Il y a en ce moment une orchestration avec
montée en force pour blanchir définitivement le
Professeur Pellerin pour sa " gestion " post-Tchernobyl
en 1986 et ce qui se passe est très grave pour la liberté
d'expression et la démocratie. On a l'impression d'un tournant
et les protestations ne sont pas à la hauteur des enjeux.
D'après le Pr. Galle (1) P. Pellerin, directeur du SCPRI
(service central de protection contre les rayonnements ionisants),
a donné toutes les informations en temps réel sur
la contamination en France dès qu'a été connue
le 28 avril 1986 l'explosion du réacteur de Tchernobyl
et il n'y avait aucune raison en France de prendre quelque contre-mesure
que ce soit, ce qui blanchit du même coup toutes les autorités
officielles françaises.
De son côté le Pr. Aurengo (2) renforce ses attaques
contre l'IRSN (Institut de radioprotection et sûreté
nucléaire) pour sa carte de contamination de la France
publiée l'an dernier et devenue cohérente avec celle
publiée par la CRIIRAD. Toutes deux sont très différentes
de celles publiées en 1986 par le SCPRI du Pr. Pellerin.
Crime de lèse-majesté ! Rappelons que cette nouvelle
carte IRSN a été révélée l'an
dernier lors d'une conférence de presse de l'IRSN et qu'André-Claude
Lacoste, le directeur de la DGSNR (direction générale
de la sûreté nucléaire et de la radioprotection),
aurait souhaité empêcher la tenue de la conférence.
On l'a appris par un article du Figaro du 10 juin 2003
titrant " Nucléaire : la transparence muselée
". L'article de Fabrice Nodé-Langlois et Yves
Miserey faisait état de pressions et censures exercées
sur les scientifiques partisans de la transparence au sein de
l'IRSN, pas seulement dans le domaine de la radioprotection mais
également dans celui de la sécurité des réacteurs
(3).
C'est dans ce contexte qu'on apprend que, pour la première
fois depuis 18 ans, l'IRSN ne fournira pas de dossier Tchernobyl.
Il y a tout lieu de supposer que le Pr Aurengo, le Pr Galle et
leurs amis supporters de P. Pellerin pèsent plus lourd
que les scientifiques désireux de transparence de l'IRSN
et qu'André-Claude Lacoste a sacrifié les tenants
de la transparence.
Pourquoi il est "nécessaire" de blanchir le Pr. Pellerin
- Il y a, bien évidemment, le procès en cours des malades de la thyroïde et de la CRIIRAD. Reconnaître la carte de l'IRSN c'est reconnaître la validité de celle de la CRIIRAD et de ses actions face aux carences de l'état français.
- Mais il y a un autre point et sur lequel
on fait silence : le laboratoire du SCPRI était le centre
international de référence de l'OMS et c'est en
tant que responsables de l'OMS que Pellerin, en même
temps que l'argentin Beninson et le canadien Waight, ont été
envoyés en juin 1989 en Ukraine et en Biélorussie
pour soutenir les autorités de radioprotection soviétiques
et contrer les scientifiques ukrainiens et biélorusses
qui réclamaient une meilleure radioprotection de la population
ce qui aurait impliqué un programme d'évacuation
à effectuer dès fin 89 et les années suivantes
bien plus important que celui prévu par les autorités
soviétiques. Ainsi lorsque Pellerin est attaqué
pour sa " gestion " en France en 1986 on attaque en
même temps l'expert de l'OMS, ces experts qui sont intervenus
à Minsk et à Kiev en dénigrant les scientifiques
biélorusses et ukrainiens, en soutenant les décisions
des experts de Moscou, en disant que si on leur avait demandé
leur avis ils auraient préconisé des normes
2 à 3 fois plus élevées.
Rappelons qu'à l'automne 1988 les responsables soviétiques
introduisent le concept de dose-vie, dose qui serait engagée
par un individu vivant 70 ans dans un endroit contaminé.
Cette dose-vie ne devait pas dépasser 35 rem soit 350 millisievert
(5 mSv par an). Il était tenu compte des doses reçues
auparavant. Si dans une zone la dose-vie était inférieure
à 35 rem, la vie redevenait normale (on arrêtait
l'arrivage de nourriture " propre "). Si elle était
supérieure à 35 rem les habitants devaient être
évacués (" relogés " en zone "
propre "). Ce concept devait devenir une loi au 1er janvier
1990, ce qui n'a pas eu lieu.
Préconiser 3 fois 350 mSv sur 70 ans soit 15 mSv/an
(en contradiction flagrante avec la législation française
de l'époque et la limite admissible de 0,5 mSv/an) cela
représente une dose-vie de 1 Sievert. C'est précisément
ce que recommandent désormais les experts internationaux
en radioprotection, voire davantage selon la situation, pour le
prochain accident nucléaire !
En appliquant les mesures préconisées par les
scientifiques ukrainiens et biélorusses (1mSv/an) les évacuations
tardives auraient concerné 1 million de personnes dont
des habitants de villes importantes (4).
Défendre Pellerin et sa gestion post-Tchernobyl en France en 1986 c'est aussi crédibiliser son action 3 ans plus tard en Ukraine et en Biélorussie et effacer sa responsabilité dans la dégradation sanitaire de la population des zones contaminées en ex-URSS et celle de tous ceux qui ont empêché les évacuations tardives des années 90.
B. Belbéoch
1- P.Galle et al., " Données métrologiques
et évaluation des risques en France lors de l'accident
de Tchernobyl (26 avril 1986). Mise au point historique ".
C. R. Biologies 326 (2003).
http://www.sciencedirect.com
Rappelons que le même Pr. Galle avait insisté pour
que le GSIEN fasse une intervention lors du colloque de Créteil
organisé par la Société française
de radioprotection et la société de biophysique
le 15 mai 1987 (Gazette Nucléaire 78/79 juin 1987).
Il a été demandée publiquement, au nom du
GSIEN, la démission du Professeur Pellerin pour incompétence
et qu'une commission d'enquête établisse les responsabilités
à tous les niveaux. Voir aussi Gazette Nucléaire
207/208 juillet 2003
2- André Aurengo Calculs et modèles à l'épreuve
des faits. L'exemple de Tchernobyl.
www.industrie.gouv.fr/energie/nucleaire/se_nuc_a3.htm
3- " Les retombées sur la liberté d'expression
des scientifiques, de la publication de la carte de contamination
de la France en 1986 " , Lettre d'information du
Comité Stop Nogent-sur-Seine n°98, mai-juillet
2003
4- Gazette Nucléaire 100, mars 1990 " Gestion
post-Tchernobyl en URSS " (De nouvelles évacuations
s'imposent), Gazette Nucléaire 109/110 juin
1991.