Des pannes prolongées d'électricité
durant cet hiver ont eu des répercussions importantes sur
l'économie californienne. De nombreuses analyses ont insisté
sur le fait que la dérégulation du marché
de l'électricité en Californie aurait contribué
à perturber le système. En effet les prix de vente
par les producteurs d'électricité sont restés
libres alors que ceux à la vente par les distributeurs
étaient maintenus fixes par l'état de Californie.
Le NIRS (Nuclear information
and resources service), organisme écologiste antinucléaire
américain, a une autre interprétation. Ces pannes
correspondraient à un déficit de puissance de 800
MW, déficit qui serait dû aux défaillances
du nucléaire californien marqué par deux incidents,
l'un à la centrale de San Onofre, l'autre à celle
de Diablo Canyon (ce sont les seules centrales de Californie)
ainsi que l'indique le titre de leur article du 22 mars " Peu de gens se sont aperçus
que l'accident sur le réacteur nucléaire de San
Onofre est la clé des black-outs californiens "*.
Janvier, à Diablo Canyon
Selon NIRS le manque d'électricité
du mois de janvier en Californie aurait été dû
en partie à un ouragan, les eaux de ruissellement ont entraîné
des algues dans la prise d'eau de la centrale de Diablo Canyon
obligeant l'exploitant à baisser la puissance des 2 réacteurs
à 20% afin d'éviter un accident de fusion du coeur.
[N'aurait-on pas dû les arrêter tout simplement ?]
Incendie le 3 février à la centrale californienne
de San Onofre (située au nord du comté de San
Diégo). Elle comporte 2 réacteurs PWR en fonctionnement
(n°2 et 3) de 1120 MW. Selon nos premières informations
reçues à Paris d'un correspondant américain
citant le journal Sacramento Bee, un incendie s'est déclenché
le 3 février au réacteur numéro 3. Il a démarré
dans une salle de commutateurs électriques, causant des
dommages importants à la turbine (au rotor, au supportage
et autres composants). Le réacteur s'est arrêté
automatiquement. " Aucune radioactivité n'a été
rejetée et personne n'a été blessé.
Le 2ème réacteur a continué à fonctionner
". Le réacteur devrait être arrêté
au moins jusqu'à la mi-mai. Le propriétaire majoritaire,
la Southern California Edison, indique qu'en fonction de la durée
de l'arrêt qui pourrait se prolonger jusqu'à la mi-juin,
la compagnie perdra entre 80 et 100 millions de dollars.
De son côté le NIRS précise que l'incendie
dû à un coupe-circuit défectueux a duré
3 heures avec perte de l'alimentation électrique externe
et déclenchement de l'arrêt d'urgence du réacteur.
La défaillance d'une pompe aurait détérioré
la turbine. Cet incendie est pour NIRS un " accident sérieux,
qui est resté virtuel et ignoré au milieu de l'attention
portée quotidiennement aux problèmes de l'électricité
en Californie. Il met en lumière la vulnérabilité
de systèmes reposant sur le nucléaire et démontre
clairement pourquoi on ne pourra jamais compter sur les réacteurs
atomiques pour nos besoins en énergie ".
Avec nos critères cet incendie est un
incident, heureusement pour les californiens, pas un accident,
mais c'est un incident sérieux. Rappelons que ce n'est pas la première
fois qu'un incendie se déclare dans un réacteur
et certains ont été plus graves. Pour mémoire,
l'incendie de Brown's Ferry, le 22 mars 1975 où un ouvrier
vérifiant avec une bougie la surpression de la salle des
câbles sur le réacteur en construction numéro
3, déclenche un incendie qui s'étend à tout
le câblage, mettant hors circuit le système de refroidissement
du coeur, le circuit d'injection de sécurité et
des vannes importantes du réacteur numéro 1 alors
en pleine puissance ! Les opérateurs réussiront
à arrêter manuellement le réacteur et à
refroidir le coeur par le RRA (circuit de refroidissement à
l'arrêt). Il a fallu aussi arrêter le réacteur
2. (" Les jeux de l'atome et du hasard ", J. P. Pharabod et J. P. Schapira, Calmann-Lévy,
1988).
Soulignons qu'avec le vieillissement de nos réacteurs français
les câbles électriques vont poser des problèmes
car leur isolement électrique ne sera plus assuré
correctement par les polymères qui les recouvrent et qui
se dégradent au cours du temps. Gare alors aux courts-circuits
générateurs d'incendies
Nous sommes bien d'accord avec NIRS sur la vulnérabilité
du nucléaire, en particulier lorsque Pau Gunter, l'un des
responsables, dit : " Utiliser l'énergie nucléaire
pour produire de l'électricité, c'est jouer à
la roulette russe. La plupart du temps on gagne, mais quand on
perd, les résultats peuvent être catastrophiques
". Heureusement ici il ne s'agit pour les californiens
que de perte d'argent.
Bella Belbéoch, 2 avril 2001.