Nous donnons ci-dessous les résultats d'une enquête sur le thermique classique (ou thermique à flamme) du parc EDF, de la SNET (société nationale d'électricité et de thermique), sur la production électrique par cogénération et sur une centrale en cours de réalisation de Gaz de France. Dans la production thermique classique, le Réseau de Transport d'Electricité comptabilise les productions d'industriels dotés de leurs propres moyens de production dont il ne sera pas question ici.
Ce que nous répétons depuis une
dizaine d'années est en train de se réaliser : EDF
poursuit son programme de réduction du parc thermique classique
dans l'indifférence générale, sauf celle
des travailleurs concernés pour qui c'est la " casse
" qui est programmée.
La mise à l'arrêt garanti pluriannuel (AGP) d'une
tranche EDF permet, en principe, de la " réactiver
" en cas de besoin (il faut 18 mois pour la réactiver),
c'est arrivé en 1993 à la tranche 2 d'Aramon, mais
c'est le plus souvent le prélude à sa mise en
retrait définitif d'exploitation et à son démantèlement.
Cela fait bouger les travailleurs mais eux seuls alors que devraient
s'inquiéter non seulement les travailleurs mais aussi les
antinucléaires ! En effet, étant donné le
nombre de tranches déjà en AGP auxquelles vont s'ajouter
celles prévues par les décisions de juillet 2003
et vu les tranches déjà en retrait d'exploitation,
la situation est en passe de devenir rapidement irréversible
nous engluant dans le nucléaire par défaut de puissance
installée charbon et fioul disponible
Données préalables, statistiques pour 2002
- du ministère de l'Industrie, sept. 2003 : production total brute d'électricité
558,8 TWh (hydraulique 12%, nucléaire 78%, thermique classique
10%). La consommation totale a été de 450,2 TWh
(déduction du solde export - import de 76,9 TWh et de la
consommation des auxiliaires et pompages 31,7 TWh). La consommation
nette a été de 419,3 TWh (Observatoire de l'énergie.
L'énergie en France, repères. Statistiques énergétiques
France, Energies et matières premières).
- du Réseau Transport d'Electricité (RTE) :
production totale nette 534,3 TWh (nucléaire 77,8%, thermique
classique 9,6% avec 51,1 TWh, hydraulique 12,3%, autres renouvelables
0,4%). Consommation intérieure 447,9 TWh.
La production du parc thermique classique EDF
a été de 20,6 TWh pour une puissance en service
(réellement exploitée) de 10 575 MW, la puissance
maximale disponible étant de 16 160 MW.
Evolution des puissances exploitée et disponible depuis
1997 :
Les données statistiques d'EDF au 31/12/1997 indiquaient
une puissance maximale disponible du parc thermique classique
de 17,7 GW (17 700 MW)
Au 31/12/1998 elle s'abaisse à 17 200 MW : expliquée
par le retrait définitif d'exploitation de la tranche 250
MW du centre de production thermique (CTP) de Pont-sur-Sambre
qui a été démantelée, par le retrait
des tranches 1, 2, 4 du CTP de Richemont et des ajustements de
puissance à Vitry (courrier EDF du 02/02/1999).
Données décembre 2003
Il y a actuellement 1580 MW en retrait d'exploitation (tranches
dites en RTE), 6 tranches du palier 250 MW (3 à charbon,
3 à fioul dont 2 - une de chaque combustible - sont en
cours de démantèlement) et 2 petites turbines à
combustion de 40 MW.
Situation fin juin 2003 : Il y avait en service 37 tranches
correspondant à une puissance maximale nette de 10 575
MW dont 6 075 MW charbon (19 tranches), 3290 MW fioul (7 tranches)
401 MW gaz de haut-fourneaux (4 tranches), 809 MW par TAC (1 turbine
à combustion à gaz naturel, 6 à fioul).
Le potentiel installé disponible, encore présent
: à la puissance en service s'ajoute celle correspondant
aux tranches en arrêt garanti pluriannuel AGP. Fin juin
la situation était la suivante :
Les tranches peuvent rester en AGP plusieurs années de
suite, mais pour que la " réactivation " puisse
se faire il faut qu'une bonne maintenance soit assurée,
cela paraît évident, or ce n'est pas l'optique actuelle,
celle du moindre coût. Le risque est réel de voir
ces AGP aboutir au retrait d'exploitation définitif (RTE)
suivi du démantèlement.
