Tout lecteur assidu de ce bulletin d'information
aura noté la prudence de l'équipe « Stop-Nogent
» à l'égard de l'effet de serre, même
si certains commencent à se demander si cela n'est pas
réel, (mais quelle est la contribution réelle de
l'électricité par combustibles fossiles dans les
gaz à effet de serre ?) Pour « Stop-Nogent »,
l'effet de serre peut être utilisé comme une idéologie
par nos détracteurs pronucléaires pour légitimer
la production d'électricité d'origine nucléaire
au nom de la lutte contre les fameux gaz à l'origine de
l'effet de serre.
On peut trouver parmi les agitateurs de cette idéologie
des antinucléaires. Ils sont antinucléaires, c'est-à
dire que dans leurs propos ils expriment une position hostile
à ce type d'industrie et pourtant ils ne veulent pas son
arrêt immédiat, ce qui est paradoxal, car être
antinucléaire ne peut signifier qu'une chose : une opposition
immédiate à l'industrie nucléaire, car elle
renferme en elle la possibilité d'une catastrophe nucléaire
« comme la nuée porte l'orage » !
Inversement étant convaincus des progrès d'un effet
de serre ils sont pour l'arrêt IMMEDIAT de tout ce qui pourrait
générer des gaz à effet de serre et notamment
des centrales thermiques au charbon.
Est-ce que le Rézo pourrait nous expliquer cet acharnement
contre les centrales au charbon ?
Nous avons déjà souvent rappelé dans les
lignes de ce bulletin que le nucléaire ne représentant
que 2 à 6 % (selon les différentes estimations)
de l'énergie primaire consommée dans le monde, et
la part de la production nucléaire française moins
de 1 %, par conséquent la remplacer par des combustibles
fossiles n'aurait qu'un effet négligeable sur l'effet de
serre. D'après les données de l'AIEA, juillet 2000,
la production d'énergie d'électricité par
les centrales thermiques classique représentait 21,7 %
de l'énergie primaire mondiale consommée alors que
les combustibles fossiles : charbon, bois, fioul, gaz consommés
par le non-électrique représentaient plus de 65
% : transports, industries pétrochimiques, chauffage, etc.
(1) d'où notre soutien à la production d'électricité
thermique classique par les centrales au charbon, etc.
De plus l'amélioration des processus a permis de produire
des centrales thermiques au charbon moins polluantes et plus efficaces,
s'il est quasiment impossible d'améliorer les performances
du nucléaire (surgénération, transmutation,
fission, dépôt des déchets, etc. que des échecs...)
ce n'est pas le cas du thermique où là, des améliorations
sont possibles (mieux capter les oxydes d'azote et de soufre,
améliorer les rendements pour produire moins de CO2 pour
une même production électrique), les enjeux connus,
les matériaux et techniques sont maîtrisés
et à l'échelle humaine, sans aller jusqu'à
sanctifier ce mode de production d'énergie électrique,
nous préférons bien sûr le renouvelable, mais
à plus long terme...
Cependant, pourquoi la lutte contre l'effet de serre pourrait
quand même trouver grâce auprès d'un sceptique
comme moi ?
Une seule raison, elle réside dans la vision du monde qu'elle
engendre : pour la première fois ( ?) au sein des populations,
on considère que les activités humaines peuvent
avoir des conséquences dramatiques sur la planète.
Jusque dans les années soixante on n'avait qu'une vision
partielle de la notion de pollution, du moins pour les plus sensibles,
on connaissait les quatre pollutions japonaises et notamment celle
de la baie de Minamata, où le mercure avait fait des ravages
sur les populations et dont les échos étaient parvenus
jusqu'à nous. Par la suite on a commencé à
parler de pollution chez nous aussi, qui ne se souvient des fameuses
« boues rouges » rejetées entre la Corse et
l'Italie ? Dans tous les cas il s'agissait de pollutions de dimension
régionales, et dont les causes et responsables étaient
bien connus. Avec l'effet de serre c'est différent, l'impact
est mondial et les responsabilités diluées. C'est
la pollution de « consommateurs » pourrait-on dire
plutôt de celle de « producteurs ».
