Les élections approchent. Des débats
vont avoir lieu qui vont remplir les médias. Le nucléaire
fait-il problème dans cette conjoncture ? Les Verts
ont pendant quelques jours soulevé le problème puis
se sont rapidement calmés. Dans Le nucléaire
et la lampe à pétrole publié en 1998
les Verts ont clairement exprimé leur attitude vis-à-vis
de la place que les problèmes nucléaires doivent
prendre dans la vie politique. Au début de leur livre ils
précisent "La prophétie apocalyptique,
même basée sur des réalités ne fait
pas projet politique". Il est évident que si le projet
politique est davoir un maximum délus locaux
ou nationaux ou davoir des strapontins au gouvernement,
des alliances sont nécessaires. Ces alliances ne pouvant
se faire quavec des partis qui sont profondément
pro-nucléaires il en résulte que les problèmes
de lénergie nucléaire ne peuvent pas être
à la base des discussions des alliances électorales.
La petite phrase sur "la prophétie apocalyptique"
montre bien que cette apocalypse nucléaire peut se fonder
sur des réalités. Mais le désir davoir
des élus est pour les Verts bien plus fort que le danger
réel dune catastrophe nucléaire. Un
peu de mise en scène, des menaces vis-à-vis des
socialistes, mais cela na guère impressionné
les pontes politicards. Et la routine a repris normalement. Il
est important de préciser quelques données concernant
le nucléaire car lattitude des Verts a profondément
pollué le mouvement antinucléaire.
1 - exiger une décision sur le non renouvellement
du parc nucléaire quand celui-ci sera à bout de
course cest escamoter le fait que la catastrophe peut arriver
demain. (Remarque : dans la revue écologiste qui sert
de référence certains dentre nous ont été
traités de "paranoïaques incompétents"
et cela na guère choqué les antinucléaires
BCBG). Une déclaration faite aujourdhui peut facilement
être remise en cause facilement. Pour lAllemagne une
décision de sortie dans 30 ans prise par le gouvernement
actuel ne présente aucune garantie sérieuse.
2 - Lalliance Verts/PS/PC a permis davoir le
ministère de lenvironnement sous la coupe de ministres
verts. Quel résultat pour le nucléaire ? Aucun.
Pourtant la Direction de la Sûreté des Installations
Nucléaires (DSIN) qui est chargée de la gestion
de la sûreté de notre parc nucléaire est en
principe sous la tutelle de deux ministères, celui de lindustrie
et celui de lenvironnement. Donc toute décision prise
par la DSIN pour faire fonctionner une installation nucléaire
hors normes a lagrément de ces deux ministères.
Aucun réacteur ne satisfait intégralement aux normes
de sûreté (par exemple pour létanchéité
des enceintes de confinement, pour le risque dinondation,
les risques sismiques). Cest au coup par coup que sont apportées
des "améliorations" on la bien vu avec
linondation de la centrale du Blayais lors de la tempête
de décembre 1999. Pourquoi les ministres verts de lenvironnement
nont-ils pas mis leur veto à lautorisation
de fonctionnement donnée par la DSIN ? Cela aurait,
bien sûr, déclenché un conflit avec le ministère
de lindustrie, mais le premier ministre aurait été
obligé de trancher. Ce qui aurait fait scandale mais les
problèmes de sûreté seraient apparus au grand
jour. Mais là encore ce serait la fin du "projet politique"
avec des élus en futurs chômeurs !
Dire que le ministre de lenvironnement ne peut rien faire
comme la affirmé une ministre de droite dans un livre
ce nest pas vrai car aucun(e) na vraiment voulu faire
quelque chose. Pourquoi cette ministre (de droite) na-t-elle
pas écrit son livre pendant son ministère ?
Les ministres verts coincés dans leur projet politique
préfèrent ne rien dire et ne rien écrire
sur leur impuissance.
3 - Le Mouvement antinucléaire a pris lusine
de La Hague dans le collimateur. Cette usine est bien évidemment
un énorme danger compte tenu de lénorme quantité
de radioactivité quelle contient et de sa grande
vulnérabilité (ce ne sont pas quelques missiles
protecteurs qui mettront cette usine à labri des
actes de terrorisme ou plus banalement des actes de malveillance).
Le retraitement des combustibles civils effectué à
La Hague nest pas une nécessité ni pour le
nucléaire militaire ni pour le nucléaire civil.