C'est cette menace de fermeture qu'expriment les syndicats
et qui mobilise le personnel.
On peut déjà remarquer que pour une puissance en
service de 10 575 MW une production de 20,6 TWh est faible : elle
correspond à une efficacité de 22% comme si dans
leur ensemble les tranches avaient fonctionné moins de
2000 heures alors que l'efficacité des centrales nucléaires
est d'environ 80%. Les centrales à combustibles fossiles
sont peu utilisées pour permettre au nucléaire de
s'affirmer.
" La Maintenance-Fermeture " :
Le thermique classique n'étant utilisé qu'en pointe
cela suppose un grand nombre d'arrêts-démarrages
pas fameux pour l'installation en service.La qualité de
la maintenance est en train de se détériorer. D'après
les syndicats les révisions des tranches et certaines décennales
sont compromises. Un tract de FO indique : " la logique
des fermetures prend sciemment les choses à l'envers en
conditionnant les programmes de maintenance à la date "étudiée"
de mise en AGP ", ce que FO appelle la "
Maintenance-Fermeture ".
Début juillet 2003. Le palier 250 MW est visé
: c'est la mise en AGP immédiate décidée
pour la dernière tranche en exploitation de Champagne sur
Oise (250 MW charbon) ce qui abaisse la puissance en service à
10 325 MW, et 4 autres seront mises en AGP : celles de
Loire sur Rhône au 30 avril 2004, Montereau au 31 mai 2004,
Vaires sur Marne et Ambès au 31 mars 2005. La puissance
en service ne sera plus que de 9 325 MW. Mais si les informations
officielles d'EDF parlent de mise en AGP, les syndicats, avec
réalisme, craignent le retrait définitif d'exploitation
et indiquent dans le communiqué de presse du 3 juillet
2003 :
" Les organisations syndicales CGT/CFDT/FO/CGC condamnent
sans appel la confirmation des retraits d'exploitation définitifs
de 5 tranches thermiques classiques ". Les syndicats
confirment aussi leur exigence " pas 1 MW déclassé
sans 1 MW neuf ". Mais les réactions syndicales
ne concernent que le maintien de l'emploi et pas l'utilisation
de ces installations pour permettre un arrêt rapide du nucléaire.
www.atomique.com/pages/thermique/060703com.html
Les 2 tranches (125 MW chacune) gaz de haut-fourneau de Dunkerque
dont les chaudières ont été rénovées
en 1994 et 1995 seront hors d'exploitation en 2005 (mais là
Gaz de France prend le relais, voir plus loin).
Quant aux projets de rénovation et de nouvelles installations
les plus modernes, lors d'une rencontre le 7 octobre entre des
délégués FO et M. Lescoeur représentant
la haute hiérarchie de la Branche énergie, M. Lescoeur
a indiqué au sujet du thermique classique " il
fallait continuer à l'adapter et les investissements neufs
nouveaux n'interviendront qu'après le nucléaire
(pas avant 2015) ". "L'adapter" ça signifie
en fait le réduire au minimum mais c'est lui qui permet
d'ajuster les pointes nécessaires de production.Evidemment
la région parisienne pose problème car il ne restera
plus que 2 CPT sur 5 et il sera difficile d'assurer les pointes
d'hiver ou de la caniculeM. Lescoeur a évoqué "
la sortie d'AGP des tranches fioul de Porcheville ".
N'est-ce qu'une façon d'amadouer les syndicats ?
Signalons parmi les améliorations environnementales : Réduction
des émissions de SO2 (dioxyde de soufre) en 1999 par installations
de nettoyage des fumées sur les 3 plus importantes unités
brûlant du charbon, Cordemais 4 et 5, Le Havre 4. En région
parisienne limitation de la teneur en soufre pour les charbons
brûlés à Vitry (0,55%). Réductions
des oxydes d'azote par l'emploi de brûleurs bas NOx (Vitry,
Blénod, Porcheville), par optimisation de la combustion
; extension de ces mesures prévues sur Cordemais et Le
Havre pour être conformes aux futures normes européennes.
Captation des poussières : en complément des dépoussiéreurs
électrostatiques équipant toutes les centrales,
emploi à Vitry de dépoussiéreurs mécaniques.
