Le Figaro, le 27 décembre 2006:

Iran: la manne pétrolière sera de courte durée

Malgré ses énormes réserves, le pays pourrait voir ses exportations de pétrole fondre d'ici à 2015, à cause du manque d'investissements.
 
LE MAINTIEN d'un prix élevé des hydrocarbures n'empêchera pas la manne pétrolière de l'Iran de diminuer de moitié d'ici à cinq ans, voire de disparaître à l'horizon 2015, selon Roger Stern, chercheur à la Johns Hopkins University. Dans une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States, le chercheur observe que la production de pétrole de l'Iran a été inférieure au cours des dix-huit derniers mois au plafond autorisé par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Il en déduit que l'industrie pétrolière iranienne est en déclin, rejoignant en cela l'opinion de nombreux experts (*).
 
65 % des recettes du budget
 
Conséquence, la République islamique risque de devoir diminuer sensiblement ses dépenses publiques. Les ventes de pétrole à l'étranger rapportent en effet chaque année quelque 50 milliards de dollars au budget iranien, soit plus de 65 % de ses recettes. Les conséquences d'une telle baisse ne seraient pas seulement économiques mais aussi sociales. L'État dépense près de 10 % du PIB (hors pétrole) pour subventionner les carburants. Le prix d'un plein d'essence coûte ainsi à peine plus d'un euro en Iran.
 
Le déclin attendu de la production de pétrole iranien a de quoi étonner s'agissant d'un pays qui dispose des premières réserves mondiales prouvées de pétrole. La compagnie nationale iranienne (Nioc) possède 370 milliards de barils équivalent pétrole de réserves, soit autant que la Saudi Aramco, compagnie publique d'Arabie saoudite.
 
Selon Roger Stern, le déclin des exportations de pétrole iranien serait une conséquence du déplacement des investissements publics du secteur des hydrocarbures vers les programmes nucléaires. L'Iran possède quelque 32 champs pétroliers qui sont, dans leur grande majorité, anciens et en mauvais état. Faute d'entretien, leur production devrait diminuer de 7 à 13 %, selon leur localisation sur terre ou en mer (*). Ce recul se traduirait par une perte de 350 000 barils par jour selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
 
L'Iran n'en affiche pas moins des objectifs d'extraction ambitieux. Téhéran envisage d'augmenter la production de pétrole d'un million de barils supplémentaires chaque jour jusqu'en 2010 ! Une ambition qui exigerait « des investissements estimés à 55 milliards de dollars à l'horizon 2015 » (*). Or on voit mal les compagnies étrangères se lancer dans de tels investissements. L'Iran a la réputation d'être le plus inhospitalier des pays du Moyen-Orient pour les compagnies pétrolières étrangères. Leurs marges y sont faibles et les contraintes qui pèsent sur elles fortes.
 
Dans une interview accordée hier à l'agence semi-officielle Fars, le ministre iranien du Pétrole, Kazem Vaziri-Hamaneh, s'est défendu en arguant que de nombreuses sociétés étrangères « ne coopèrent pas avec nous par peur des pressions américaines », ajoutant qu'en matière nucléaire, « les équipements à double usage (civil et militaire) que nous avions achetés par le passé ne sont pas livrés sous divers prétextes ».

(*) « La guerre de l'énergie n'est pas une fatalité », rapport d'information, Assemblée nationale, décembre 2006.

G. Q.
 

 

 

