Le Figaro, 20 février 2003:
Yves Lenoir : «Je
m'étonne que la perspective d'un réchauffement soulève
tant de crainte»
Chercheur à l'École nationale supérieure
des mines de Paris, Yves Lenoir, qui milite dans une association
écologiste, Bulle bleue, dénonce le catastrophisme
du lobby climatique et son argumentaire simpliste qui lie le réchauffement
global au seul accroissement des gaz à effet de serre.
Il répond à nos questions.
Le Figaro. Dans votre livre Climat de panique (1),
vous traitez le Giec de «machinerie climatocratique»,
pourquoi une critique aussi sévère ?
Yves Lenoir. Parce que cette institution, créée
sous l'égide de l'ONU en 1988, fonctionne comme une technocratie
au sens classique du terme. C'est-à-dire qu'elle génère
sa propre légitimité, invente un discours qui lui
donne raison et qui, s'il n'a pas force de loi, a au moins valeur
de paradigme. Le tout sans aucun contrôle démocratique.
D'un point de vue opérationnel, on s'aperçoit que
le Giec, comme la plupart des institutions onusiennes, bâtit
des projets scientifiques à long terme destinés
d'abord à lever des fonds. Une fois que la machine est
lancée, elle tourne toute seule et les financements arrivent
de façon quasi automatique. Il faut bien avoir ce fonctionnement
à l'esprit quand on se penche sur la question climatique
et le discours catastrophiste qui l'accompagne. Cette stratégie
visant à dramatiser les enjeux avait été
définie dès le début des années 80.
Au nom du principe de précaution, elle prônait des
mesures propres à limiter l'augmentation de l'effet de
serre, alors même que les simulations réalisées
à cette époque étaient entachées de
graves incertitudes. La presse s'en est aussitôt saisie
et, depuis, le catalogue des catastrophes annoncées, que
l'on ressasse à l'opinion de manière itérative,
n'a pas changé : sécheresses drastiques, montée
des eaux, disparition des glaciers, recrudescence des tempêtes...
Pourtant il est un fait que depuis 200 ans,
l'augmentation du CO2 (gaz carbonique) s'accompagne d'une hausse
générale des températures...
C'est faux. Le réchauffement a commencé à
se manifester dès le début du XVIIIe siècle,
juste après le petit âge glaciaire qui a durement
éprouvé la fin du règne de Louis XIV. A partir
de cette époque, on constate notamment que la fonte des
glaces sur les rivières finlandaises démarre de
plus en plus tôt au printemps. Les glaciers alpins commencent
eux aussi à reculer, pour ne citer que ces deux exemples.
Or l'essentiel des rejets de CO2 et de gaz à effet de serre,
liés aux activités humaines (industries, transports...)
s'est produit au cours du XXe siècle, soit pratiquement
deux cents ans après. Mieux, lorsque l'on étudie
le climat du passé, grâce aux carottages effectués
dans les glaces de l'Antarctique et du Groenland, on constate
certaines déconnexions entre la courbe du CO2 atmosphérique
et celle de la température. Sur certaines périodes
parfois assez longues, à l'échelle de plusieurs
siècles ou de plusieurs millénaires, il arrive même
que la variation ait lieu en sens contraire, avec une hausse de
CO2 accompagnée d'un... refroidissement. A d'autres moments,
la température augmente très fortement alors que
le gaz carbonique reste stable. Il arrive aussi, comme cela s'est
passé il y a 15 000 ans, à la fin de la dernière
glaciation, que le réchauffement précède
une augmentation de la concentration en CO2 et non l'inverse comme
le veut la théorie officielle. Tout simplement parce que
la hausse des températures a réactivé la
circulation océanique, ce qui a entraîné la
libération de volumes importants de CO2 jusqu'alors piégés
dans les eaux profondes.
Au fond, la prédiction du climat
à long terme n'est-elle pas une gageure ?
Vouloir simuler le climat n'est pas critiquable, c'est même
légitime. En revanche, ce qui est contestable, c'est l'interprétation
des résultats obtenus avec les modèles actuels.
Le Giec dit qu'il faut s'attendre au pire, que la catastrophe
est quasiment inéluctable. Cependant quand on regarde de
près, les comparaisons entre modèles montrent que
pour un même scénario, les prédictions divergent
d'un modèle à l'autre (les modèles sont réglés
a priori pour représenter à peu près correctement
le climat actuel). C'est le cas, par exemple, de la pluviométrie
ou encore de la température dans les hautes latitudes dont
les prédictions à un siècle varient jusqu'à
8 °C d'un modèle à l'autre. Cela prouve que
la science qui est à la base de ces prédictions
n'est pas établie.
Quels sont les facteurs qu'il faudrait mieux
prendre en compte ?
