I- L'ENERGIE ELECTRIQUE AU DANEMARK
ET LA PART DE L'EOLIEN
Dans la revue Silence (n°285/286,
été 2002), Michel Bernard a fait une critique de
la réédition de "Sortir du nucléaire
c'est possible avant la catastrophe" (Bella et Roger Belbéoch,
Ed. L'Esprit Frappeur 2001). Il nous reprochait notamment d'avoir
sous-estimé la production éolienne au Danemark :
"Malheureusement la réactualisation datant de 1997
n'était pas à jour ce qui permet aux auteurs de
maintenir que l'éolien n'est que marginal avec seulement
5% de l'électricité produite au Danemark en 1997.
Or, et c'est là l'intérêt du Danemark, ce
pays a atteint 20% de sa production électrique en éolien
fin 2001. Ceci montre, a contrario, que l'éolien
ça marche et que cela peut être très rapidement
une alternative ()".
La citation se réfère probablement à un tableau
(p. 28) où étaient indiquées, à l'aide
de données publiées en 1999, les parts relatives
des différentes sources d'énergie dans la production
d'électricité pour 1996 de différents pays
européens. Nous voulions montrer que la somme nucléaire
+ (charbon+fioul) avec beaucoup de nucléaire pour la
France et beaucoup de charbon pour le Danemark, se tenait dans
une fourchette relativement étroite, 72-85%, sauf pour
la Suède (beaucoup d'hydraulique), la Norvège (beaucoup
de gaz) et l'Italie. Notre préface à la troisième
édition commençait par "Nous n'avons pas
systématiquement mis à jour les données numériques
que nous avions utilisées en 1998. Cela ne change guère
les conclusions sauf pour certains points que nous allons préciser".
C'est ainsi qu'il nous avait paru très important, et c'est
toujours vrai, de comparer les dernières données
disponibles tant françaises qu'allemandes où population
et niveaux de vie sont voisins.
Même avec 20% de la production électrique par l'éolien,
la part de la production par fossiles resterait élevée
au Danemark. Michel Bernard ne donnait aucune référence
nous permettant de vérifier la valeur avancée. Nous
n'avions pas les résultats de fin 2001 à notre disposition
et ce n'est que maintenant que nous pouvons le faire, avec les
données les plus récentes disponibles. (Fin février
2003 les données 2002 n'étaient pas encore publiées).
Les données que nous utilisons ici proviennent du Ministère
de l'énergie danois, et de "Windpower" l'association
des industriels de l'éolien danois.
Production et consommation.
Données du ministère de l'énergie www.ens.dk
Données en TWh |
|
|
|
(1) Production nette* (2) solde : Import export -Consommation intérieure brute "Domestic supply" (1) + (2) -Consommation nette finale, pertes déduites (distribution etc.) |
-2,313 |
+0,665 |
-0,575 |
Production éolienne (TWh) |
|
|
4,299 |
Part de l'éolien Rapportée à la production nette Rapportée à la consommation brute Rapportée à la consommation nette |
8,2% 8,7% 9,4% |
12,3% 12,1% 13,1% |
11,9% 12,1% 13,0% |
Quelle est l'efficacité des éoliennes
?
A la fin de l'année 2000
il y avait 6200 éoliennes correspondant à une puissance
installée de 2,417 GW. La production ayant été
de 4242,28 GWh (4,24 TWh) cela représente une efficacité
moyenne de 20% pour l'an 2000. (voir carte page suivante)
(www.ens.dk/graphics/ENS_Forsyning/Kort/windTurbinesDK
2000_15032002.pdf)
Il est clair que la production éolienne danoise va augmenter
par la mise en route de 2 parcs offshore de 160 MW devant servir
de prototypes, chacun étant situé à plus
de 10 km des côtes danoises -en mer du Nord (Horns Rev)
et dans la mer Baltique (Rødsand)- avec une efficacité
meilleure que les éoliennes du continent lorsqu'elles seront
opérationnelles. La dernière éolienne du
parc de Horns Rev qui comporte 80 éoliennes de 2 MW, dont
les distances à la côte varient de 14 à 20
km, a été mise en route le 11 décembre 2002.
Les promoteurs espèrent fournir 0,6 TWh (environ 2% de
la consommation). L'efficacité attendue serait ainsi d'environ
40% ce qui est élevé. Au Danemark il est aussi prévu
que des vieilles éoliennes à faible puissance soient
remplacées par de plus performantes. L'association des
industriels de "Windpower" anticipe une production de
18% en 2002 et formule l'objectif "Vers les 21%" en
2003. On verra si ces prédictions se réalisent.
Autres énergies renouvelables.
www.ens.dk/graphics/publikationer/statistik_uk/uk01/fig2_konvert.htm
On se polarise sur l'éolien mais qu'en est-il des autres
énergies ?
