Il se passe des choses bizarres à la
Commission des Communautés européennes. Dans le
Journal officiel de l'Union européenne L 47 du 21 février
2003 à la page 53 on lit :
"RECOMMANDATION DE LA COMMISSION du 20 février
2003 concernant la protection et l'information de la population
eu égard à l'exposition résultant de la contamination
persistante de certaines denrées alimentaires sauvages
par du césium radioactif à la suite de l'accident
survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl".
Cette Recommandation 2003/120/CE de la Commission, [notifiée
sous le numéro C(2003) 510], comporte un peu plus de deux
pages (de L 47/53 à L 47/55) avec 22 paragraphes numérotés
de 1 à 22 suivis de 4 Recommandations, le tout signé
"Pour la Commission, Margot Wallström, Membre de la
Commission".
Cinq jours plus tard dans le JO de l'Union européenne L51/23
du 26 février est publié un "Rectificatif"
à cette Recommandation de la Commission du 20 février
2003. Le rectificatif comporte une ligne : "La publication
de la recommandation 2003/120/CE doit être considérée
comme nulle et non avenue".
Cette annulation est énoncée sans aucun justificatif.
La recommandation de la Commission débutait
par :
"LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité [EURATOM] instituant la Communauté
européenne de l'énergie atomique, et notamment son
article 38, paragraphe 1, et son article 124, deuxième
tiret,
"vu l'avis du groupe d'experts désignés
par le comité scientifique et technique en application
de l'article 31 du traité,
considérant ce qui suit : ()" [suivaient les 22
paragraphes et les 4 Recommandations].
Espérant obtenir des informations sur cette étrange
affaire nous avons envoyé un courrier électronique
au Professeur McAuley, Président de ce groupe d'experts,
le "Comité de l'article 31" du traité
Euratom. Nous n'avons pas obtenu de réponse. Nous n'avons
pas non plus réussi à joindre par téléphone
Mme Wallström à Bruxelles.
Plutôt que de citer tout de suite cette recommandation il nous a paru important d'en rapporter l'essentiel puis de faire un bref rappel historique des points importants des diverses recommandations européennes depuis mai 1986 suite à l'accident de Tchernobyl afin d'en suivre l'évolution jusqu'à celle de février 2003. Cette dernière est un exposé clair de radioécologie sur la contamination alimentaire et qui mérite d'être lue jusqu'au bout !
Ce qui ressort de cette recommandation annulée
c'est que 17 ans après,
Tchernobyl ce n'est pas fini en Europe, pas seulement dans
les pays tiers mais aussi dans les États membres. Dans
certaines régions, les baies des forêts, les champignons,
le gibier sauvage, les poissons lacustres dépassent les
tolérances maximales de contamination européennes
qui doivent être respectées (depuis 1986, 600 Bq/kg
pour le césium 137 et 134 cumulés). Ces produits
ne doivent pas être mis sur le marché.
Il est précisé : "Les Etats membres
ont informé la population du risque sanitaire résultant
de la consommation de certaines catégories de denrées
alimentaires à la suite de l'accident de Tchernobyl, mais
la sensibilisation de la population à la contamination
persistante de produits alimentaires sauvages tend à diminuer.
Bien que les implications de la contamination de produits sauvages
pour la santé de la population soient très faibles,
le risque sanitaire pour les personnes qui consomment de grandes
quantités de ces produits provenant des régions
touchées ne peut être négligé et il
est dès lors nécessaire de sensibiliser la population
à ces dangers".
[Recommande aux Etats membres] "dans les régions
où ces produits sont susceptibles de dépasser les
tolérances maximales, d'informer la population
des risques sanitaires correspondants".
I - Petit historique. La contamination en Europe et les principales
recommandations et réglementations européennes de
1986 à 2003
Les passages les plus importants seront
mis en gras.
6 mai 1986 cette première Recommandation est "adressée
aux Etats membres concernant la coordination des mesures
nationales prises à l'égard des produits agricoles
suite aux retombées radioactives provenant d'Union soviétique".
La Commission des Communautés européennes indique
que "à la suite de l'accident survenu à
la centrale nucléaire de Tchernobyl en Union soviétique,
des éléments radioactifs se sont dispersés
dans l'atmosphère dont la retombée a été
constatée notamment dans la communauté".
Considérant que, "dans le souci légitime
de protéger les consommateurs, les Etats membres ont adopté
des mesures nationales en vue de restreindre ou d'interdire la
commercialisation de certains produits agricoles".
