L'avion atomique

A voir la présentation de l'Air Force US de 9 mn sur Youtube sur le Convair X-6 (un avion expérimental),
véritable banc d'essai volant avec un réacteur atomique en fonctionnement à bord... et cette
autre vidéo de 9mn (Youtube, basse déf.).


Extrait, Le Fana de l'aviation hors série n°21, mai 2003:

La tentation du nucléaire

Plus vite, plus haut, plus loin. Les progrès des turbomoteurs étant très rapides, la nouvelle énergie nucléaire paraissant inépuisable, la porte était ouverte à tous les rêves. Notamment celui de pouvoir voler indéfiniment, avec un rayon d'action presque illimité grâce au moteur atomique !

Dès la fin de la guerre, les ingénieurs américains entrevirent tout l'intérêt qu'il y aurait à doter les bombardiers stratégiques d'un système de propulsion nucléaire qui procurerait un rayon d'action théoriquement illimité. En 1945, Fairchild Engine & Aircraft Corporation mena les premières études de faisabilité d'un tel système et suscita l'intérêt de l'US Air Force qui, en mars 1946, lança le programme NEPA (Nuclear Energy Propulsion for Aircraft, propulsion nucléaire pour avions). Fairchild reçut alors un contrat pour aller plus avant dans ses recherches, et plusieurs autres sociétés furent associées à ce programme: la Division Allison de General Motors, Continental Motors Corp., General Electric Co., Pratt & Whitney, Northrop, etc. sans oublier le Flight Propulsion Research Laboratory du NACA. Ces travaux préliminaires furent, on s'en doute, menés dans le plus grand secret. Toutefois, en 1950, une commission du MIT (le "Lexington Committee") publia un important rapport dans la conclusion duquel le rapporteur affirmait que la propulsion nucléaire pour avions serait couronnée de succès, pour peu qu'on y affectât les ressources nécessaires. A la même époque, Louis Johnson, secrétaire d'Etat à la Défense, déclara: "La mise au point d'avions supersoniques à propulsion nucléaire accroîtra dans d'énormes proportions l'efficacité des missions de bombardement et de reconnaissance stratégique, depuis les Etats-Unis vers n'importe quel point de la surface du globe."

A l'évidence, de telles recherches allaient nécessiter d'importantes installations dont Fairchild et l'US Air Force ne disposaient pas. La décision fut donc prise au printemps 1951, de confier ces expérimentations à General Electric. Ce motoriste signa presque aussitôt un contrat avec l'US Air Force et l'AEC (Atomic Energy Commission) pour la mise au point d'un moteur nucléaire à cycle direct. Dans un tel propulseur, l'air en provenance du compresseur passait à travers un petit réacteur nucléaire à la fois pour être réchauffé et pour refroidir le coeur du réacteur. L'air à très haute température se détendait ensuite dans une turbine de façon classique. Ce type de propulseur posait néanmoins un problème de taille. Le moteur et ses gaz d'échappement étaient hautement radioactifs. Par conséquent, il y avait lieu de protéger correctement l'équipage, les opérations de maintenance devaient être effectuées par télécommande, à distance La même année, Pratt & Whitney reçut un contrat analogue, mais pour travailler sur un réacteur dit "à cycle indirect". Dans ce dispositif, la chaleur du réacteur nucléaire était transférée à l'air grâce à des échangeurs, ainsi les gaz ne seraient pas [trop] radioactifs.

On construit un réacteur nucléaire pour avion
Au printemps de 1952, les travaux de General Electric avaient progressé au point que la décision fut prise de procéder à la construction d'un premier propulseur et de l'essayer en vol à l'aide d'un B 36 modifié (qui reçut la désignation X-6). A ce moment, le premier vol était prévu pour 1956. Mais, en 1953, l'ensemble du programme faillit bien être réduit à néant lorsque le nouveau secrétaire d'Etat à la Défense, Charles E. Wilson, décida son abandon. Faisant la sourde oreille, l'US Air Force, avec le soutien de l'AEC, poursuivit les travaux grâce à des budgets qui n'avaient pas été utilisés. L'année suivante, elle lança un programme de bombardier à propulsion nucléaire (système d'armes WS-125A) pour lequel deux équipes furent constituées: General Electric associée à Convair, et Pratt & Whitney associée à Lockheed.

Le réacteur de General Electric (désigné P-1) était constitué de quatre turboréacteurs J47 se partageant la chaleur d'un unique réacteur nucléaire R-1. La poussée combinée de l'ensemble était de l'ordre de 25 tonnes avec postcombustion. L'avion, conçu chez Convair (désigné NX-2), avait une configuration canard. Pour sa part, le propulseur de Pratt & Whitney était constitué d'un gros réacteur à double flux utilisant une turbine à vapeur de 49 000 ch pour entraîner une soufflante de plus de trois mètres de diamètre. L'air était réchauffé par le coeur du réacteur nucléaire par l'intermédiaire d'échangeurs. [...] En 1955, un réacteur nucléaire ASTR (Aircraft Shield Test Reactor) fut installé à bord d'un B-36 (NB-36H "Crusader") afin, non pas de le propulser, mais de recueillir des données sur les effets qu'un tel réacteur pourrait avoir sur l'équipage. Le NB-36H vola le 17 septembre 1955 et réalisa 47 vols. Fin 1956, l'US Air Force considéra que le concept du WS-125A était irréaliste et décréta l'abandon pur et simple du programme. Toutefois, General Electric continua de travailler sur ce type de réacteur jusqu'en 1959; de son côté, Pratt & Whitney étudia un troisième moteur nucléaire qui, cette fois, faisait appel à plusieurs réacteurs J58 modifiés.

 

A lire absolument (même s'il manque quelques indications sur la pollution radioactive des différents prototypes) le dossier réalisé par un "fana" des avions "La propulsion nucléaire aéronautique".

A lire dans la presse scientifique française de l'époque:

- "L'avion atomique", en PDF, Science et Vie n°492, septembre 1958.

- "L'avion atomique volera dans 5 ans", en PDF, Science et Vie n°456, septembre 1955.

Et pourquoi pas des dirigeables atomique... (Sciences et Avenir n°229, mars 1966)

 


Sciences & Avenir n°126, décembre 1957.

 


Newsweek, 4 juin 1956.

 


1955, l'illusion d'un avion atomique soviétique.

 


Sciences et Avenir n°68, octobre 1952.

 


Sciences et Avenir
n°50, avril 1951.

 


Sciences et Avenir
n°27, mai 1949.