Méfions-nous des champignons

Nous avons indiqué dans deux bulletins précédents, Lettre d'information 98 (mai-juillet 2003) et 99/100 (août-déc. 2003) les recommandations faites en 2003 par la Commission des communautés européennes "concernant la protection et l'information de la population eu égard à l'exposition résultant de la contamination persistante de certaines denrées alimentaires sauvages par du césium radioactif à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl".
Le titre des articles était "Du rififi à la Commission des communautés européennes ? " Le second titre étant complété par : " ou comment donner l'illusion de faire progresser protection et information de la population en faisant un pas en avant suivi d'un pas en arrière". Ils sont toujours d'actualité.

Rappelons que les états membres de la CE sont soumis au règlement post-Tchernobyl relatif aux conditions d'importation de produits agricoles originaires de pays tiers, valable aussi pour le commerce national et intracommunautaire, concernant la contamination par le césium 134 et 137. En vigueur depuis fin mai 1986 et réitérée depuis, la radioactivité maximale cumulée en Cs 134 et 137 ne doit pas dépasser 370 Bq/kg pour les produits laitiers et 600 Bq/kg pour les autres denrées .
Bien que la contamination des sols -et corrélativement celle des productions- ait baissé tant par la désintégration du Cs 134 (période 2 ans) que par migration dans le sol, il n'y a pas eu d'action des consommateurs ni du Bureau européen des consommateurs pour que cette norme post-Tchernobyl soit revue à la baisse au cours du temps, pour que la " normalité " redevienne proche de celle d'avant Tchernobyl. Actuellement les denrées courantes (lait, céréales, viande) sont peu contaminées, se rapprochant de la situation pré-Tchernobyl.
Cependant ce n'est pas toujours le cas des denrées sauvages, en particulier de certains champignons, à cause de la contamination persistante en césium 137 de milieux forestiers ayant été très contaminés par les césiums radioactifs en 1986. Le Cs-137 reste piégé dans la couche superficielle du sol alors que la majorité du Cs-134 a disparu par désintégration.
Parmi les pays exportateurs de champignons figurent des pays de l'Est qui ont été beaucoup plus contaminés que chez nous. Il y a quelques années des monceaux de girolles dans les étals parisiens ont dû disparaître du jour au lendemain. Ces champignons devaient largement dépasser la " norme ".
En 1999 la DGCCRF* a fait des sondages et analysé 379 champignons : 203 avec une contamination inférieure à 10 Bq/kg, 126 avec une contamination de 10 à 100 Bq/kg. Des trompettes de la mort et des pieds de mouton de Bulgarie ont été refoulés. Selon cet organisme " en France il n'y a pas de contamination sauf quelques champignons sauvages sans que le " seuil " soit dépassé ". Leur provenance n'est pas indiquée.
L'IRSN est plus explicite : " (...) Les différences entre les espèces de champignons et les variations locales de la contamination des sols expliquent les écarts observés et les valeurs maximales enregistrées. Ainsi, un bolet à chair jaune qui pousserait sur un sol contenant 10 000 Bq/m2, comme dans certaines forêts des Vosges ou du Jura pourrait présenter une teneur théorique en césium de 5000 Bq/kg frais. A l'inverse, un " mousseron " ou une " armillaire couleur de miel " qui pousserait sur un sol contenant 5000 Bq/kg de césium et pourtant situé à proximité de la forêt précédente, présenterait une contamination de 50 Bq/kg. Et c'est ainsi que l'échantillon de champignon " petit gris " prélevé en 1998 à St Martin-Vésubie (Alpes Maritimes) et mesuré par la CRII-RAD à 3125 Bq/kg frais, est une illustration des valeurs maximales qui peuvent être ponctuellement atteintes ".
Comme il est inutile d'ingérer des becquerels et sachant que certains coins de forêts ­dans les Vosges (et son sanglier radioactif à St Jean d'Ormont), le Jura, la forêt du Boréon dans le bassin du Var, d'autres coins du Mercantour- ont été très contaminés il est prudent de connaître la provenance des champignons, il faut se méfier et ne pas faire des champignons son plat quotidien. Il est encore plus prudent de se méfier des champignons importés d'Europe de l'Est.
Redonnons un extrait de ce qui a été annulé dans la recommandation CE du 20 février 2003 :
" Bien que les implications de la contamination de produits sauvages soient très faibles, le risque sanitaire pour les personnes qui consomment de grandes quantités de ces produits provenant de régions touchées ne peut être négligé et il est dès lors nécessaire de sensibiliser la population à ces dangers ".
B.Belbéoch

Contaminations radioactives : atlas France et Europe, CRIIRAD et André Paris, Ed. Yves Michel.
* DGCCRF, direction générale de la consommation et de la répression des fraudes
- Quelques informations officielles de 1986 à 1997-98 sur le site IRSN
www.irsn.fr/vf/05_inf/05_inf_1dossiers/05_inf_17_tcherno/05_inf_17_3environ_champ.shtm
- Des informations par département, contacter la CRIIRAD, 471 avenue Victor Hugo, 26000 Valence
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