Cette recommandation ne sera pas appliquée en France
[1]. C'est tout le problème de la crise ouverte en France
concernant la gestion post-Tchernobyl par les autorités
françaises dont le Pr. Pellerin qui est posé jusqu'à
aujourd'hui.
30 mai 1986 [2] dans ce Règlement du Conseil "relatif
aux conditions d'importation de produits agricoles originaires
des pays tiers à la suite de l'accident survenu à
la centrale nucléaire de Tchernobyl" il s'agit,
un ton au-dessus, de "quantités considérables
d'éléments radioactifs". Ces termes seront
repris dans les règlements communautaires successifs relatifs
aux conditions d'importation de produits agricoles des pays tiers.
Dès le 30 mai 1986 il est indiqué que dans
les échanges entre pays membres et pays tiers l'unicité
du marché doit être préservée.
Le Règlement introduit dans la Communautés des modalités
communes, des tolérances maximales de contamination,
de façon à sauvegarder la santé des consommateurs
(mais sans porter indûment atteinte aux échanges
entre la Communauté et les pays tiers). Ainsi la radioactivité
maximale cumulée de césium 134 et 137 ne doit pas
dépasser 370 Bq par kg pour le lait et les denrées
alimentaires particulières destinées aux nourrissons
et 600 Bq/kg pour tous les autres produits concernés. Le
Règlement est obligatoire pour tout Etat membre.
Ce règlement sera prorogé ou modifié
plusieurs fois en réitérant les mêmes tolérances
maximales à respecter concernant la contamination en césium
134 et 137, avec des spécifications concernant les produits
exclus de la réglementation ou au contraire ceux auxquels
ils doivent s'appliquer et qui ont varié au cours du temps
[3] [4].
En 1990 il est rappelé que des contrôles appropriés
doivent toujours être effectués sur des produits
agricoles importés des pays tiers touchés par l'accident
car la contamination radioactive de certains produits dépasse
toujours les tolérances maximales de 1987 (celles de
1986 réitérées en 1987).
En 1999, coup de semonce, l'énoncé [5] introduit
les modalités d'application du Règlement
du Conseil et il est question de cas répétés
de non-respect des "tolérances maximales".
Les articles du règlement sont précédés
d'un descriptif de l'atteinte de l'écosystème par
la radioactivité y compris dans les Etats membres où
l'on constate qu'au cours du temps la contamination radioactive
de certaines espèces de champignons ne diminue que très
peu ou pas, et peut même augmenter et dépasser les
normes :
"(1) considérant que les retombées de césium
radioactif consécutives à l'accident survenu à
la centrale nucléaire de Tchernobyl le 26 avril ont atteint
un grand nombre de pays tiers ; que des cas répétés
de non-respect des tolérances maximales ont été
constatés pour les importations de certains types de champignons
en provenance de certains pays tiers ;
(2) considérant que des retombées similaires ont
touché certaines parties du territoire d'Etats membres
de l'Union européenne ;
(3) considérant que les forêts et les zones boisées
constituent généralement l'habitat naturel des champignons
non cultivés (les produits repris à l'annexe I)
et que ces écosystèmes tendent à conserver
le césium radioactif par un échange cyclique entre
le sol et la végétation ;
(4) considérant que par conséquent, la contamination
permanente par le césium radioactif des champignons non
cultivés a très peu diminué depuis l'accident
précité et peut même avoir augmenté
pour certaines espèces ;
(5) considérant que, en 1986, la Commission a effectué
et mis à jour ensuite une évaluation des risques
potentiels pour la santé humaine présentés
par les aliments contaminés par le césium radioactif
; que cette évaluation reste pertinente compte tenu de
la période radioactive physique de la substance en cause
et que, par ailleurs, la tolérance maximale est conforme,
pour l'essentiel au niveau recommandé par la Commission
du Codex alimentaire ()"
S'ensuit une liste de modalités : les Etats membres doivent
procéder à des contrôles sur les produits
originaires des pays tiers mais aussi procéder à
des contrôles nationaux en application du traité
EURATOM afin que les normes de base soient respectées.
Il y a lieu dans l'immédiat de renforcer le contrôle
des champignons.
Le Règlement comprend cinq articles sur les modalités
du contrôle. Par exemple si un produit en provenance d'un
pays tiers dépasse les normes, tous les produits de même
nature de ce pays sont contrôlés. Des certificats
d'exportation sont exigés pour les produits agricoles.
