En novembre dernier on apprenait qu'AREVA allait
lancer une nouvelle usine d'enrichissement d'uranium. Cette usine
utilisera la technologie de l'ultracentrifugation pour remplacer
la vieille usine Eurodif de Pierrelatte basée sur la technologie
de la diffusion gazeuse. L'argumentation d'AREVA est intéressante
: l'ultracentrifugation pour enrichir l'uranium est beaucoup moins
gourmande en énergie.
Ainsi ce projet d'AREVA s'intègre bien dans la perspective
d'économies d'énergie électrique développée
par les " négawattistes " dans la mesure bien
sûr où l'on n'exige pas la sortie rapide du nucléaire
ce qui justifie que l'enrichissement de l'uranium est une nécessité
pour le fonctionnement pendant quelques décennies de notre
parc nucléaire !
La décision d'AREVA montre bien le souci des nucléocrates
de participer aux campagnes d'économies d'énergie
électrique des écolo/antinuc. Cette décision
d'AREVA devrait réduire notablement l'autoconsommation
d'énergie de la production électronucléaire.
Dans une perspective de sortie à long terme du nucléaire
(durée de vie des réacteurs de 30 ans, 40 ans voire
davantage) il est raisonnable de préconiser une économie
d'énergie de l'autoconsommation nucléaire.
Cette décision n'a pas bouleversé les écolo/antinuc.
Pourquoi ne se sont-ils pas réjouis de cette décision
qui s'intègre parfaitement dans la stratégie d'une
sortie différée à long terme du nucléaire
?
Dans Le Monde du 24 mars 2004 on trouve
un article d'Arnaud Zajtman, envoyé spécial en République
démocratique du Congo (RDC) intitulé " RDC
: extraction sauvage dans une mine d'uranium ".
Cet envoyé, sélectionné comme" spécial
" par le journal considéré comme une référence
au niveau de l'information [1] indique : " L'uranium,
à la sortie de la mine, n'est pas radioactif "
[c'est moi qui souligne]. Voilà qui est bien étrange.
S'il lui faut préciser que c'est en sortie de mine que
l'uranium n'est pas radioactif pense-t-il que l'uranium devienne
radioactif plus tard ? Est-ce la mise à l'air libre qui
le rendrait radioactif ? Pour le moins curieuse cette façon
de considérer la radioactivité. Comment est-il possible
qu'un journal dit d'information puisse payer un tel incompétent
?
De plus cet envoyé très spécial écrit,
au début de son article, que " () l'activité
des ingénieurs belges qui, en 1945, ont extrait ici les
1500 tonnes d'uranium achetées par les Etats-Unis pour
fabriquer les bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki ".
Cet " informateur " semble trouver normal que les Américains
aient pu traiter 1500 tonnes d'uranium en 1945 (quand, en janvier
? plus tard ? ) pour fabriquer une bombe qui a explosé
en juillet et deux bombes qui ont explosé en août.
Il ne sait peut-être pas que les destructions d'Hiroshima
et Nagasaki ont eu lieu les 6 et 9 août 1945. Il ne sait
peut-être pas non plus qu'il faut un certain temps pour
passer de l'uranium des mines à l'uranium bombe et au plutonium
bombe.
Remarquons que le journaliste que Le Monde a envoyé
" spécialement " au Congo précise que
ces 1500 tonnes d'uranium ont été extraites des
mines par des " ingénieurs belges ", ce
qui reflète une conception assez curieuse du colonialisme.
On sait que l'uranium des mines d'Arlit au Niger (COGEMA propriétaire
majoritaire), n'est pas extrait par des " ingénieurs
français ". Les Belges auraient-ils eu en 1945 une
conception particulièrement humaniste de l'exploitation
coloniale ?
N'y a-t-il personne au Monde pour demander des rectificatifs
? Pour intervenir et dire que cet envoyé spécial
est d'une nullité flagrante ? Mais peut-être que
la compétence n'est pas la qualité essentielle requise
par ce journal qui n'hésite pas à virer du jour
au lendemain des journalistes dont la " souplesse "
vis-à-vis des dirigeants du journal laisse à désirer.
Assez étrangement, en parlant de la mine d'uranium de Shinkolobwe
du Congo, abandonnée depuis longtemps, le journaliste dit
: " la mine aurait pu devenir un lieu de recueillement
". Ce recueillement, est-ce pour les mineurs congolais
qui ont travaillé dans la mine et qui sont morts ou qui
vont mourir de cancer ? Probablement pas car cet " envoyé
spécial " payé par Le Monde ne semble
pas être sensibilisé aux problèmes de la radioactivité.
[1]. Revenons aux sources : d'après
le Petit Robert informer vient du latin " informare
façonner, former ". Ainsi un " informateur
" est un individu chargé de " former ses lecteurs
".
Il serait plus pertinent de dire " formater ", c'est
à dire mettre les lecteurs dans une situation compatible
avec les règles sociales de l'idéologie dominante.
Le Monde, journal à formater ses lecteursIl est
plus facile pour ce journal d'utiliser et de payer des journalistes
totalement incompétents que d'être attentif aux écrits
de journalistes compétents qu'il faut, soit censurer (s'ils
veulent continuer à " collaborer ") soit virer.
R. B.
Dans le Parisien du 30 mars 1995 on
trouve une interview de André-Claude Lacoste (il était
alors le directeur de la Direction de la sûreté des
installations nucléaires. Depuis ses responsabilités
en matière de nucléaire ont augmenté et il
est le plus haut point de la pyramide).
A la question " Pour ne pas être mal classé,
un chef de centrale peut avoir tendance à masquer des incidents.