Les Etats-Unis qui ont une belle capacité nucléaire
militaire et une industrie nucléaire civile non négligeable,
ne retraitent pas les combustibles usés de leurs réacteurs
électronucléaires. Le plutonium militaire ne vient
pas des réacteurs civils. Focaliser lantinucléaire
sur le retraitement laisse entendre que cela porterait un coup
fatal à notre parc nucléaire. Bien au contraire,
cela allégerait certainement le coût du kilowattheure
électrique nucléaire. Bien sûr quil
faut arrêter le retraitement à La Hague mais cela
ne doit pas escamoter le véritable problème nucléaire :
les accidents catastrophiques dans toutes les installations nucléaires.
Pour Superphénix on nous a tenu le même raisonnement.
Lutter pour sa mise à larrêt sans la mettre
en liaison avec larrêt du nucléaire devait
être suffisant pour porter un coup mortel à nos centrales.
Superphénix a été mis à larrêt
et notre électronucléaire continue normalement.
4 - Demander labandon du super réacteur du
futur, lEPR (European Pressurized Reactor) comme quelque
chose dimportant apparaît comme un leurre. Ce réacteur
est encore dans les limbes. Siemens qui sest allié
à Framatome ne veut pas participer à cette aventure.
Le parc nucléaire français est en très large
surcapacité. Aucun nouveau réacteur nest donc
envisageable pour accroître cette surcapacité. Largument
qui est avancé par ses supporters est que sa réalisation
ne servirait pas à produire de lélectricité
utilisable mais de modèle pour lexportation. Mais
qui voudra acheter (et payer) un tel réacteur ? Le
Bangladesh ? Pour rentabiliser un tel EPR il faudrait en
fourguer une bonne dizaine et assez rapidement alors que le marché
international du nucléaire est en pleine stagnation (sauf
pour le marché de lentretien et des réparations
des réacteurs). Demander labandon de lEPR signifie
que lon considère que ce réacteur peut être
réalisé rapidement, que son étude est terminée,
ce qui est faux. Seuls quelques principes ont été
élaborés et létude sérieuse
ne peut être entreprise que lorsquune réalisation
industrielle est garantie, ce qui nest pas le cas.
5 - Les énergies renouvelables, propres, écologiques.
Le développement massif de ces énergies est le pilier
de la propagande écologiste. Il sagit essentiellement
des éoliennes. Lénergie photovoltaïque
(solaire) ne fait pas le poids pour entrer dans un programme politique.
Il est évidemment bien consolant, dans notre société
hyper industrialisée, où il nous est demandé
de vivre avec le risque, de penser que la nature, avec le vent,
pourrait satisfaire la majeure partie de nos besoins énergétiques
et cela sans aucun risque, sans déchets, sans souci des
catastrophes. Tous ceux qui partagent ce fantasme se gardent bien
danalyser les problèmes posés dune façon
quantitative, chiffrée.
Notre société souffre dun excès de
valeurs numériques, toutes les activités nont
de sens que par des mesures, des nombres. Mais si lon dit
quon peut éviter le nucléaire en construisant
des éoliennes on est bien obligé de comparer ce
que notre parc électronucléaire produit et ce que
peuvent produire les éoliennes.
Le Danemark est souvent cité en exemple pour son énorme
parc éolien mais on ne signale pas que ce pays produit
85% de son électricité avec du charbon, du fioul
et un peu de gaz. LAllemagne aussi est mise en exergue alors
que son énorme développement éolien na
produit que 1,6% de son électricité en lan
2000 (voir page 5) et que pour les responsables dont le ministre
vert de lenvironnement ce développement éolien
servira à réduire les émissions de gaz à
effet de serre et pas à réduire la production de
déchets nucléaires ni le risque de catastrophe.