Une liste des bureaux de douane figure pour les 15 pays de l'Union.
L'Etat membre s'assure que le certificat d'exportation délivré
par les autorités compétentes des pays tiers atteste
que le produit respecte les tolérances maximales, celles
figurant dans le Règlement CEE n°737/90 [réitérées
depuis le 31 mai 1986].
En 2000, un nouveau Règlement [6] modifie celui
de 1990 qui était prévu jusqu'au 31 mars 2000. Il
est précisé que la contamination radioactive de
certains produits agricoles originaires des pays tiers les plus
touchés par l'accident dépasse toujours les tolérances
maximales de radioactivité réglementaires, tolérances
maximales qui sont redonnées.
"Il est désormais établi scientifiquement
que la durée de la contamination par le césium-137
consécutive à l'accident de Tchernobyl pour certains
produits provenant d'espèces qui vivent et se développent
dans les forêts et les zones boisées dépend
essentiellement de la durée de demi-vie physique dudit
radionucléide, à savoir quelque trente ans".
Ainsi pour ces espèces comme certains champignons c'est
la période de 30 ans du césium 137 qui est
désormais déterminante (l'écosystème
retient le césium radioactif comme indiqué dans
le Règlement de 1999, le césium ne migre plus en
profondeur).
Le Règlement précise que pour l'importation de champignons
déshydratés il y a lieu de calculer les tolérances
maximales sur la base des produits reconstitués prêts
à la consommation.
Le paragraphe (6) mentionne que le règlement (EURATOM)
3954/87 du Conseil a fixé les niveaux maximaux admissibles
de contamination radioactive pour les denrées alimentaires
et les aliments pour le bétail après un accident
nucléaire (voir réf. [2] et il est ajouté
"Il est nécessaire dans un tel cas d'assurer la
cohérence des mesures mises en oeuvre". [En
clair cela veut dire de passer à des niveaux de contamination
admissibles plus élevés en cas d'accident]
II - 2003, l'intitulé de la Recommandation "annulée"
comportait pour la première fois la protection et l'information
du public eu égard à l'exposition résultant
de la contamination.
Il est rappelé dans les 8 premiers paragraphes que
des retombées de césium radioactif ont atteint un
grand nombre de pays tiers et que des retombées importantes
ont touché certaines parties du territoire d'Etats membres
et de pays candidats à l'Union européenne.
Que des tolérances maximales pour le césium
radioactif ont été fixées pour l'importation
des produits agricoles originaires des pays tiers, "dont
le respect fait l'objet de contrôles de la part des Etats
membres". Que "les Etats membres se sont
engagés [dès le 12 mai 1986] à appliquer
les mêmes tolérances maximales aux échanges
intracommunautaires" [celles qui seront adoptées
le 30 mai 1986]. (370 Bq/kg pour les produits laitiers pour
nourrissons et 600 Bq/kg pour les autres produits).
Que "les mesures in situ sur les territoires des
Etats membres découlent des obligations légales
définies dans la Directive européenne 96/29 du 13
mai 1996" [7] [celle qui introduit la limite annuelle
de 1 mSv pour le public].
La description radioécologique complète celle donnée
précédemment en 1999 :
"(9) Les écosystèmes naturels et semi-naturels
tels que les forêts et les zones boisées constituent
généralement l'habitat naturel du gibier, des baies
et des champignons sauvages et ces écosystèmes ont
tendance à conserver le césium radioactif par un
échange cyclique entre les couches supérieures du
sol (litière), les bactéries, la microfaune, la
microflore et la végétation. En outre, le sol de
ces écosystèmes, principalement constitué
de matières organiques, tend à augmenter la disponibilité
biologique du césium radioactif.
(10) Les végétaux forestiers susceptibles d'être
consommés par l'homme sont les fruits comestibles, en particulier
les baies sauvages telles que les myrtilles, les fruits du faux
mûrier, les canneberges, les framboises, les mûres
et les fraises des bois. L'évolution de la contamination
des baies sauvages par le césium radioactif montre que
cette contamination a légèrement diminué
ou est est restée stable, en particulier pour les espèces
vivaces, depuis l'accident de Tchernobyl.