L'hydraulique : la production est très faible, 0,08% de
la consommation brute.
En plus de l'éolien représentant 12,1% de la consommation
intérieure brute en 2001, les données du ministère
de l'énergie indiquent une production d'électricité
par biomasse et biogaz de près de 6% dont 3,5% provenant
de la combustion des ordures. Au Danemark on considère
qu'une partie seulement de l'incinération des ordures est
une énergie renouvelable et le ministère précise
qu'avec l'éolien la part des énergies renouvelables
est de 14,4%. Nous serons moins puristes et admettrons la production
totale de 6% par biomasse et biogaz conduisant à une contribution
des énergies renouvelables de 18,1% (12,1%+6%) dans la
production électrique.
Les éoliennes au Danemark |
La part des combustibles fossiles dans
la production d'électricité
En soustrayant la part éolien
+ biomasse + biogaz, celle des combustibles fossiles dans la production
électrique a été en 2001 de (100-18,1)% soit
81,9%, le Danemark reste un des premiers pays en Europe
pour la part des fossiles.
Les contributions respectives des différentes sources (charbon,
fioul, gaz naturel, éolien, autres sources -biogaz biomasse-)
sont données sur des graphes par le ministère de
l'énergie. Les parts respectives des combustibles fossiles
ont été sensiblement les suivantes :
- En 2001 : charbon 46%, fioul 12%, gaz 24%.
- La part des fossiles a diminué régulièrement
entre 1996 (96%) et 2000 (81%).
Entre ces deux dates le charbon a baissé de 74% à
46%, le fioul a peu varié ~11 à 12%, le gaz qui
augmentait régulièrement stagne depuis 1999 à
24%.
Le Danemark a été un pays exportateur d'électricité
grâce à sa production électrique par combustibles
fossiles, essentiellement du charbon importé. En 1996
la part exportée (vers l'Allemagne, Norvège et Suède)
s'est élevée à 30% de la production totale
soit 43% de la consommation intérieure brute ! On doit
en tenir compte dans la spectaculaire diminution de la contribution
du charbon dans la production entre 1996 et 2001 car la part exportée
diminue régulièrement depuis 1996. En l'an 2000,
les importations ont même un peu dépassé les
exportations puis en 2001 il y a eu un faible excès d'électricité
exportée (environ 1,6% de la production). Les bilans 2002
et 2003 montreront si la tendance à une production équilibrée
se maintient, avec compensation entre volumes faibles exportés
et importés.
En conclusion
On remarque ainsi, que, malgré l'essor considérable
de l'éolien qui sert de référence aux écologistes,
la contribution à la production électrique danoise
des combustibles fossiles (charbon, fioul, gaz) est élevée,
supérieure à celle de l'Allemagne. Le gaz naturel représente près du quart
de la production d'électricité et sera privilégié
dans la politique danoise par rapport au charbon (mais charbon
et gaz sont restés inchangés en 2000 et 2001).
Il faut aussi noter que dans la production par énergies
renouvelables, un tiers n'est pas d'origine éolienne et
pourtant cette production serait probablement plus facile à
développer même si elle est moins spectaculaire.
Notons qu'entre 2000 et 2001 la consommation nette d'électricité
a augmenté de 1,8%.
La distribution de la consommation est la même en 2001 et
2000 : 37% pour l'industrie et l'agriculture, 31% pour les services,
31% pour la consommation domestique ("households") et
1% pour les transports. On voit que, comme en France, la consommation
domestique représente un peu moins du tiers de la consommation
totale.
II - LA STRUCTURE DE LA PRODUCTION
ELECTRIQUE EN ALLEMAGNE :
EN 2002 LE NUCLEAIRE 29,6 %,
LES COMBUSTIBLES FOSSILES 60,4 %
(DONT 50,6 % DE CHARBON), L'EOLIEN 2,9 %.
Dans la préface de la réédition
en 2001 de "Sortir du nucléaire c'est possible
avant la catastrophe!" nous avions indiqué les
dernières données disponibles du Ministère
allemand de l'Energie pour la production électrique en
l'an 2000. Nous avions souligné que l'accroissement
énorme entre 1991 et 2000 de la production éolienne
ne représentait qu'une part faible de la production électrique
totale due majoritairement aux combustibles fossiles, essentiellement
le charbon (houille et lignite). Les données les plus
récentes ne changent pas cette analyse. Malgré la
percée de l'éolien le nucléaire reste voisin
de 30%, le charbon 50%. Le but de l'éolien vise à
réduire l'émission de gaz carbonique des combustibles
fossiles, il ne vise pas à diminuer la part de l'énergie
nucléaire [1].
Evolution de la production électrique depuis 1993
Rappelons que la réunification de l'Allemagne
a eu lieu en octobre 1990.
