Extrait, Le Fana de l'aviation
hors série n°21, mai 2003:
Plus vite, plus haut, plus loin. Les progrès des turbomoteurs étant très rapides, la nouvelle énergie nucléaire paraissant inépuisable, la porte était ouverte à tous les rêves. Notamment celui de pouvoir voler indéfiniment, avec un rayon d'action presque illimité grâce au moteur atomique !
Dès la fin de la guerre, les ingénieurs
américains entrevirent tout l'intérêt qu'il
y aurait à doter les bombardiers stratégiques d'un
système de propulsion nucléaire qui procurerait
un rayon d'action théoriquement illimité. En 1945,
Fairchild Engine & Aircraft Corporation mena les
premières études de faisabilité d'un tel
système et suscita l'intérêt de l'US Air Force
qui, en mars 1946, lança le programme NEPA (Nuclear Energy
Propulsion for Aircraft, propulsion nucléaire pour avions).
Fairchild reçut alors un contrat pour aller plus avant
dans ses recherches, et plusieurs autres sociétés
furent associées à ce programme: la Division Allison
de General Motors, Continental Motors Corp., General Electric Co.,
Pratt & Whitney, Northrop, etc. sans oublier le
Flight Propulsion Research Laboratory du NACA. Ces travaux préliminaires
furent, on s'en doute, menés dans le plus grand secret.
Toutefois, en 1950, une commission du MIT (le "Lexington
Committee") publia un important rapport dans la conclusion
duquel le rapporteur affirmait que la propulsion nucléaire
pour avions serait couronnée de succès, pour peu
qu'on y affectât les ressources nécessaires. A la
même époque, Louis Johnson, secrétaire d'Etat
à la Défense, déclara: "La mise au
point d'avions supersoniques à propulsion nucléaire
accroîtra dans d'énormes proportions l'efficacité
des missions de bombardement et de reconnaissance stratégique,
depuis les Etats-Unis vers n'importe quel point de la surface
du globe."
A l'évidence, de telles recherches allaient nécessiter
d'importantes installations dont Fairchild et l'US Air Force ne
disposaient pas. La décision fut donc prise au printemps
1951, de confier ces expérimentations à General
Electric. Ce motoriste signa presque aussitôt un contrat
avec l'US Air Force et l'AEC (Atomic Energy Commission) pour la
mise au point d'un moteur nucléaire à cycle direct.
Dans un tel propulseur, l'air en provenance du compresseur passait
à travers un petit réacteur nucléaire à
la fois pour être réchauffé et pour refroidir
le coeur du réacteur. L'air à très haute
température se détendait ensuite dans une turbine
de façon classique. Ce type de propulseur posait néanmoins
un problème de taille. Le moteur et ses gaz d'échappement
étaient hautement radioactifs. Par conséquent, il
y avait lieu de protéger correctement l'équipage,
les opérations de maintenance devaient être effectuées
par télécommande, à distance La même
année, Pratt & Whitney reçut un contrat
analogue, mais pour travailler sur un réacteur dit "à
cycle indirect". Dans ce dispositif, la chaleur du réacteur
nucléaire était transférée à
l'air grâce à des échangeurs, ainsi les gaz
ne seraient pas [trop] radioactifs.
On construit un réacteur nucléaire pour avion
Au printemps de 1952, les travaux de General Electric avaient
progressé au point que la décision fut prise de
procéder à la construction d'un premier propulseur
et de l'essayer en vol à l'aide d'un B 36 modifié
(qui reçut la désignation X-6). A ce moment, le
premier vol était prévu pour 1956. Mais, en 1953,
l'ensemble du programme faillit bien être réduit
à néant lorsque le nouveau secrétaire d'Etat
à la Défense, Charles E. Wilson, décida son
abandon. Faisant la sourde oreille, l'US Air Force, avec le soutien
de l'AEC, poursuivit les travaux grâce à des budgets
qui n'avaient pas été utilisés. L'année
suivante, elle lança un programme de bombardier à
propulsion nucléaire (système d'armes WS-125A) pour
lequel deux équipes furent constituées: General
Electric associée à Convair, et Pratt & Whitney
associée à Lockheed.
Le réacteur de General Electric (désigné
P-1) était constitué de quatre turboréacteurs
J47 se partageant la chaleur d'un unique réacteur nucléaire
R-1. La poussée combinée de l'ensemble était
de l'ordre de 25 tonnes avec postcombustion. L'avion, conçu
chez Convair (désigné NX-2), avait une configuration
canard. Pour sa part, le propulseur de Pratt & Whitney était
constitué d'un gros réacteur à double flux
utilisant une turbine à vapeur de 49 000 ch pour entraîner
une soufflante de plus de trois mètres de diamètre.
L'air était réchauffé par le coeur du réacteur
nucléaire par l'intermédiaire d'échangeurs.
[...] En 1955, un réacteur nucléaire ASTR (Aircraft
Shield Test Reactor) fut installé à bord d'un B-36
(NB-36H "Crusader") afin, non pas de le propulser, mais
de recueillir des données sur les effets qu'un tel réacteur
pourrait avoir sur l'équipage. Le NB-36H vola le 17 septembre
1955 et réalisa 47 vols. Fin 1956, l'US Air Force considéra
que le concept du WS-125A était irréaliste et décréta
l'abandon pur et simple du programme. Toutefois, General Electric
continua de travailler sur ce type de réacteur jusqu'en
1959; de son côté, Pratt & Whitney
étudia un troisième moteur nucléaire qui,
cette fois, faisait appel à plusieurs réacteurs
J58 modifiés.
A lire absolument
(même s'il manque quelques indications sur la pollution
radioactive des différents prototypes) le dossier réalisé
par un "fana" des avions "La propulsion nucléaire aéronautique".
A lire dans la
presse scientifique française de l'époque:
- "L'avion
atomique", en PDF, Science et Vie n°492, septembre
1958.
- "L'avion atomique volera dans 5 ans", en PDF, Science et Vie n°456, septembre 1955.
Et pourquoi pas des dirigeables atomique... (Sciences et Avenir n°229, mars 1966)