(11) En raison de l'impact de la nature des sols forestiers sur
la présence de césium radioactif, beaucoup d'espèces
de champignons sauvages comestibles (chanterelles, bolets bais,
pieds de mouton et autres champignons comestibles connus) continuent
de présenter des niveaux de césium radioactif supérieurs
à 600 Bq/kg. Les champignons des espèces mycorhisiennes
vivant en symbiose avec des arbres et dont le mycélium
se développe en profondeur (Boletus edulis par exemple)
ont été touchés beaucoup plus tard par les
retombées et présentent actuellement des niveaux
très élevés de contamination par le césium
radioactif.
(12) La contamination par le césium radioactif concerne
également des espèces animales telles que le gibier
sauvage et les poissons d'eau douce carnivores provenant de lacs
situés dans des régions où les dépôts
ont été les plus importants. En particulier la présence
d'espèces fortement contaminées dans l'alimentation
(lichen, mousses et notamment certaines espèces de champignons)
contribue manifestement à accroître la contamination
du gibier sauvage qui les consomme.
(13) Il est admis que la durée de la contamination de certains
produits provenant d'espèces vivant et se développant
dans les forêts et les autres écosystèmes
naturels et semi-naturels par le césium radioactif dépend
principalement de la période radioactive de ce radionucléide
qui est de quelque trente ans et que, par conséquent, aucune
évolution appréciable de cette contamination ne
sera observée au cours des prochaines décennies.
(14) Ces dernières années, les données communiquées
à la Commission par certains Etats membres indiquent que
des niveaux élevés de césium radioactif peuvent
être présents dans le gibier, les baies et les champignons
sauvages ainsi que les poissons lacustres carnivores ?
(15) L'incidence de la viande de gibier sauvage dépassant
600 Bq/kg de césium radioactif diminue lentement, sauf
pour le sanglier, et des quantités non négligeables
de viande de gibier sauvage provenant de certaines parties du
territoire de plusieurs Etats membres et pays candidats continuent
de dépasser les tolérances précitées.
(16) Dans certaines régions de République fédérale
d'Allemagne, les niveaux de césium radioactif dans la viande
de sanglier peuvent être dix fois plus élevées
ou davantage que les niveaux mesurés pour le chevreuil
ou le cerf. Ainsi l'incidence des cas de sangliers dépassant
600 Bq/kg de césium radioactif est en augmentation constante
depuis 1996 et s'élevait à 51% environ en 1999,
avec des valeurs maximales supérieures à 10 000
Bq/kg.
(17) Il est permis de supposer que, dans les parties du territoire
d'autres Etats membres et pays candidats qui présentent
des niveaux similaires de dépôts de césium
radioactif, les niveaux de contamination de la viande de gibier
sauvage et, en particulier, de sanglier devraient être comparables
à ceux relevés en République fédérale
d'Allemagne.
(18) Selon les données récentes, les concentrations
de césium radioactif restent élevées chez
les poissons carnivores d'eau douce provenant des de lacs situés
dans des zones où les dépôts sont les plus
importants, avec des valeurs maximales supérieures à
10 000 Bq/kg pour le brochet et 5 000 Bq/kg pour la perche.
(19) Les produits sauvages comestibles n'étant pas nécessairement
mis sur le marché par les chaînes alimentaires agro-industrielles,
il est possible qu'ils contournent la surveillance et les contrôles
réglementaires nationaux.
(20) Les Etats membres ont informé la population du risque
sanitaire résultant de la consommation de certaines catégories
de denrées alimentaires à la suite de l'accident
de Tchernobyl, mais la sensibilisation de la population à
la contamination persistante de produits alimentaires sauvages
tend à diminuer.
(21) Bien que les implications de la contamination de produits
sauvages pour la santé de la population soient très
faibles, le risque sanitaire pour les personnes qui consomment
de grandes quantités de ces produits provenant des régions
touchées ne peut être négligé et il
est dès lors nécessaire de sensibiliser la population
à ces dangers".
L'article 22 est relatif au rapide échange nécessaire
d'informations dans le cas de dépassement des tolérances
maximales entre les Etats membres [8].
RECOMMANDE AUX ETATS MEMBRES
1.En vue de protéger la santé des consommateurs,
de prendre les mesures appropriées afin que les tolérances
maximales applicables au césium 134 et au césium
137 visées à l'article 3 du règlement (CEE)
n°737/90 [il s'agit des 600 Bq/kg)] soient respectées
dans la Communauté pour la mise sur le marché du
gibier sauvage, des baies sauvages, des champignons sauvages et
des poissons lacustres carnivores.
