Il faut attendre la capitulation du Japon, au début du
mois de septembre pour que des observateurs étrangers pénètrent
dans la ville d'Hiroshima, seuls sont autorisés à
rentrer des correspondants agréés par les forces
d'occupation. Wilfrid Burchett, journaliste du Daily Express
est le seul correspondant de guerre, non agréé,
qui ait réussi à visiter Hiroshima dès le
début du mois de septembre. Son reportage fera la "une"
du Daily Express du 5 septembre.
« CE QUE J'ÉCRIS EST UN AVERTISSEMENT AU MONDE ENTIER ». Les docteurs s'effondrent en plein travail. Risques de gaz mortels ; tous portent des masques.
De notre envoyé spécial Burchett.
A Hiroshima, trente jours après la première bombe
atomique qui détruisit la ville et fit trembler le monde,
des gens, qui n'avaient pas été atteints pendant
le cataclysme, sont encore aujourd'hui en train de mourir, mystérieusement,
horriblement, d'un mal inconnu pour lequel je n'ai pas d'autre
nom que celui de peste atomique. Hiroshima ne ressemble pas à
une cité bombardée. Elle fait penser à une
ville sur laquelle serait passé un monstrueux rouleau compresseur,
qui l'aurait broyée, anéantie à jamais (...).
Dans ces hôpitaux, j'ai découvert des gens qui, tout
en n'ayant reçu aucune blessure au moment de l'explosion,
sont pourtant en train de mourir de ses mystérieux effets.
Sans raison apparente, leur santé vacille. Ils perdent
l'appétit. Leurs cheveux tombent. Des taches bleuâtres
apparaissent sur leurs corps. Et puis ils se mettent à
saigner, des oreilles, du nez, de la bouche.
Au début, les docteurs attribuèrent ces symptômes
à une faiblesse généralisée. Ils administrèrent
à leurs patients des injections de vitamine A. Les résultats
furent horribles. La chair se mit à pourrir autour du trou
fait par l'aiguille de la seringue. Et, chaque fois, cela se termina
par la mort de la victime. C'est là un des effets différés
de la première bombe atomique lancée par des hommes
et ce que j'ai vu m'a suffi (...).
On a dénombré 53 000 morts. 30 000 autres
personnes sont portées disparues, ce qui signifie qu'elles
ont succombé sans aucun doute possible. Pendant la journée
que j'ai passée à Hiroshima, 100 personnes sont
mortes des effets de la bombe : elles faisaient partie des 13 000
blessés graves de l'explosion. Depuis, elles meurent, à
la cadence de 100 par jour. Et, vraisemblablement, toutes sont
condamnées. Il y en a encore 40 000 autres qui ont
été légèrement blessées (...).
W. Burchett. Daily Express, 5 septembre 1945.