À 4 h 55, deux agents de la GRC patrouillant
les rues de Yellowknife (T.N.-O.) écrasent les freins et
sont étonnés lorsqu'ils fixent le ciel obscur, qui
est alors traversé par un objet incandescent rouge vif.
Il s'agit de Cosmos 954, un satellite desurveillance maritime
soviétique, qui brille au moment de sa rentrée rougeoyante
dans l'atmosphère terrestre. Pendant sa chute, il brûle
et se désintègre, répandant ainsi des débris
partout sur la toundra arctique. Cela constitue un problème,
puisque Cosmos 954 est un satellite équipé d'un
petit réacteur nucléaire de bord. Si le coeur du
réacteur survit plus ou moins intact à la rentrée
dans l'atmosphère et se disloque au moment de l'impact,
la plupart des débris seront dangereusement radioactifs.
La chute de Cosmos
954 ne surprend personne. En novembre 1977, les responsables militaires
ont perdu le contrôle de Cosmos 954. Les services de renseignements
américains constatent sur leurs écrans radars que
quelque chose ne tourne pas rond. Le 1er décembre 1977
l'amiral MURPHY (adjoint au secrétaire de la Défense
des Etats-Unis) est mis au courant qu'un problème potentiellement
grave est en train de naître avec Cosmos 954. En janvier
1978 les experts américains prévoient une retombée
pour le 23 ou le 24 du mois. Le 12 janvier, les diplomates américains
abordent l'ambassadeur soviétique à Washington sur
le sujet. La réponse arrive deux jours plus tard : l'U.R.S.S.
confirme qu'elle a perdu le contrôle du satellite et que
celui-ci est porteur d'un chargement de matière radioactive.
Les 17 et 18 janvier certains membres du Congrès américains
sont mis au courant du problème et un plan est élaboré
au cas où la retombée se ferait sur le sol des Etats-Unis.
D'autres pays - notamment les membres de l'O.T.A.N. - sont eux
aussi mis au courant. Le 19 janvier les Soviétiques rassurent
les Occidentaux en leur précisant que le réacteur
nucléaire est conçu pour se désintégrer
lors de la rentrée atmosphérique. Les États-Unis
offrent leur soutien à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande
et au Canada, pays situés dans la trajectoire de vol de
Cosmos 954, pour les efforts d'assainissement après l'impact.
Quelques heures après la détection du satellite,
les FC lancent l'opération Morning Light, dirigée
par le colonel David Garland, commandant de la BFC Edmonton. En
se désintégrant, le satellite russe cause une pluie
de débris radioactifs qui s'étend sur quelque 124 000 kilomètres
carrés.
Les Américains dépêchent la Nuclear Emergency Search Team du département de l'Énergie, dirigée par le brigadier-général (retraité) Mahlon Gates. Deux cent vingt personnes des forces armées canadiennes et de la Nuclear Emergency Search Team ratissent la région jusqu'en octobre 1978, tentant de récupérer le plus de fragments possible du satellite. Mais, selon la Commission de contrôle de l'énergie atomique (aujourd'hui la Commission canadienne de la sûreté nucléaire), seulement 0,1 % de la source d'énergie atomique de Cosmos 954 est récupérée.
Les autorités canadiennes ont retrouvé, près de Fort-Reliance, des débris provenant vraisemblablement du réacteur, d'une radioactivité 1 500 fois supérieure à la dose limite généralement admise. Et les six spécialistes canadiens qui se trouvaient dans la région pour étudier la faune et la météo ont été placés sous contrôle...
À la fin des recherches, les experts concluent que le coeur du réacteur s'est "complètement consumé".
Un an plus tard, le 24 janvier 1979, le gouvernement canadien a demandé à Moscou de lui rembourser le coût des recherches (22 millions de francs français de l'époque). Les Soviétiques ont seulement accepté d'en payer une partie. Suite à cela, Evgueni FIODOROV, l'ambassadeur de l'Union soviétique aux Nations Unies a déclaré que son pays continuerait de mettre en orbite ce type de satellites mais prendrait des mesures pour éviter qu'un tel incident ne se reproduise.
Le 23 janvier 1984, un autre satellite soviétique, Cosmos 1402, s'est écrasé dans l'océan Indien. Aucun débris ne fut retrouvé.