2.Dans les régions où ces produits sont susceptibles
de dépasser les tolérances maximales, d'informer
la population des risques correspondants.
3.D'informer la Commission et de s'informer mutuellement des cas
consacrés de non-respect des tolérances maximales
par des produits de ce type au moyen du système communautaire
d'alerte rapide établi par le règlement (CE) n°178/2002
4.D'informer la commission et les autres Etats membres des mesures
prises en application de la présente recommandation.
Fait à Bruxelles, le 20 février
2003. Par la Commission Margot Wallström, membre de la Commission".
III- POURQUOI CETTE ANNULATION ?
On ne peut que formuler quelques hypothèses.
1) La Recommandation cite en exemple la contamination très
élevée de la viande de sanglier provenant de certaines
régions de la République Fédérale
Allemande. Des pays de l'Est candidats à l'Union ont été
beaucoup plus contaminés que chez nous (on se souvient
des montagnes de girolles arrivées en France, avec quel
contrôle ? et qui ont dû être retirées
des étals il n'y a pas si longtemps). On peut se demander
si cette recommandation n'était pas un avertissement avant
l'entrée de ces pays dans la Communauté européenne
pour les obliger à des contrôles sévères
? Mais dans ce cas pourquoi l'annulation ?
2) La conception de la radioprotection qui sous-tend ces recommandations
est d'admettre que la radioactivité provenant d'une contamination
par la nourriture, celle des produits sauvages, peut avoir un
effet sur la santé qui ne peut être négligé,
d'autant plus que cette nourriture contaminée peut passer
en dehors des circuits commerciaux. D'autre part elle peut être
consommée en grande quantité par certains individus.
Dès 1986 la Commission désirait, par l'adoption
de tolérances maximales des aliments, protéger les
consommateurs. S'intéresser aux individus, admettre, comme
le fait la Commission, des effets sanitaires liés à
la contamination alimentaire, même 17 ans après Tchernobyl,
c'est admettre des effets biologiques nocifs liés aux faibles
doses de rayonnement. Il faut rappeler que certains des membres
de notre académie des sciences et de l'académie
de médecine qui ne voulaient pas baisser les limites de
dose annuelle en 1995 ne sont pas convaincus de leur existence.
La recommandation fait référence à la nouvelle
directive européenne du 13 mai 1996 qui introduit la limite
de dose efficace annuelle de 1 mSv (1 millisievert) pour les membres
du public. Or elle était de 5 mSv lorsque les "tolérances
maximales" relatives à la contamination cumulée
du césium 137 et du césium 134 dans les produits
alimentaires ont été introduites le 30 mai 1986.
Pour rester logique ne faudrait-il pas les diviser par un facteur
5 ? On imagine le tollé général, alors que
des limites beaucoup plus élevées ont été
fixées en 1987 pour le prochain accident nucléaire
(voir référence [2].
3) Ceci entraîne une autre interprétation : de telles
recommandations n'allaient-elles pas raviver la polémique
en France, sur la sous-estimation de la contamination post-Tchernobyl
et des possibles effets sanitaires toujours niés par les
autorités françaises depuis Tchernobyl, alors que
la CRIIRAD et l'association française des malades de la
thyroïde ont déposé une plainte contre X, cancers
et autres affections thyroïdiennes étant imputés
aux retombées de Tchernobyl ?
On peut soupçonner l'intervention, à des niveaux
très élevés, d'autorités gouvernementales
(de quels pays ? ) pour que cette recommandation ait été
annulée. On aimerait bien qu'il y ait des journalistes
curieux à ce sujet, sachant que, dans le passé,
les autorités françaises ont pesé sur les
décisions européennes dans le domaine de la radioprotection.
(Et même à l'échelon mondial lorsqu'il s'est
agi en 1994 d'adopter les nouvelles normes qui baissaient les
limites de dose annuelles tant pour les travailleurs que pour
le public. C'est ainsi que lors de l'assemblée des gouverneurs
de l'Agence internationale de l'énergie atomique à
Vienne le gouverneur français s'était opposé
à leur adoption).