L'Iran pourrait vouloir du nucléaire face à une pénurie de pétrole

WASHINGTON (25 décembre 2006) - L'Iran souhaite développer le nucléaire civil pour éviter d'avoir à faire face dans les prochaines années à une pénurie d'énergie provoquée par le manque d'investissements dans le secteur pétrolier, estime une étude américaine rendue publique lundi. L'image de l'Iran comme producteur de pétrole aux vastes réserves est trompeuse, estime Roger Stern, chercheur à la Johns Hopkins University, dans cette étude publiée dans la revue "Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States". "Depuis 1980, la croissance de la demande énergétique (en Iran) a atteint 6,4%, ce qui est supérieur à la croissance de l'offre (+5,6%) et les exportations stagnent depuis 1996", souligne-t-il. Selon l'étude, la production de l'Iran a été inférieure lors des 18 mois écoulés au quota fixé par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), ce qui témoigne des difficultés de production dans ce pays. Roger Stern estime que cette crise énergétique potentielle pourrait faire chuter le régime actuellement en place à Téhéran. Mais il ajoute également qu'il n'y a pas de raison de douter des accusations des Etats-Unis et d'autres pays pour qui le programme nucléaire iranien a des objectifs militaires. "La dépendance du régime iranien vis-à-vis du revenu des exportations (pétrolières) laisse suggérer qu'il pourrait avoir autant besoin du nucléaire qu'il l'affirme", ajoute-t-il. "Notre étude suggère que le secteur pétrolier iranien ne sera pas capable d'attirer un investissement suffisant pour maintenir les exportations", indique M. Stern. "Les maintenir exigerait une augmentation de l'investissement étranger alors qu'il semble décliner". Selon l'étude, le fait que les prix du pétrole soient très largement subventionnés en Iran entraîne que l'entreprise nationale ne fait pas assez de bénéfices sur le marché iranien et dépend donc quasi-exclusivement des exportations. La croissance de la population entraîne toutefois une hausse de la demande intérieure à laquelle ne peuvent répondre des infrastructures vieillissantes. L'Iran, deuxième producteur de l'Opep derrière l'Arabie saoudite, se retrouve donc contraint d'importer certains produits pétroliers, souligne-t-on de même source. Les motifs politiques l'emportent aussi parfois sur le besoin d'investissement étranger. L'Inde a vu ainsi des conditions fixées pour l'exploitation d'un gisement de gaz naturel remises en cause après que Delhi n'ait pas voté avec Téhéran lors d'une réunion de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). "Le climat favorable à l'investissement dans le secteur pétrolier semble s'être grandement détérioré depuis la période 1998-2004, une période où l'investissement était déjà insuffisant pour faire face à un déclin de la production", affirme Roger Stern, pour qui "un investissement étranger nul est une possibilité". Il est en conséquence "plausible que les affirmations de l'Iran selon lesquelles il a besoin de l'énergie nucléaire sont réelles et trahissent l'inquiétude d'être confronté à un manque de revenus des exportations de pétrole", estime-t-il. "Le régime iranien serait dans un tel cas, beaucoup plus vulnérable qu'estimé actuellement", selon lui.

 


Les Echos, 27 décembre 2006:

Iran : une étude américaine justifie la volonté de Téhéran de développer le nucléaire civil

Une étude publiée dans la revue "Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States" estime que l'Iran pourrait connaître une pénurie de pétrole, faute d'investissements suffisants [question: et pourquoi ne pas investir dans le pétrole plutôt que dans le nucléaire ???]
L'Iran souhaite développer le nucléaire civil pour éviter d'avoir à faire face dans les prochaines années à une pénurie d'énergie provoquée par le manque d'investissements dans le secteur pétrolier, estime une étude américaine publiée dans la revue "Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States".
Selon Roger Stern, chercheur à la Johns Hopkins University, l'image de l'Iran en producteur de pétrole aux vastes réserves est trompeuse. "Depuis 1980, la croissance de la demande énergétique (en Iran) a atteint 6,4%, ce qui est supérieur à la croissance de l'offre ( 5,6%) et les exportations stagnent depuis 1996", fait-il remarquer. Ces dix-huit derniers mois, la production de l'Iran a été inférieure au quota fixé par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), ce qui témoigne des difficultés de production dans ce pays, fait aussi observer l'étude.
Le régime iranien est très dépendant du revenu de ses exportations pétrolières, explique Roger Stern. Or, souligne le chercheur, "le secteur pétrolier iranien ne sera pas capable d'attirer un investissement suffisant pour maintenir les exportations". "Les maintenir exigerait une augmentation de l'investissement étranger alors qu'il semble décliner", constate-t-il. Les exportations sont également essentielles car la compagnie nationale pétrolière fait peu de bénéfice compte tenu de prix très largement subventionnés en Iran. Les infrastructures sont de surcroît vieillissantes ce qui oblige l'Iran, confronté à la croissance de sa population et donc de la demande intérieure, à importer certains produits pétroliers.
Dans un tel contexte, il est en conséquence "plausible que les affirmations de l'Iran selon lesquelles il a besoin de l'énergie nucléaire sont réelles et trahissent l'inquiétude d'être confronté à un manque de revenus des exportations de pétrole", estime Roger Stern. "Le régime iranien serait dans un tel cas, beaucoup plus vulnérable qu'estimé actuellement", ajoute-t-il. Mais, souligne Roger Stern, il n'y a pas de raison de douter des accusations des Etats-Unis et d'autres pays selon lesquelles le programme nucléaire iranien a avant tout des objectifs militaires.