ont atteint un niveau 4 000 fois supérieur à la normale, les autorités ont demandé aux 34 000 personnes des aglomérations environnantes de rester chez eux , de laver les habits exposés à la pluie et de cesser la récolte et la livraison des produits agricoles locaux. Ces ordres se sont étendus aux 310 000 personnes se trouvant dans un rayon de 10 km de l'installation après qu'un second accident de « criticité » semble être intervenu dans la soirée de jeudi. Ils ont été levés vendredi en milieu de journée, peu après l'annonce du chef de l'agence de sûreté nucléaire, Kazuo Sato, que «pour l'instant, la réaction en chaîne est terminée» et que le niveau de radiation était revenu à la normale. Les écoles de la zone demeurent fermées et plusieurs grandes entreprises de la région ont demandé à leurs employés de ne pas venir au travail tandis que des policiers vêtus d'équippement de protection continuent de bloquer l'accès des rues menant au centre de la ville. C'est une erreur de manipulation qui est à l'origine de l'accident lors du procédé de conversion d'uranimum enrichi en oxyde d'uranium pratiqué dans une station expérimentale de la JCO, une société privée filiale de Sumitomo Metal Mining : un employé aurait introduit huit fois la quantité d'uranium requise dans le bassin d'acide nitrique, ce qui a porté l'uranium à la masse critique en enclenché la réaction nucléaire. Si les incidents de « criticité » sont relativement fréquents, la station expérimentale dans laquelle a eu lieu l'accident, dévolue à des activités de recherche, non seulement n'est pas construite comme une centrale (son but n'est pas de provoquer une réaction nucléaire), mais fonctionne avec des normes de sécurité beaucoup moins rigoureuses, a admis à Tokyo un porte-parole de la JCO. L'usine se trouve à proximité d'une zone résidentielle. «Il y a des risques de rayonnement pour les manipulateurs, mais, d'après les informations que l'on a, ça n'a rien à voir avec un accident comme Tchernobyl où il y eu explosion», explique un responsable de la Cogéma à Tokyo. Néanmoins, « cette crise a été très mal gérée parce qu'on pense toujours que les gros accidents arrivent dans les plus grosses centrales nuclaires. Là, c'est un toute petite installation. L'impact de l'accident sera beaucoup plus gros et je pense qu'il fait partie des 10 plus graves mondiaux», prévient Jinzaburo Takagi, un activiste du centre d'information des citoyens sur le nucléaire. L'accident n'est pas pour redorer le blason du nucléaire au Japon : c'est le septième depuis 1995 et ce pourrait être le plus grave qu'ait connu le Japon, devant l'incendie survenu en 1997 dans une usine de retraitement de Tokaimura et qui avait conduit à un scandale suite aux dissimulations de l'organisme public chargé de l'exploitation de la centrale. Cette fois, le gouvernement japonais a essayé d'être à la hauteur : le premier ministre Keizo Obuchi a ajourné le remaniement ministériel qu'il devait annoncer et mis en place jeudi soir une équipe spéciale pour surveiller l'évolution de la situation. En vain: les critiques n'ont pas manqué de fuser contre les retards (l'accident a eu lieu à 10 h 35 et les premières recommandations à l'intention des habitants du village de Mito, le plus proche de l'accident, n'ont été faites que deux heures après) et le manque initial d'information, attribué d'abord au fait que l'installation était privée. Vendredi matin, Hiromu Nonaka, le chef de Cabinet d'Obuchi, a dû admettre que le gouvernement avait mis trop de temps à estimer la gravité de l'accident. Les répercussions de la crise sont loin d'être terminées : la population de la région de Tokaimura, où sont localisées plusieurs dizaines d'installations nucléaires, mais aussi celle de Tokyo, relativement proche, et de la région de Fukui, l'autre grande région du nucléaire japonais, ont de quoi être inquiètes. Les associations locales contre les usines nucléaires vont être renforcées tandis que le gouvernement de coalition de Keizo Obuchi, en pleines manoeuvres stratégiques, pourrait se retrouver très affaibli.
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