Or en France, c'est très agité en ce moment dans
les milieux de la radioprotection, (voir "Les retombées
sur la liberté d'expression des scientifiques, de la publication
de la carte de contamination de la France en 1986")
Bella Belbéoch, juin 2003
Notes
[1] Journal Officiel N°L118/28, 7 mai 1986. Cette recommandation
indiquait que " dans le souci légitime de protéger
les consommateurs, les Etats membres ont adopté des mesures
nationales en vue de restreindre ou d'interdire la commercialisation
de certains produits agricoles ". La Commission faisait
des propositions en vue de suspendre les importations des pays
tiers affectés de produits agricoles susceptibles d'être
contaminés et de prendre des mesures dans le secteur des
viande d'une part, des fruits et légumes d'autre part.
La Commission recommandait aux Etats membres de respecter sur
leur propre marché des tolérances maximales
pour le lait et produits laitiers ainsi que pour les fruits et
légumes (au 6 mai 500 Bq/kg pour le lait et produits laitiers,
350 Bq/kg pour les fruits et légumes puis au 16 mai respectivement
250 et 175 ; au 26 mai 125 et 90).
Durant le mois de mai la contamination essentielle provenait de
l'iode 131. Début mai des laits ont notablement dépassé
les 500 Bq/l notamment le lait de brebis en Haute-Corse qui a
dépassé les 10 000 Bq/l (15 000 Bq/l selon M. Cogné
directeur de l'IPSN dans sa réponse au Dr. Denis Fauconnier)
sans qu'aucune information ait été donnée
à la population. Nous avons publié un dossier sur
la contamination en France dans la Gazette Nucléaire
78/79, juin 1987.
Les recommandations européennes n'ont pas été
appliquées en France (sauf tardivement pour la consommation
des épinards en Alsace) et les informations communiquées
à la Commission européenne ont été
erronées (Gazette Nucléaire 88/89, juin 1988).
Dans la Gazette 75 de janvier 1987 figurent les analyses
de la CRIIRAD.
[2] JO N°L146/88, 31 mai1986. Règlement (CEE) N°1707/86
du Conseil du 30 mai 1986 relatif aux conditions d'importation
de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite
de l'accident survenu à la centrale nucléaire de
Tchernobyl. Prorogé par les Règlements (CEE) n°3020/86,
624/87 puis le 22 décembre 1987 par le Règlement
n°3955/87.
[Ce même jour a été adopté un Règlement
n°3954/87 " fixant les niveaux maximaux admissibles
de contamination radioactive pour les denrées alimentaires
et les aliments pour bétail après un accident nucléaire
ou dans toute situation d'urgence radiologique ". Ces
niveaux (pour le lait 500 Bq/l et l'iode 131, 1000 Bq pour les
Cs134 et 137) pour le prochain accident sont plus élevés
que ceux en vigueur depuis le 30 mai 1986 après Tchernobyl.
On se réfèrera à la Gazette Nucléaire
84/85, janvier 1988 qui dénonçait le rôle
des experts français à la Commission européenne
et celui de certains de nos académiciens. Une lettre GSIEN
adressée au directeur du journal Le Monde n'a pas
été publiée, comme d'habitude].
[3] JO du 29 mars 1990, L82/1. Le Règlement (CEE) N°737/90
du Conseil du 22 mars 1990 donne ainsi en annexe I la liste des
produits impropres à la consommation humaine et en annexe
II les codes du lait et des produits laitiers auxquels s'applique
la tolérance maximale de 370 Bq/kg dont la liste est plus
longue qu'en 1987. (Plutôt que des codes on aurait préféré
avoir les noms en clair !).
[4] Règlement (CEE) N°598/592 de la commission du 9
mars 1992 établissant une liste de produits exclus du champ
d'application du règlement 737/90 du Conseil.
[5] Règlement (CE) N°1661/1999 de la Commission du
27 juillet portant modalités d'application du règlement
(CEE) n°737/90 du Conseil relatif aux conditions d'importation
de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite
de l'accident survenu à la centrale nucléaire de
Tchernobyl.
JO du 29 juillet 1999, L197/17 à L197/24.
[6] Règlement (CE) n°616/2000, JO n°L75/1 du 24/03/2000.
[7] Directive européenne 96/29 Euratom du Conseil du 13
mai 1996, JO du 29 juin 1996, L159/1
[8] Règlement (CE) N°178/2002 du Parlement européen
et du Conseil du 28 janvier 2002, "établissant les
principes généraux et les prescriptions générales
de la législation alimentaire, instituant l'Autorité
européenne de la sécurité des aliments et
fixant les procédures relatives à la sécurité
des denrées alimentaires" JO du 1er février
2002, L31/1 à L31/10.