Arrêter rapidement 70% du nucléaire français avec le thermique classique aurait un impact totalement négligeable sur l’effet de serre

Avec l’arrêt des exportations d’électricité, l’arrêt de l’autoconsommation nucléaire liée au retraitement (La Hague) et à l’enrichissement (Tricastin/Pierrelatte) et étant donné notre puissance installée hydraulique nous avons dit [1] qu’on pouvait arrêter 70% du nucléaire en faisant fonctionner au maximum de leur capacité, notre parc thermique classique existant, à charbon, fioul et gaz (avec peu de centrales à gaz actuellement). L’énergie produite par le parc classique correspondrait à environ 190 TWh (1 térawattheure = 1 milliard de kilowattheures, kWh). On a crié au scandale : on osait prôner le "retour" à des combustibles fossiles (largement utilisés par tous nos voisins, y compris par le pays non nucléarisé d’Europe cité en référence dans toutes les publications écologistes, le Danemark) qui, en brûlant, donnent du gaz carbonique (CO2) qui contribue à augmenter l’effet de serre. Il est donc intéressant de voir quel serait l’effet de ces 190 TWh par rapport au CO2 produit par ces mêmes combustibles fossiles mais utilisés au niveau mondial, c’est à dire par rapport à la consommation d’énergie primaire mondiale qui tient compte des transports, du chauffage, de la consommation électrique industrielle, agricole et domestique, etc.
Nous avons consulté trois sources d’information estimant la consommation d’énergie primaire mondiale. C’est un festival d’unités différentes pour exprimer cette énergie. Selon les documents elle est exprimée en mégateps (Mtep, mégatonnes d’équivalent pétrole) ou en exajoules (milliards de milliards de joules), ou encore en quadrillions de British thermal units. Certains tiennent compte du bois commercialisé ou des énergies renouvelables, d’autres les ignorent. Avec des subtilités de conversion pour exprimer l’énergie résultant de la combustion des différents combustibles, y compris pour une même catégorie. Que de variétés de charbons, de fiouls et même de gaz (gaz de hauts fourneaux)! Ces subtilités permettent tous les truandages.
Pour nous affranchir des unités nous avons exprimé le pourcentage de chaque classe de "combustible" par rapport à l’énergie consommée totale. Le nucléaire varie entre 5,4% et 7,4% pour les différentes sources d’informations consultées. Prenons par exemple la valeur haute correspondant aux données du Mémento de l’énergie du CEA [2] avec les pourcentages de consommations mondiales de pétrole, gaz, charbon, nucléaire et hydraulique.

 Consommation d’énergie primaire commerciale dans le monde en 1998 :

 Pétrole

 Gaz naturel

Charbon

Nucléaire

 Hydraulique

Total

 40,0

23,8

26,15

7,4

2,65

100

En 1998, la production électronucléaire mondiale nette s’est élevée à 2291,4 TWh, elle correspond à 7,4% de l’énergie primaire totale. L’ensemble pétrole + gaz + charbon représente 90% du total. Si on remplaçait brutalement tout l’électronucléaire mondial par une production classique à base de ces combustibles fossiles l’augmentation de CO2 serait de 8%. Le problème est double : quelle est la contribution du CO2 à l’effet de serre (car il y a d’autres gaz à effet de serre, certains bien plus efficaces à nombre égal de molécules, en particulier les gaz issus de l’agriculture et de l’élevage intensifs). D’autre part quelle est la contribution des combustibles fossiles dans la teneur en CO2 globale. L’effet du CO2 paraît très largement surestimé (voir article page 5), mais même en considérant que sa contribution à l’effet de serre est de 50% et que tout le CO2 provient des combustibles fossiles, l’augmentation d’effet de serre résultant du remplacement du nucléaire par des combustibles fossiles ne serait que de 4%. Si l’effet de serre est vraiment catastrophique ce n’est pas une addition de 4% qui changerait grand chose au problème.

Quant aux 190 TWh de notre parc thermique classique en fonctionnement maximal ils représenteraient 0,6% de l’énergie consommée totale (7,4x190/2291,4). Par rapport à l’ensemble pétrole, gaz et charbon qui est de 90%, ces 190TWh représenteraient 0,7%. Bien que grossière cette approximation montre clairement que leur contribution de 7 pour mille à la production de gaz carbonique serait négligeable et a fortiori beaucoup plus faible encore leur contribution à l’effet de serre.

Bella Belbéoch

[1] Supplément à La lettre d’information du Comité Stop Nogent-sur-Seine, n° 76, avril-juin 1997 ; et Sortir du nucléaire c’est possible avant la catastrophe, B. et R. Belbéoch, L’esprit frappeur 1998, Paris.

[2] Mémento sur l’énergie, CEA, Ed. 2000 (Les données proviennent de BP-Amoco Statistical Review, elles sont exprimées en Mtep).