Production et consommation électriques suivent des évolutions
voisines car d'une façon générale, chaque
année, exportations et importations se compensent à
peu de choses près. Le solde import-export varie entre
un minimum de 2,4 TWh (1997) et un maximum de +3,0 TWh (2000).
Après la réunification, production et consommation
électriques ont diminué jusqu'en 1993 (527,9
TWh) pour remonter en 1996-1997 à la valeur initiale de
1990 soit 550 TWh. On note une forte croissance (3,1%) entre 1999
et 2000 suivie d'une croissance relativement faible ces dernières
années, la production se stabilisant vers 581 TWh.
Par rapport à la production totale, la part de l'hydraulique
est faible, voisine de 4,5%. La part du gaz augmente régulièrement
(6,2% en 1993 et 9,5% en 2001), celle du fioul déjà
faible (1,9% en 1993) tombe à 1%, quasiment négligeable.
La part du charbon est passée de 55,7% en 1993 à
un minimum de 50,1% en 1999 et remonte légèrement
depuis. L'ensemble de tous les combustibles fossiles (charbon,
fioul et gaz) passe ainsi de 63,8% en 1993 à 60,9% en 2001
et 2002.
L'évolution de la production d'électricité
depuis 1993 montre la permanence du nucléaire (entre
un minimum de 28,6% en 1994 et un maximum de 30,8% en 1997 et
30,6% en 1999, décroissant légèrement
ensuite) et une production majoritaire par combustibles
fossiles.
Bilan de la production électrique en 2000, 2001, 2002
Production électrique |
|
|
|
|||||
|
|
TWh |
|
TWh |
|
|||
Hydraulique Nucléaire Charbon (houille) Charbon (lignite) Gaz naturel Fioul Eolien Déchets (ordures urbaines) Autres (bois et tourbes de chauffage, boues, etc.) Production brute totale |
27,7 169,6 143,1 148,3 49,2 5,2 9,5 3,7
17,1
573,4 |
4,8 29,6 25,0 25,9 8,6 0,9 1,7 0,6
3,0
100,0 |
25,6 171,2 138,4 154,8 55,5 6,1 10,5 3,7
16,0
581,8 |
4,4 29,4 23,8 26,6 9,5 1,0 1,8 0,6
2,7
100,0 |
26,0 164,8 135,0 159,0 54,0 6,0 16,8 3,7
15,7
581,0 |
4,5 28,4 23,2 27,4 9,3 1,0 2,9 0,6
2,7
100,0 |
||
Import Export Solde =Import Export |
45,1 42,1 3,0 |
43,5 44,8 - 1,3 |
46,2 45,5 0,7 |
|||||
Consommation brute | 576,4 | 580,5 | 581,7 |
Le tableau ci-contre donne le bilan de la production
électrique brute en TWh y compris les pertes- et de
ses composantes pour les années 2000 (données définitives),
2001 et 2002 (données provisoires*). Nous indiquons aussi
les parts respectives des différentes productions par rapport
à la production totale [2].
Rappelons que l'éolien représentait 0,1 TWh en 1991
contre 16,8 TWh en 2002. Le site international des énergies
renouvelables www.iwr.de indique une production légèrement
plus faible de 16,5 TWh au 31/12/2002 pour une puissance installée
de 11,875 GW ce qui correspond à une efficacité
moyenne de 16%. La production par le photovoltaïque ne représenterait
que 0,05 TWh.
On remarquera que, par rapport à l'éolien, la production
électrique par d'autres sources est du même ordre
de grandeur (bois et tourbes de chauffage, résidus, gaz
de cokeries etc) ce qui n'est pas à négliger. On
peut penser que ce type d'utilisation pourrait encore augmenter
à moins de frais que l'éolien.
La percée de l'éolien ne représente que 2,9% de la production électrique, celle par combustibles fossiles reste majoritaire, essentiellement le charbon (lignite et tourbe) suivi du gaz. Le fioul ne représente plus que 1% de la production.
B.Belbéoch
_______________
[1] Common Ground, a triannual Report on Germany's Environment,
03/2001).
[2]http://www.diw-berlin.de/deutsch/publikationen/wochenberichte/docs/03-06-1.html
Franz Wittke, Hans-Joachim Ziesing Schwache Konjunktur und
milde Witterung drücken Primärenergieverbrauch.
Le Tableau 8 de ce rapport donne la production brute d'électricité
en TWh et ses différentes composantes entre 1990 et 2002.
Nous nous sommes bornés ici aux trois dernières
années. La consommation est la somme de la production et
du solde export-import. L'Allemagne exporte sensiblement autant
d'électricité qu'elle en importe.
(Il y a de très légères variations dans les
données des mêmes auteurs pour la production électrique
définitive d'une année et les données provisoires
publiées antérieurement mais qui ne changent pas
la tendance générale).