" Le bilan du voyage effectué par
un groupe d'experts de l'OMS a été dressé
dans un rapport. Ce dernier est signé par MM. Beninson,
Président de la Commission Internationale de Protection
radiologique (CIPR NdT), P. Pellerin Directeur du Service Central
de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI, NdT) rattaché
au ministère de la Santé français, P. Waight,
Directeur du Groupe de Radioprotection du Secrétariat de
l'OMS.
Dans ce document sont évoqués en particulier les
faits suivants :
A la demande du gouvernement soviétique, l'OMS a envoyé
un groupe d'experts chargé d'examiner la possibilité
d'une éventuelle adaptation des normes de protection contre
les radiations pour les populations qui vivent toujours dans les
districts fortement contaminés à la suite de l'accident
de Tchernobyl.
Le groupe a participé à la session de la Commission
nationale de Radioprotection d'URSS, qui discutait des principes
et des modalités d'application pour les populations de
la norme de 35 rem cumulés sur l'existence. Tant les représentations
des problèmes que les discussions dans les détails
ont été des éléments d'information
d'une importance fondamentale pour l'utilisation des données
physiques, biologiques et médicales, en vue de l'élaboration
des normes. Les propositions de la Commission ont été
approuvées et retenues par les experts de l'OMS.
Le groupe a visité deux régions de Biélorussie
soviétique et a pris part aux délibérations
avec les organismes locaux représentatifs des autorités
médico-sociales et de la population et les représentants
des districts de Tchérikov et de Tchetchersk. A chaque
conférence assistaient plus de 400 personnes. A Minsk le
groupe a participé aux délibérations organisées
par l'Académie des Sciences Médicales de Biélorussie
en présence de plus de 100 spécialistes.
En Ukraine, le groupe a visité le centre de Médecine
Radiologique de l'Académie des Sciences Médicales
d'URSS. Le Professeur Pellerin a visité les localités
situées au centre du district de Naroditchi pour évaluer
la situation locale et il a rencontré le personnel médical
et la population et a donné toute une série de conseils
pratiques, fruits de son expérience.
Sur la base de toutes ces discussions, les experts de l'OMS en
sont venus aux conclusions suivantes au sujet du critère
de dose de 35 rem sur une vie comme norme dans le cas d'une situation
post-accidentelle. Ils ont convenu que cette valeur était
conservative, et ont assuré que le risque pour la santé
sera infime par rapport aux autres risques encourus par l'homme
au cours d'une vie.
La valeur de 35 rem est fondée sur l'estimation internationale
actuelle du risque induit par les radiations ionisantes sur la
santé. Il existe des rapports complets et bien documentés
en épidémiologie et radiobiologie sur le long terme.
Les experts estiment que ce sont les doses limites, et non les
niveaux de contamination du sol qui constituent les limites valables,
puisqu'elles prennent en compte toutes les sources d'irradiation
et peuvent être adaptées à toutes les situations
accidentelles et à leurs évolutions. Les niveaux
dérivés peuvent être établis en vue
d'une application pratique dans des conditions spécifiques
locales mais ne sauraient être à la base de l'établissement
des limites principales. Dans l'hypothèse où on
leur aurait demandé de fixer la limite de dose cumulée
durant la vie, les experts se seraient prononcés en faveur
d'une limite de dose de deux à trois fois 35 rem.
Il est apparu clairement, au cours des discussions que les populations
et les scientifiques qui n'étaient pas des experts en radioprotection
ne comprenaient pas complètement les principes dont il
était question. Il existe par exemple des différences
entre les limites de doses pour les populations entrant dans le
cadre d'opérations normalement planifiées ou projetées,
qui sont confondues d'une façon erronée avec celles
qui ont été établies après l'accident
lorsque l'intervention était nécessaire. Ces deux
situations sont différentes et nécessitent des limites
de dose distinctes.
De plus, les scientifiques insuffisamment compétents dans
le domaine des effets des radiations assimilent l'ensemble des
différentes perturbations biologiques observées
au seul effet des radiations. Ces perturbations ne peuvent être
mises sur le compte des radiations, particulièrement lorsqu'on
ignore leur incidence spontanée, et beaucoup de ces perturbations
s'expliquent probablement par des facteurs psychologiques et par
le stress. Etablir une corrélation entre ces effets et
les radiations a pour résultat non seulement d'accentuer
l'effet psychologique sur les populations en provoquant un stress
additionnel et en suscitant ainsi des problèmes corollaires
sur la santé, mais également d'affaiblir parallèlement
la crédibilité des spécialistes dans les
régions où il n'existe pas de danger radioactif.
En définitive tout cela aboutit à semer le doute
vis-à-vis de toute proposition concernant les limites de
dose.
Il est nécessaire de veiller de toute urgence à
créer des programmes de formation afin d'éliminer
cette source d'incompréhension. Il faut que la population
et les scientifiques puissent appuyer d'une façon fiable
les propositions concernant la protection de la population des
régions voisines. A ce sujet, beaucoup de scientifiques
ont le sentiment que l'information est insuffisante. Les experts
ont cependant relevé avec plaisir qu'ils avaient accès
à toutes les informations, et que lesdites informations
étaient connues des scientifiques soviétiques. Il
n'en reste pas moins que, suite aux avis exprimés indiquant
que les informations n'étaient pas toutes accessibles,
il fallait prendre toutes les mesures afin de s'assurer qu'à
l'avenir il sera possible de recevoir ces informations à
intervalles réguliers des services appropriés de
l'Académie des Sciences correspondante et des autorités
médicales des Républiques.
Quelques craintes ont été émises sur l'éventualité
d'effets de synergie entre les radiations et d'autres facteurs
environnementaux. Les experts confirment avec force qu'avec les
limites de dose proposées on n'a pas à attendre
de tels effets. Afin d'être certain que la limite des 35
rem ne soit pas dépassée, il faut poursuivre et
développer les mesures dosimétriques et, à
l'avenir, les études sur la dosimétrie des radiations.
Les experts sont convaincus que la limite de 35 rem est une dose
minimale au regard de la question de l'évacuation des habitants
qui doit se baser sur l'évaluation des conditions locales,
celle des coûts et des souhaits individuels, et qu'elle
ne saurait être considérée comme une dose
fixe, valable pour toutes les situations.
Les experts ont signalé que les limites de doses cumulées
incluent la part due à la nourriture contaminée
et que les normes alimentaires soviétiques correspondent
aux niveaux admis dans le Marché Commun pour le libre commerce
des produits alimentaires ; elles sont plus basses que celles
recommandées par l'OMS. De même, il a été
signalé que les importations et la consommation de produits
non contaminés, toutes les fois où cela est possible,
peuvent substantiellement diminuer la part de radioactivité
entrant dans le calcul de la dose-limite. Le traitement de la
nourriture, soit en ayant recours au filtrage, soit par toute
autre méthode, peut diminuer le niveau de contamination
radioactive des produits alimentaires.
Les experts estiment hautement les enseignements qui ont été
tirés de la tragédie de Tchernobyl et de ses conséquences
tant pour les scientifiques soviétiques que pour la protection
des populations. L'expérience acquise par les scientifiques
soviétiques lors de la liquidation de cette catastrophe,
les place au premier rang dans la gestion des situations post-catastrophes,
et ils possèdent une capacité unique à aider
d'autres pays dans l'élaboration de plans de prévention
des accidents. L'espoir a été exprimé qu'une
telle expérience et les programmes qui ont été
élaborés pour la prévention des accidents
soit concédée aux organisations compétentes.
A. Krijanovski (BELTA) "