Le Monde, 19 décembre 2006:
Outre la perte du contrat chinois, le réacteur EPR d'Areva - fierté des "nucléocrates" français - subit un autre revers : le retard de son programme phare, en Finlande.
Lancé au printemps 2005, le chantier
d'Olkiluoto - le premier réacteur commandé en Europe
depuis la catastrophe de Tchernobyl en 1986 - a pris dix-huit
mois de retard. Quant à sa mise en service, programmée
pour l'été 2009, elle a été reportée
en 2011, a prévenu le groupe d'électricité
finlandais TVO, qui exploitera la centrale.
Ce retard s'explique, selon Areva, par un calendrier initial intenable
(quatre ans), une multitude de sous-traitants, des malfaçons
dans le béton réalisé par un sous-traitant
local de Bouygues, des problèmes dans des circuits de refroidissement
et une procédure de certification de chaque élément
très lourde de la part de Stuk, l'autorité de sûreté
nucléaire finlandaise.
"Un projet d'une telle ampleur n'a pas été
réalisé depuis plusieurs années. Il a fallu
du temps pour que les secteurs industriels concernés atteignent
le niveau de performance requis", a reconnu Martin Landtman,
le chef du projet pour le client TVO.
L'enjeu est financièrement très lourd pour Areva,
puisque le retard a déjà coûté plus
de 700 millions d'euros au groupe, selon le ministère des
finances.
[Les contribuables français
payeront des millions d'euros... Areva a obtenu des garanties de la Coface (Compagnie française d'assurance pour le commerce
extérieur). La Coface qui garantit pour le compte de l'Etat
les exportations des industriels français vers des pays
à risque a accordé à Areva une garantie de
610 million d'euros, c'est le second plus important montant de
garantie accordé à un projet et surtout la seule
et unique garantie jamais accordée pour une exportation
vers un pays membre de l'Union Européenne et réputé
particulièrement sans risque économique ou politique.
Par ailleurs, le contrat entre TVO et Areva étant à
coût fixe, les très probables dépassements
seront à la charge d'Areva encore détenue à
près de 85% par l'Etat français. http://www.greenpeace.fr/EPR/actu20050217.php3].
Commercialement aussi. Après la Finlande, où un
second EPR est envisagé, et la France, où il remplacera
les centrales vieillissantes d'EDF à partir de 2020, Areva
veut le vendre aux Etats-Unis, en Chine, en Grande-Bretagne, en
Afrique du Sud ou en Inde - quitte à y délocaliser
une partie de la production, a suggéré Anne Lauvergeon,
président du directoire d'Areva.
C'est donc le branle-bas de combat au sein du groupe, qui a arraché
le contrat finlandais en 2003 à la barbe de General Electric.
Le conseil de surveillance et son comité d'audit suivent
le dossier de près. Mme Lauvergeon a demandé à
son numéro 2, Gérald Arbola, de superviser le projet
et chargé Philippe Knoche, un X-Mines de culture franco-allemande
(l'EPR est le fruit d'une collaboration Framatome-Siemens) de
le mener à bien.
Jean-Michel Bezat