Par définition les grandeurs mesurables
sont des grandeurs que l'on peut additionner, multiplier. Concernant
le redoutable tsunami qui vient d'endeuiller l'Asie, les journaux
ont publié, sans que cela gêne les scientifiques,
qui, en principe, devraient savoir ce qu'est une grandeur mesurable
: le tsunami a été équivalent à 30
000 Hiroshima.
Le tsunami, environ 300 000 morts. Hiroshima, 30 000 fois moins,
aurait donc causé 10 morts ! C'est stupide mais certainement
pas innocent. Banaliser les désastres à cause humaine
par rapport aux désastres naturels cela ne peut que rassurer
les populations vis-à-vis des décisions prises par
leurs représentants, les scientifiques et autres et dont
elles doivent subir les conséquences.
Ce que l'on peut déduire de ce désastre naturel
c'est qu'il a été produit par la mise en oeuvre
d'une énergie 30 000 fois plus forte pour produire
un désastre analogue à celui que des scientifiques,
des politiques ont réussi à réaliser à
Hiroshima.
Quand l'INSERM (Institut national de la santé
et de la recherche médicale) annonce qu'en France l'amiante
produira 100 000 morts d'ici 2025 et 500 000 pour l'Europe (1)
cela n'apparaît pas comme une catastrophe. Les ONG ne sont
pas mobilisées, les morts seront facilement trouvés
dans les hôpitaux.
Le tsunami a finalement eu, non seulement des effets objectifs
: des morts et des blessés, des villages et des moyens
d'existence détruits, mais aussi des effets subjectifs,
idéologiques : minimiser les catastrophes d'origine humaine
que ce soit Hiroshima, Tchernobyl ou celles qui se préparent.
Prendre comme référence de catastrophe un phénomène
naturel pour lequel il est absurde de chercher des responsables,
c'est, en ce qui concerne les désastres d'origine humaine
les banaliser et surtout éviter d'en chercher les responsables
qui, eux, existent et que la justice protège.
Dans l'évaluation des conséquences
d'un désastre, les effets des désastres d'origine
humaine sont bien plus importants que ceux des désastres
naturels alors que la mise en oeuvre énergétique
est plus faible. L'homme moderne avec sa science, ses scientifiques
et ses politiques est bien plus efficace que la nature. On voit
là ce que signifie pour nos gestionnaires le concept de
progrès : dépasser les actes naturels (" acts
of god ") dans leur efficacité. Mais cela ne semble
pas poser de problèmes pour les juristes, les médias.
Le progrès, finalement, n'aurait pour but que de dépasser
la nature dans l'efficacité des désastres. On est
loin du monde des Lumières et ses prédictions optimistes.
Roger Belbéoch, 15 janvier
2005.
Note:
(1) Les chiffres publiés par l'INSERM sont certainement très sous-évalués car en même temps on apprend officiellement que les autorités médicales ne connaissent pas la totalité des installations contaminées par l'amiante. Elles ne connaissent que celles que les exploitants ont bien voulu déclarer !