La nucléarisation massive de la France
s'est décidée en 1974 avec le Rapport d'Ornano qui
indiquait les sites envisagés pour les réacteurs
nucléaires. Il s'agissait alors, prenant prétexte
de la crise pétrolière, de mettre en place 190 à
200 réacteurs électronucléaires pour 1990-2000.
C'était un vrai délire. L'arrivée au pouvoir
de Mitterrand en 1981 qui, auparavant avait signé avant
les élections le texte sur un moratoire du nucléaire,
promis la non extension de l'usine de La Hague (pour obtenir facilement
les voix écolos !) réduisit les perspectives de
1974, non pour des raisons antinucléaires mais pour des
raisons strictement économiques. Les prévisions
grandioses de 1974 étaient totalement stupides.
L'électronucléarisation de la France n'a guère
été expliquée par les médias. En 1950
il se crée un Comité dit Comité PEON (production
électrique d'origine nucléaire) qui réunit
des technocrates (haut niveau, corps des mines) de l'industrie
et de l'Etat. Ces derniers vont essayer d'intéresser l'industrie
au nucléaire, ce qui signifie d'accepter d'investir dans
des équipements rentables à long terme, sans ignorer
les dangers d'une catastrophe qu'ils redoutent (pour le fric investi
bien sûr, pas pour la santé des gens). Les réunions
de ce Comité PEON se chargèrent de les rassurer
: aucune responsabilité civile en cas de catastrophe, un
développement important et rapide (4 à 5 réacteurs
par an) pour garantir leurs investissements (1).
Les responsables EDF prirent prétexte de la crise pétrolière
de 1973 pour accélérer le processus de nucléarisation
qu'ils envisageaient depuis longtemps.
Il y eut quelques flashs entre EDF et CEA car EDF visait la rentabilité
industrielle de l'électronucléaire alors que le
CEA voulait garder la direction des opérations. Les réacteurs
CEA graphite-gaz (UNGG, uranium naturel, graphite, gaz) qui avaient
permis de développer à la fois la bombe et l'électricité
n'étaient pas pour EDF les plus efficaces pour la production
électrique. EDF préférait les réacteurs
à eau pressurisée PWR sous licence américaine
Westinghouse. Cela a conduit à des manifestations du personnel
CEA pour imposer les réacteurs CEA, avec des mots d'ordre
assez prémonitoires " du graphite et du gaz pour tout
le monde " dans les rues de Palaiseau, localité proche
du centre d'études nucléaires de Saclay. Tchernobyl
a réalisé ce " désir "...
Revenons à 1974. Le gouvernement Messmer justifie son programme
électronucléaire par le danger d'une crise pétrolière
amorcée en 1973 et l'électronucléarisation
massive devait permettre d'y faire face. L'effet de serre n'était
pas encore né. Le choix était entre nucléaire
et charbon+fioul.
En 2005 on assiste à un début de crise pétrolière
et on s'aperçoit que la France qui avait soit-disant résolu
ce problème en 1974 grâce au nucléaire, se
trouve dans des conditions aussi difficiles que les pays voisins
beaucoup moins nucléarisés que nous et qui ont maintenu
leur production électrique par le thermique classique !
Ce regard sur le passé nous montre que la justification
du programme nucléaire qui met la France en tête,
et de loin, des pays nucléarisés était stupide
et finalement facile à dénoncer ce qui paraît
aujourd'hui une évidence : l'électricité,
quelle que soit son origine, ne peut pas remplacer le pétrole.
En somme, les responsables de la décision aberrante de
1974 ce ne sont pas seulement les technocrates de l'état
et ceux de l'industrie mais aussi le mouvement écologiste.
R. B.
(1) Pour plus de précisions Lettre
d'information du Comité Stop-Nogent 93/94, juillet-octobre
2002, " L'énergie nucléaire et la démocratie
"