Les incertitudes actuelles reposent principalement sur le cycle
de l'eau. Sa complexité est telle qu'il est extrêmement
difficile de le modéliser. Songez que pour une région
donnée du globe, la teneur en eau de la colonne d'air située
au-dessus, entre le sol et la stratosphère, est extrêmement
fluctuante. Elle peut varier dans des proportions considérables
en seulement une journée. En rendre compte de façon
dynamique, dans des équations mathématiques, relève
de la mission impossible. En comparaison les gaz à effet
de serre comme le CO2 ou le méthane sont beaucoup plus
faciles à modéliser. Mais tant qu'on ne parviendra
pas à simuler correctement le cycle de l'eau, qui représente,
à lui seul, le tiers des échanges de chaleur à
l'échelle planétaire, on sera incapable de prédire
de manière satisfaisante les évolutions du climat
à long terme. Autre source d'erreur : les climatologues
refusent de tenir compte de l'évaporation artificielle
liée à l'action directe de l'homme sur le cycle
de l'eau, en particulier par le biais de l'irrigation. Or les
volumes d'eau ainsi mobilisés sont considérables
et leur impact sur la pluviométrie est au moins équivalent
à celui causé par la hausse de l'effet de serre.
Notons au passage que la surexploitation des nappes phréatiques
souterraines dans de nombreuses régions du globe contribue,
à elle seule, à élever le niveau de la mer
d'au moins un millimètre par an, indépendamment
de tout réchauffement climatique. Enfin le Giec refuse
de prendre en compte les fluctuations de l'activité solaire,
dont les variations parfois brutales, ont vraisemblablement une
action indirecte sur l'évolution du climat terrestre.
Finalement vous donnez raison aux États-Unis
lorsqu'ils refusent de ratifier le protocole de Kyoto sur la limitation
des rejets de CO2...
Au-delà de l'imperfection des modèles climatiques
actuels, je suis d'accord pour dire qu'on ne peut pas accroître
indéfiniment la concentration de CO2 et des autres gaz
à effet de serre dans l'atmosphère. On ne peut pas
faire n'importe quoi avec le vaisseau spatial Terre. Reste à
s'entendre sur la méthode. Sur ce point, deux conceptions
s'affrontent : d'un côté celle des Européens
qui prônent le «partage de la poubelle», autrement
dit une restriction des émissions de CO2 avec des quotas
par pays, de l'autre l'Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada)
et le Japon qui misent sur les progrès technologiques à
venir. Ces pays pensent, à mon avis à juste titre,
que l'on peut résoudre le problème en piégeant
le CO2. Les Norvégiens ont prouvé que les techniques
de stockage artificiel de gaz carbonique liquide dans des nappes
phréatiques profondes sont au point et bon marché.
En outre, le potentiel de stockage à l'échelle mondiale
est gigantesque. Même si c'est politiquement incorrect de
le dire, il ne faut pas se voiler la face : les Chinois et les
Indiens s'équipent, comme les Occidentaux, de voitures
et de climatiseurs. A moins de le leur interdire mais au
nom de quoi ? tout programme de réduction des émissions
de CO2 me semble voué à l'échec.
Pourquoi n'êtes-vous pas d'accord
avec la vision catastrophiste du Giec ?
Parce que les périodes de réchauffement ont toujours
correspondu à des âges d'or pour l'humanité.
Ce fut le cas il y a 8 000 ans, au Néolithique, avec l'invention
de l'agriculture et plus tard au Moyen Age entre le Xe et le XIIIe
siècle. A l'inverse les périodes de refroidissement
ont toujours été synonymes de baisse de récoltes
et donc de famines, de conflits voire d'épidémies
qui ont provoqué de véritables hécatombes.
Le XIVe est siècle a été, pour toutes ces
raisons, l'un des épisodes les plus noirs de l'histoire
de l'Europe. Du coup, je m'étonne que la perspective d'un
éventuel réchauffement soulève tant de craintes
et de préventions...
(1) Climat de panique. Yves Lenoir, éd., 2001, 18,90 ¤.
Propos recueillis par Marc Mennessier
A lire a propos du "réchauffement climatique":
- Dossier CRIIRAD : Nucléaire et effet de serre, Trait d'union n°23/24 en Pdf, 2003.
- Nucléaire et effet de serre : à chacun ses chiffres (Les réalités de l'écologie n°13 en Pdf)
- Pas
de certitude scientifique sur le climat
Il faut rappeler que la preuve scientifique
n'a pas besoin de l'unanimité pour exister... La difficulté
avec la question du réchauffement est que s'opposer à
sa cause plébiscitée peut être perçu
comme un soutien à la pollution, ce qui est évidemment
faux.
L'année la plus chaude du XXe siècle
? Réponse 1934...
et une des plus froides depuis un siècle ? Réponse 2007...