Optimisation des performances des équipements à
Bouchain et Vaires. (Mais les cheminées de Vaires semblent
gêner un couloir de l'aéroport de Roissy, serait-ce
la raison de la mise en AGP prévue en 2005 ?).
Le label environnement certifié ISO 14001 a été
obtenu par Le Havre le 29/06/1999 et par Vitry le 30 mai 2000.
Pourtant les travailleurs de Vitry sont inquiets eux aussi.
La SNET (société nationale d'électricité
et de thermique) est une filiale de Charbonnage de France (51%),
du groupe espagnol ENDESA (30%) et d'EDF (19%).
La SNET regroupe en France plusieurs sociétés productrices
d'électricité, une société dédiée
à la valorisation des cendres, elle est majoritaire dans
une unité de cogénération en Pologne, participe
en Turquie à un cycle combiné gaz etc.
La SNET a 8 tranches de production sur 4 sites en France (anciens
bassins houillers), dans le Nord à Hornaing (1 tranche
240 MW), en Lorraine à Carling le site Emile-Huchet (4
tranches : 125 MW, 343 MW, 600 MW et le LFC- lit fluidisé
circulant- de 125 MW), en Saône et Loire le site Lucy à
Montceau-les-Mines (1 tranche 240 MW) et en Provence le site de
Gardanne (2 tranches dont le LFC de 250 MW et 1 tranche 580 MW
qui aurait dû devenir un LFC). Suite à la
fermeture de la mine de Decazeville la centrale voisine de Penchot
est abandonnée et les études de démantèlement
sont en cours.
La production 2002 a baissé : 5,669 TWh (7,611 en
2001) pour une puissance nette de 2471 MW. C'est un résultat
médiocre. Jusqu'à présent la SNET devait
fournir essentiellement EDF. Les ventes à EDF ont représenté
les trois-quarts de la production 2002. Ceci implique de nombreux
arrêts-redémarrages à l'origine de défaillances
techniques. Le groupe 5 de Carling a enregistré 200 démarrages
en 2002 contre 35 en 2000 et 2001 ! Dans le rapport 2002 on lit
" Ces nouvelles contraintes du marché ont conduit
la SNET à changer sa gestion de production et à
passer d'une programmation axée sur la disponibilité
en réponse aux appels d'EDF à une programmation
autonome pour répondre aux besoins des marchés de
gros ".
On ne parle plus de la deuxième tranche à lit fluidisé
circulant de 600 MW pour Gardanne dont il a été
question depuis plusieurs années.
(www.atee.fr
association technique énergie environnement. Contact :
le Club cogénération).
Dans une unité de cogénération il y a
à la fois production d'électricité et de
chaleur sous forme d'eau chaude utilisée par les réseaux
de chauffage ou de vapeur pour les industriels. Le rendement global
électricité + chaleur est élevé, environ
85%. Le club cogénération estime que la cogénération
ne fait pas partie du thermique classique (ou à flamme)
car elle s'en différencie par le rendement global qui intègre
la chaleur alors qu'elle est perdue dans le parc classique.
Le rendement électrique est de l'ordre de 35 % : à
partir d'1 kWh de gaz naturel on produit de 0,3 à 0,4 kWh
d'électricité (0,4 kWh pour les bonnes chaudières).
En 2002 :
- la puissance installée en cogénération
était de l'ordre de 4 500 MW (dont 2 500 MW pour les industriels)
- la production électrique annuelle a été
d'environ 16 TWh
Les statistiques tant de production que de consommation de
gaz ne sont pas faciles à établir. Il y a quelques
divergences concernant la consommation de gaz naturel. Avec un
rendement moyen de 35% la consommation de gaz naturel serait de
l'ordre de 46 TWh. L'association française du gaz (AFG)
m'a indiqué 59 TWh de consommation pour 4 500 MW sans indiquer
la production électrique. Quant à la DGEMP / Observatoire
de l'énergie, avril 2003 " la production d'électricité
au gaz augmente : 45 TWh de gaz naturel et 10,9 TWh de gaz industriels
ont été consommés dans les centrales à
gaz " sans indiquer les productions mais 45 TWh c'est
bien dans la fourchette attendue pour le gaz naturel.
On retiendra que 16 TWh produits ce n'est pas du tout à
négliger.
