Notre société fonctionne sur
les nombres. Tout doit être mesuré indépendamment
de l'usage des produits mesurés. Il est donc normal de
réagir contre cette numérisation de notre société.
Cependant il est impossible d'y échapper car certaines
critiques, certaines solutions proposées pour changer notre
mode de vie ne peuvent pas échapper à une formulation
numérisée.
Il est nécessaire d'avoir quelques repères numériques
pour avoir des idées claires sur les solutions qu'on nous
propose et sur celles qui sont rejetées. Ce jeu de nombres
n'implique pas de la haute mathématique, il ne dépasse
pas la « règle de 3 » familière dès
le plus jeune âge.
Voici quelques repères mondiaux essentiels. (Le signe «
divisé par » sera représenté par ÷
). Nous prendrons pour exemple l'année 2000. Il faut distinguer
l'énergie finale consommée, de l'énergie
primaire consommée mondiale et voir ce qui est consommé
par la production d'électricité.
D'après « Informations sur l'énergie », CEA, éd. 2003 :
Energie électrique ÷ énergie finale consommée mondiale = 18%
Energie totale des fossiles ÷ énergie finale consommée = 77%
Energie électronucléaire totale ÷ énergie électrique totale = 17%
On en déduit : Energie électronucléaire totale ÷ énergie finale consommée = 0,18 x 0,17 = 3%
Ainsi la consommation d'énergie pour
la production d'électricité d'origine nucléaire
ne représenterait qu'environ 3% de la consommation finale
d'énergie mondiale.
Quelle a été en 2000 a consommation d'énergie
nécessaire à la production électronucléaire
par rapport à la consommation d'énergie primaire
mondiale ? Les données varient avec la source d'information
7,6% d'après le CEA (« Memento sur l'énergie
») et 5,6% d'après l'AIEA*
Ces chiffres extraits des publications du CEA et de l'AIEA
sont vraisemblablement contestables car les statisticiens qui
les ont produits savent bien -consciemment ou non- que les chiffres
qu'ils donnent ne doivent pas être désastreux pour
l'énergie nucléaire. Il est fort probable que les
coefficients de correspondance entre l'énergie électronucléaire,
et les autres sources d'énergie ont été choisis
pour ne pas défavoriser le nucléaire.
Ces valeurs numériques montrent que l'arrêt immédiat
de l'électronucléaire mondial et son remplacement
par une production d'électricité thermique à
l'aide des énergies fossiles conventionnelles (charbon,
gaz, fioul) ne réduirait la production de gaz carbonique
que de moins de 6%. Si l'on tient compte que le gaz carbonique
CO2 n'est pas le seul gaz participant à l'effet de serre,
il y a production de méthane par l'agriculture intensive
(les engrais), l'élevage (les gaz émis par les animaux,
les lisiers etc.), ceux liés à l'industrie (les
CFC et leurs substituts), la vapeur d'eau, on voit que le CO2
ne contribuerait que pour moitié dans les gaz à
effet de serre et la fermeture mondiale de tous les réacteurs
nucléaires n'augmenterait l'effet de serre que de moins
de 3%.
Considérant les dangers des réacteurs nucléaires
on voit que si l'effet de serre et le réchauffement climatique
tels qu'ils sont développés dans les médias
sont importants, ce n'est pas une augmentation de moins de 3%
qui changerait grand chose aux scénarios qu'on nous prédit.
D'autre part il semble évident que les évaluations
officielles sont loin d'être sans critiques. Les problèmes
liés aux changements climatiques sont très complexes
avec de nombreux facteurs mal élucidés, ils sont
simplifiés à l'extrême pour les médias
et conduisent aux prédictions les plus désastreuses.
Insistons sur un point : concernant la critique antinucléaire
il ne me paraît pas nécessaire d'entrer dans la problématique
des estimations de l'effet de serre. Même en admettant les
perspectives les plus désastreuses (qui sont utilisées
pour proclamer la nécessité de l'électronucléaire)
le remplacement de l'uranium par charbon, gaz et fioul pour assurer
la production électrique ne changerait pas grand-chose
au désastre s'il devait se produire. Si le niveau des océans
s'élevait de 1 mètre et 3 centimètres au
lieu de 1 mètre dans les pires conditions cela n'augmenterait
pas l'ampleur du désastre.
L'argumentation antinucléaire ne doit pas se laisser piéger
en entrant dans la problématique de l'effet de serre même
si celle-ci est manifestement manipulée par les tenants
du nucléaire car l'impact du nucléaire, quelle que
soit l'ampleur de l'effet de serre, est négligeable.
R. B. mars 2006
* Valeurs très peu différentes des
valeurs de 1999, respectivement 7,4 et 5,4%, données dans
la 3ème édition de « Sortir du Nucléaire
c'est possible avant la catastrophe ». (En 2000 alors que
l'électricité thermique classique a nécessité
23% de l'énergie primaire mondiale consommée, les
transports, le chauffage, l'industrie chimique, l'agroalimentaire
etc. ont consommé 65%).