A la même époque, on avait aussi évoqué
la destruction de la couche d'ozone par les CFC, ce qui était
certain et sûr, la couche d'ozone est bien détruite
en certains endroits et les causes bien identifiées même
si les coupables sont partout.. Il faut croire que c'était
trop terre à terre, et le « succès »
-étrange et médiatique, a eu lieu avec l'effet de
serre beaucoup plus difficile à mesurer, ce qui est paradoxal.
C'est la pollution la plus incertaine, la plus difficile à
prouver qui a eu du « succès », alors que la
pollution la plus certaine (trou dans la couche d'ozone) a donné
lieu à quelques interdictions bien venue (CFC), mais est-on
sûr que les palliatifs ne vont pas générer
d'autres dégâts ?
On constate donc que nos antinucléaires voués au
culte de la lutte contre l'effet de serre sont pour l'arrêt
immédiat de tout ce qui génère de l'effet
de serre, mais pour l'arrêt à long terme du nucléaire.
Ce qui pourrait se résumer par les barbarismes suivants
: ils sont « immédiatistes » quand il s'agit
de l'effet de serre (aux conséquences difficiles à
mesurer) et « progressistes » en ce qui concerne le
nucléaire (où les nuisances sont déjà
certaines et mesurées).
A l'inverse étant personnellement pour l'arrêt IMMEDIAT
du nucléaire -comme toute l'équipe de « Stop-Nogent
»- je propose un arrêt progressif de tout ce qui pourrait
générer de l'effet de serre et notamment les centrales
thermiques au charbon.
Car je veux bien accepter de prendre en compte le soit-disant
effet de serre, je veux bien admettre qu'il existe, mais je propose
qu'on lui applique la même stratégie que celle du
Rézo au nucléaire, ce qui pourrait se résumer
ainsi :
Nous pouvons constater que là encore il existe quelques
divergences entre la position du Rézo et la mienne : comment
sortir de ce dilemme entre « immédiatisme »
pour l'un et « progressisme » pour l'autre ?
Ne pourrait-on pas demander au Rézo d'être un peu
plus « progressiste » en ce qui concerne les sources
des gaz à effet de serre et de s'attaquer d'abord au transport,
par exemple, qui est certainement la cause principale des gaz
à effet de serre, je pense aux automobiles, aux camions,
aux avions, etc. et de soutenir -momentanément- le thermique
classique en pariant sur un progrès dans ces unités
très bien contrôlées pour générer
de moins en moins de gaz à effet de serre ? Le Rézo
si prompt à demander des efforts aux consommateurs pour
réduire la pollution (ampoules à faible consommation,
maisons solaires, etc.) devrait calmer ses critiques à
l'égard d'unités facilement contrôlables comme
les centrales thermiques au charbon, gaz, fuel.
« Anyway » comme disent les anglo-saxons, une conscience
« écologique » se met en place au niveau de
la planète, même si les dégâts continuent
et même si la part idéologique est sans doute importante.
Alors que la lutte antinucléaire est un échec la
mobilisation contre l'effet de serre est relativement forte, elle
a débouché sur des accords même s'ils n'ont
pas été signés par le principal pollueur
de la planète : les Etats-Unis d'Amérique. Ne pourrait-on
pas proposer la stratégie suivante afin d'harmoniser les
différentes luttes : opposition d'abord aux transports
générant des gaz à effet de serre et mobilisation
pour l'arrêt immédiat du nucléaire, puis une
fois l'arrêt du nucléaire obtenu, alors, que des
réflexions s'improvisent pour voir comment stopper les
centrales thermiques classiques !
JLP.
(1) : voir page 30, préface à la troisième édition de «Sortir du nucléaire c'est possible avant la catastrophe ? » Bella et Roger Belbéoch (janvier 2002)