Ils ont osé le faire !
Le réacteur à neutrons
rapides de Marcoule, tombé en panne lors de son 49è
cycle de combustible (en 1989/1990), n'avait que peu fonctionné
depuis, pour la clôture de son 49 cycle (fin 1994) puis
lors d'une tentative sur le 50è cycle en 98/99.
La panne : des pertes multiples de réactivité, n'avait
jamais trouvé de "version officielle" ; la version
officieuse et probable n'étant à l'évidence
pas avouable.
Conçu à l'origine comme prototype de surgénérateur,
capable de produire plus de plutonium qu'il n'en consommait, il
devait postérieurement être reclassé, comme
son successeur Superphénix, en laboratoire d'"incinération"
des actinides mineurs.
Dès le subterfuge avéré de la "surgénération",
ce réacteur n'avait plus lors d'utilité, ce qui
réduisait à néant la théorie de l'abondance
énergétique nucléaire avec des "rapides"
qui fertiliseraient l'uranium 238 non énergétique.
C'est tout le programme électronucléaire français
qui faillit sombrer dans le ridicule. Pour pallier cet échec,
le programme Mox, mélange d'uranium appauvri et de 6% de
Plutonium, comme combustible dans les réacteurs à
eau pressurisée fut lancé afin de justifier le maintien
de la filière avale du cycle de combustible et la poursuite
du retraitement chimique des combustibles irradiés par
Cogéma La Hague. Curieusement d'ailleurs, les décrets
d'autorisation de création des 28 réacteurs à
eau pressurisée de 900 MWé du palier CPY, autorisaient
l'utilisation du Mox bien avant l'échec de Superphénix,
comme si d'importants décideurs n'avaient qu'une confiance
très limitée dans l'avenir de la surgénération
et envisageaient un terrain de repli pour la filière plutonium
et l'usine de retraitement.
Mais ce procédé est particulièrement coûteux
et double sensiblement le prix du kilowattheure nucléaire,
comparé au combustible à uranium légèrement
enrichi (3 à 4% d'U 235 au lieu de 0,7% dans l'uranium
naturel).
L'autre justificatif avancé pour pallier l'échec
de la surgénération était l'élimination
des déchets radioactifs par transmutation. Si ce procédé
est en théorie possible, son étude au CEA dans les
années 70 démontrait, tant par le calcul des sections
efficaces que par le retour d'expérience des réacteurs
à neutrons rapides Rapsodie et Phénix, que la réalité
était tout autre, il produisait en réalité
plus d'actinides mineurs (les déchets les plus toxiques
et de longue vie) qu'il n'en consomme.
C'est à un parlementaire peu scrupuleux, le député
Bataille (PS) que fut demandé l'établissement de
rapports mensongers, falsifiés, pour valider politiquement
cette décision qui permet de faire croire aux populations
que la "science" est en passe de trouver une solution
aux problèmes des déchets nucléaires. Ces
rapports ont obtenu la complicité candide d'un député
Vert Européen, principal opposant revendiqué à
l'usine Cogéma La Hague, qui de sa haute incompétence
et au "nom des populations futures", justifiait les
études sur la transmutation nucléaire, donnant ainsi
une légitimité écologique à son pire
ennemi.
En 1992, le patron de la sûreté nucléaire,
viré par le ministre de l'Industrie Strauss-Kahn après
avoir signifié son opposition au redémarrage de
Superphénix, fut remplacé par une mauviette servile,
qui déclara sans l'ombre d'un scrupule que cet ex-surgénérateur
tête de série industrielle, déclassé
en prototype puis en laboratoire géant à neutrons
rapides, était apte à reprendre du service, ce,
malgré les problèmes de sodium non résolus
et l'absence d'accumulateurs de pression dans les quatre boucles
du circuit secondaire. Il fallut attendre le carton rouge de la
Cour des comptes en 1997, à 60 milliards de francs, non
compris les frais d'études (27 milliards de F en 1988 dans
le rapport Rouvillois) pour décider de l'arrêt de
ce fleuron de la haute stupidité des politiciens et scientifiques
français. Il n'avait fonctionné qu'un an d'équivalent
"pleine puissance" en 11 ans de service. Officiellement,
le "point" fut accordé aux écolos, ce
qui évitait de perdre la face et d'avouer l'échec
scientifique, technologique et économique devant les populations.
Cette année, ce brillant patron de la sûreté
nucléaire, qui nous a liquidé en 10 ans le peu de
transparence et de culture de sûreté durement acquises
dans l'après Tchernobyl - mais qui s'empresse de co-signer
les textes de propagande atomique dans la presse - a à
nouveau donné son aval au redémarrage de Phénix,
une installation dont on sait, depuis les incidents de 89/90,
que la réaction neutronique peut ne pas être contrôlable.
Associés à quelques politiciens véreux et
à la bande de scientistes du CEA, ce Grand Maître
de la sûreté nucléaire a donc permis au CEA
et au gouvernement la remise en service de Phénix, réacteur
vieux de 30 ans, dont le seul but est de fournir aux politiciens
un justificatif falsifié mais crédible, à
destination des populations, afin de laisser croire que la science
va trouver la solution à un problème qui n'en a
aucune et dont les résultats sont connus depuis un quart
de siècle, ceci pour maintenir les croyances erronées
dans les capacités énergétiques du nucléaire.
Phénix n'est qu'une coûteuse et particulièrement
dangereuse opération de propagande ; une gigantesque opération
de désinformation !
Claude Boyer, juin 2003