- Des fraises à Noël à Liège en 1116 et des figuiers à Cologne vers 1200... (en PDF), La Recherche n°321, juin 1999
- Ce que nous apprennent les thermomètres
(en PDF), La Recherche n°321, juin 1999
De 1700 à 1730, "la température s'est élevée
de 1,79 °C en à peine trente ans, ce qui correspond
à un réchauffement beaucoup plus important et plus
rapide que les 0,6 °C observés au cours du XXe siècle"
- L'élevage contribue beaucoup au réchauffement climatique...
On ne sortira pas du nucléaire sans les centrales à
charbon, fioul, gaz
- Yves Lenoir dénonce le
discours catastrophiste sur l'évolution du climat (Note
de lecture, voir la
préface de son livre)
- La serre, les gaz et ... la température
des pôles (Pdf, Antoine Godinot,
juillet 2003)
- Les prophètes de l'été carbonique, (dossier
en PDF 2,3 Mo, Science et Vie n°827, août 1986),
il faut se rappeler que 10 ans avant certains climatologues prédisaient
une nouvelle aire glaciaire à cause des activité
polluante de l'homme, lire: Le temps change, cycle ou accident ? (Science
& Vie n°708, septembre 1976), Vers une nouvelle ère glaciaire ? (Sciences
& Avenir n°337, mars 1975)
- Vers un refroidissement
de l'Europe ? (en PDF), La Recherche n°295
février 1997
- Les pôles fondent-ils ?
(en PDF, 1,5 Mo), La Recherche n°358, novembre 2002
- "Le C02 n'agit pas seul", Science & Vie hors série "ENERGIE les défis à venir" n°214, mars 2001.
MILAN (AP) - Il risque de faire de plus en plus froid en Europe occidentale dans les décennies à venir à cause du réchauffement climatique, la fonte des glaces dans l'Arctique refroidissant actuellement l'océan Atlantique dont la chaleur exerce une influence importante sur le climat tempéré de l'Europe, ont annoncé des experts lors d'une conférence des Nations unies sur le réchauffement de la planète à Milan.
Si les glaces du Groenland et de l'Arctique continuent à fondre à leur rythme actuel, les températures de l'Europe baisseront fortement après cinq décennies -ou plus- de hausse. Ce retournement pourrait entraîner des problèmes pour les régions qui, d'ici là, se seront adaptées à des conditions plus tropicales, ont précisé ces scientifiques et ces écologistes.
"Pour atténuer la hausse et l'accélération de ce réchauffement, nous devrions prendre des mesures vraiment radicales, beaucoup plus importantes que celles proposées (par le protocole de Kyoto)", a expliqué vendredi Jonathan Bamber, de l'Université de Bristol.
Selon M. Bamber, des flux croissants d'eau venus de l'Arctique pourraient déclencher un ralentissement ou une dérivation du Gulf Stream, le courant qui amène de l'eau chaude du Golfe du Mexique vers l'Atlantique Nord, réchauffant ainsi les eaux et le climat de l'Europe occidentale.
M. Bamber a également affirmé que dans les cinq prochaines années, l'Europe risque de connaître des conditions de plus en plus dangereuses dans les Alpes. L'été dernier, pour la première fois, certaines parties du Cervin et du Mont-Blanc ont été interdites au public par crainte des chutes des pierres provoquées par la glace et la neige.
Et pendant la vague de chaleur sans précédent qui a traversé l'Europe cet été, 10% des neiges éternelles des Alpes italiennes ont fondu, a annoncé Damiano Di Simine, président de la branche italienne de la Commission internationale pour la protection des Alpes. Selon lui, 1,5 milliard de mètres cubes d'eau a déjà été perdu, alors qu'il s'agit d'une ressource essentielle pour certaines cultures intensives du nord de l'Italie, comme le riz.
"Chaque année, nous perdons beaucoup d'eau, entre 5 et 10% de la glace alpine. Donc d'ici 20 ou 30 ans, nous risquons d'avoir tout perdu", a-t-il ajouté.
Plus tôt cette semaine, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) a publié un rapport affirmant que le réchauffement climatique menaçait certaines stations de ski, la fonte des neiges à basse altitude contraignant les sportifs à skier de plus en plus haut dans les montagnes.
Malgré ce pronostic sinistre, Bill Hare, directeur de Greenpeace International chargé des problèmes de climat, a mentionné les efforts européens visant à réduire les émissions de gaz contribuant à l'effet de serre, ainsi que les progrès importants concernant l'application de politiques et de technologies susceptibles de ralentir le changement climatique.
Le protocole de Kyoto appelle les pays à réduire les émissions de gaz contribuant à l'effet de serre qui contribuent fortement au réchauffement climatique. Les participants à la conférence de Milan débattent des risques de ne voir jamais aboutir ces recommandations parce que les Etats-Unis rejettent le protocole et que la Russie ne l'a pas ratifié.
"Le problème le plus dur et le plus fondamental à surmonter actuellement, c'est les Etats-Unis", a souligné Bill Hare. "Et tant que les Etats-Unis n'auront pas bougé, les autres n'avanceront pas vite".
AP