Le développement en plein essor s'est arrêté cette année : D'après les renseignements fournis par le Club cogénération, la France était très en retard pour la cogénération, la puissance installée était de 600 MW en 1996. De 1997 à 2000 le retard commençait à s'effacer avec 3 600 MW installés. Depuis, seulement 250 MW. Un des facteurs de stagnation serait la loi sur l'électricité avec obligation d'achat par EDF seulement pour des installations dont la puissance est inférieure à 12 MW d'autre part il y a des incertitudes quand le marché du gaz sera ouvert c'est ainsi que plusieurs gros projets industriels ont été annulés. Les statistiques RTE (Réseau transport d'électricité) indiquent " Raccordement au réseau de RTE d'une cogénération de 50 MW en 2002 " alors que les espoirs du club cogénération sont une augmentation annuelle de 300 MW.
www.rte-France.com/htm/fr/vie/telecharge/energie_electrique_en_France_2002.pdf
www.industrie.gouv.fr
/ www.energie-plus.com
J'ai été étonnée
en posant la question dans différents bureaux de Gaz de
France " Pouvez-vous me donner des informations sur la production
électrique à partir du gaz ? " car j'ai eu
une réponse " ah bon, on peut faire de l'électricité
à partir du gaz ? ". Pour l'opinion générale,
avec toute la publicité récemment dans les journaux
on ne fait de l'électricité qu'avec du nucléaire
et de l'éolien.
Gaz de France a démarré à Dunkerque
la construction de la centrale à cycle combiné dénommée
DK6 qui doit utiliser les gaz de haut-fourneau de l'usine sidérurgique
SOLLAC (groupe Arcelor) et du gaz naturel arrivant par le Franpipe
de Norvège à Loon-Plage (Nord). GDF a créé
deux filiales DK6 (propriétaire de l'installation,
responsable du financement, de la construction et de l'exploitation
de la centrale) et Dunelys, (arrêté d'autorisation
paru au JO le 18 sept. 2002) chargée des achats de gaz
et de la commercialisation de l'électricité produite.
Cette centrale de 800 MW sera composée de 2 tranches identiques
de 400 MW, elle remplacera la centrale EDF composée de
2 unités de 125 MW qui était alimentée par
les gaz de haut-fourneau de Sollac et qui va être fermée
en mars 2005 et démantelée (les travailleurs EDF
espèrent être reclassés chez GdF).
DK6 a choisi ALSTOM pour la construction qui doit livrer la centrale
clés en main en février 2005. COFATHEC, filiale
de GdF, a un contrat d'assistance avec DK6.
DK6 ne produira que de l'électricité à l'aide
de 2 turbines, une à gaz et une à vapeur. Elle comprendra
2 unités semblables de 400 MW chacune : 170 MWe produits
par la turbine à gaz et 230 MWe par la turbine à
vapeur. Mais dans le cas particulier de DK6, en plus du gaz naturel
on utilise les gaz de haut-fourneau provenant de la SOLLAC qui
sont brûlés dans une chaudière additionnelle
qui vont alimenter la turbine à vapeur :
Il y a ainsi une première entrée vers la turbine
à gaz naturel de 170 MW alimentant l'alternateur. Les gaz
d'échappement vont sur un échangeur qui produit
la vapeur pour la turbine à vapeur de 230 MW. Une deuxième
partie de la chaudière brûle les gaz HF de la SOLLAC
qui vont aussi alimenter la turbine à vapeur de 230 MWe
et l'alternateur. (5 milliards de m3 de gaz sidérurgiques
seraient ainsi valorisés chaque année). La Sollac
va bénéficier d'un contrat de 20 ans et utilisera
30 à 40 % de l'électricité produite le reste
étant mis à disposition par Gaz de France qui le
met sur le marché (via sa filiale Dunelys) par le réseau
EDF.
Il est intéressant de voir qu'une telle centrale peut se
construire en 3 ans. Pour une turbine à cycle combiné
le rendement est de 50 à 60%, 50% est une valeur "
honnête " c'est à dire que 1 TWh de gaz naturel
produit 0,5 TWh d'électricité.
Actuellement il n'y a pas d'autres projets en cours ou envisagés
pour intervenir d'une façon efficace dans une sortie rapide
de l'énergie nucléaire.
www.atomique.com/pages/dunkerque/2102031etcoh.html
www.cofathec.fr/fr/actualite/une.asp
www.gazdefrance.fr/institutionnels/devdurable/article.php3?id_article=11
B. Belbéoch, décembre 2003