Quels moyens avez-vous pour contrôler sa sincérité
? ", il répond : " Notre inspection sur
le site est lourde. () Mais il est fondamental de tout
savoir. Nous sommes prêts à recueillir tous les renseignements
que le personnel peut nous donner sur le fonctionnement ou le
dysfonctionnement d'une centrale. Je lui garantis l'anonymat
" [souligné par nous].
Mais il ne garantit pas sa protection en cas de répression
des chefs hiérarchiques...
Dans Le Monde du 3 mars 2004 on trouve
une intervention de Jacques Bouchard, directeur de l'énergie
nucléaire au CEA, sous la plume de Jean-François
Augereau. Jacques Bouchard aborde le nucléaire sur le plan
historique " Les objectifs du général de
Gaulle étaient clairs :maîtriser l'énergie
nucléaire " et J. F. Augereau de compléter
" militaire comme civile. La première a donné
la force de dissuasion. La seconde les 58 centrales nucléaires
d'EDF, fruits d'un outil industriel et d'une recherche forts"
() ".
Première remarque : le journaliste scientifique
J. F. Augereau fait aussi fort que Roselyne Bachelot ! Nous n'avons
pas 58 centrales nucléaires mais 58 réacteurs nucléaires
PWR (avec en plus le petit surgénérateur Phénix).
Monsieur Augereau ne semble pas savoir que dans une centrale nucléaire
il y a plusieurs réacteurs et pourtant il est certainement
bien payé pour les quelques articles, tous pronucléaires,
qu'il donne au Monde depuis des années.
Deuxième remarque : sur les 58 réacteurs
nucléaires " fruits d'un outil industriel et d'une
recherche forts ", seuls les 4 derniers sont vraiment français,
ceux de Chooz et de Civaux. Nos 54 autres réacteurs sont
des réalisations sous licence américaine Westinghouse.
Le CEA voulait imposer à EDF les réacteurs graphite-gaz
qu'il avait développés pour fabriquer les bombes
atomiques mais qui étaient moins bons en rendement que
les PWR américains, des réacteurs à eau légère.
Quand, en 1974, EDF a voulu se nucléariser à outrance
elle a choisi Westinghouse et envoyé paître le CEA.
Cela a fait des remous. Travailleurs CEA en grève et manifestations
pour défendre les graphite-gaz français contre Westinghouse.
Les habitants de Palaiseau ont pu entendre " Du graphite
et du gaz pour tout le monde " scandés par les manifestants.
C'était dans les années 70 et c'était prémonitoire
: ce mot d'ordre s'est matérialisé en 1986 avec
Tchernobyl...
Dans Le Monde du 22/23 février
2004 on trouve une analyse concernant la représentation
des Verts au Parlement européen.
Aux dernières élections européennes les Verts
français obtenaient 9,72% des suffrages. Le Danemark, glorifié
pour le développement de ses éoliennes et de sa
non nucléarisation est coté à 0%.
L'Allemagne, dont on vante le développement éolien
et sa décision de sortie en 2030 est à 6,4%.
En somme il semble qu'il y ait une corrélation entre la
représentation électorale des Verts et le développement
du nucléaire
Autre remarque, la Finlande est le pays où les Verts font
le maximum aux élections européennes avec 13,4%.
C'est le pays européen qui vient de décider une
recharge de son parc nucléaire en commandant à la
France un EPR.
Curieuse coïncidence ! N'est-ce qu'une coïncidence fortuite
comme on dit dans le langage statistique ?
Comment bien gérer une catastrophe nucléaire
? Gabriel Cohn-Bendit, dans Libération du 6 janvier
2000, propose une solution sous le titre " Vacances vertes
".
" Pourquoi ne pas imaginer un service civil, garçons
et filles, géré par le ministère de l'environnement,
où l'on formerait les jeunes à intervenir dans des
situations telles que tremblements de terre, inondations, feux
de forêts, accident nucléaire "
[souligné par nous].
Les autorités officielles, elles, préfèrent
que la responsabilité des interventions après un
désastre nucléaire soit confiée aux militaires
!
Une autre vision concernant les intervenants après un désastre
nucléaire nous est donnée dans Libération
du 16 janvier 2000 (quelques jours après les suggestions
de GCB) par Claude Alphandéry (président du comité
national d'insertion) sous le titre " D'un mal faire naître
un bien, réparer, prévenir les désastres,
c'est aussi créer des emplois pour les exclus ".
Ainsi, il précise : " En étant rapidement
présentes sur tous les fronts dévastés, les
structures d'insertion tirent également de leur capacité
de mobiliser, d'organiser, de qualifier une main d'uvre qui se
situe dans la précarité, dans la fragilité,
aux franges de l'emploi ".
Il poursuit : " Les effets favorables de la reprise économique
n'entament que faiblement le chômage structurel et laissent
en marge les demandeurs d'emploi les plus démunis Dans
l'un et l'autre cas, celui de la reprise générale
et celui d'accidents catastrophiques, il est de plus en plus clair
et admis que l'avenir économique ne repose pas seulement
sur la haute technologie et l'hyperproductivité mais également
sur la prise en charge dans une économie solidaire, et
sur l'insertion de ceux que les exigences de compétitivité
excluent du marché du travail ".
En somme les catastrophes sont une nécessité pour
l'insertion sociale des exclus du travail. Dans ce cadre la catastrophe
nucléaire est bien évidemment la plus efficace.
Pour limiter les conséquences du désastre des centaines
de milliers de liquidateurs (Libération les appelle
des " réparateurs " !) vont se relayer, ils sont
immédiatement nécessaires sur le réacteur
en détresse, mais aussi dans les villages, sur les terres
contaminées etc. Ils ne font pas de vieux os, ce qui est
bénéfique pour l'économie, car ils sont atteints
de " vieillissement prématuré ", cancers
et autres maladies parfois inconnues