Quand nous critiquons sévèrement lénergie
éolienne il faut bien nous comprendre : ce que nous
nadmettons pas dans cette énergie cest quelle
serve dalibi pour renoncer à exiger larrêt
immédiat des réacteurs nucléaires car le
désastre nucléaire nous pend au nez. On fait croire
quavec le développement des éoliennes le nucléaire
disparaîtra naturellement et les gens marchent. Or la production
éolienne même avec un développement considérable
ne pourra pas intervenir dune façon notable. Par
exemple le projet Shell dun parc éolien offshore
au large de lîle de Groix (située en face de
Lorient), projet dément de 40 éoliennes de 2,5 MWe
chacune implantées sur 20 km2 aurait une puissance nominale
de 100 MWe et une production électrique qui ne dépasserait
pas, au mieux, 30 MWe alors que nos vieux réacteurs ont
une capacité denviron 1000 MWe avec une efficacité
de 80%. Les éoliennes cest beau ( ? ) cest
fascinant, cest rassurant mais cela ne produit pas grand
chose par rapport à notre énorme consommation délectricité.
Insistons sur le fait que ce ne sont pas les éoliennes
que nous blâmons mais ceux qui les utilisent comme un miroir
aux alouettes pour calmer langoisse antinucléaire
qui pourrait devenir exigeante vis-à-vis des élus.
6 - Lélectricité photovoltaïque ?
Il y a quelque temps Greenpeace, pour promouvoir cette énergie
a fait une démonstration de panneaux solaires. Quelques
questions concernant cette expérimentation :
- A-t-elle été faite de jour ou de nuit ?
- A-t-elle été faite en hiver ou en été ?
- A-t-elle été faite par temps brumeux ?
Les réponses sont évidentes et là aussi quand
on met quelques nombres sur la production possible délectricité
par cette technologie on voit immédiatement quil
sagit de fantasmes qui ne permettent pas de sortir du nucléaire
même si on les ajoute à léolien.
7 - Les économies dénergie. Le problème
est sérieux. Précisons dabord quen ce
qui concerne lélectronucléaire, ce qui est
intéressant cest de faire des économies dénergie
électrique. Les écologistes jouent beaucoup sur
ce thème, mais ils nabordent que les économies
dénergie domestique alors que la consommation domestique
électrique ne représente pas plus du tiers de la
consommation électrique totale. Quand les écologistes
nous demandent de changer nos ampoules électriques, de
jeter à la poubelle les frigidaires pour en acheter des
modernes, plus économes (cest à voir car ils
ne sont certainement pas prévus pour durer 20 ans), de
mettre des contre - poids aux ascenseurs, (donc réduire
le volume de la cabine déjà pas toujours bien grande)
ils ne disent pas de virer les congélateurs, de ne plus
prendre le TGV, déviter de consommer des yaourts
car le couvercle est en aluminium dont la production est dévoreuse
délectricité. Ils ne vont pas jusquà
demander labandon de léclairage des villes
la nuit ou dabandonner le cinéma.
Bien certainement il est possible de fabriquer des matériels
domestiques qui consomment moins délectricité
que ce que nous avons acheté il y a quelques années.
Mais allons-nous tout jeter à la poubelle et courir chez
Darty avant que les appareils ne nous lâchent ? Les
usagers des congélateurs (essentiellement les zones rurales
où les écolos aiment sinstaller) consomment
de lélectricité mais ce nest certainement
pas grand chose par rapport à la chaîne du froid
quil y a en amont de ces congélateurs.
Demander aux citoyens de réduire leur consommation est
un leurre. Cela revient à rendre ces citoyens responsables
de lélectro-nucléarisation de la France alors
que même sils faisaient un gros effort cela ne changerait
pas grand chose à la consommation électrique globale.
Par contre sils étaient intervenus dune façon
efficace sur leurs élus pour empêcher que le nucléaire
sinstalle en France dune façon dramatique cela
aurait pu changer la situation. Les écologistes ne sattaquent
pas aux gros consommateurs : les producteurs daluminium
(emballages divers, aviation etc.), aux transports SNCF etc. Incidemment
préconiser le transport par train pour éviter la
pollution des villes cest escamoter que le transport SNCF
est producteur de déchets nucléaires.
Pour nous, lessentiel du danger qui menace notre société
cest le risque dun accident grave, dun désastre
nucléaire. La non prise en compte de cette possibilité
est criminelle et si les citoyens ne réagissent pas vis-à-vis
de ceux quils vont élire ils devront être considérés
comme complices des décideurs sil y a une catastrophe.
Sil y a une évidence que Tchernobyl a bien mis en
évidence cest que la catastrophe nucléaire
cela doit préoccuper les citoyens avant pour quelle
narrive pas. Après il ny a plus quà
subir.
Roger Belbéoch