Le Canard Enchaîné, décembre 2000:
La plupart des quotidiens ont publié, le 19 décembre, un communiqué invitant les acheteurs d'un modèle de montre " Trophy " à la rapporter dans un magasin Carrefour pour en obtenir le remboursement. Motif: une "faible radioactivité au niveau du bracelet ". Cela fait cinq semaines que ces montres assaisonnées aux becquerels sont en circulation. Mais Carrefour, soucieux de ne pas ternir son image, n'était pas pressé de faire du tapage autour de cette histoire. Pendant plus d'un mois, la chaîne s'est contentée d'afficher un panneau dans le rayon bijouterie. Résultat, le rappel a tourné au bide: à peine 30 % des montres ont été rapportées. Ce qui signifie que 3 000 d'entre elles environ sont encore au poignet d'acheteurs qui, sans le savoir, absorbent en permanence leur dose quotidienne de rayonnement.
Alerte au Tricastin
L'alerte a été donnée,
par le plus grand des hasards, à la centrale nucléaire
du Tricastin. Un agent qui se présentait le 9 novembre
au contrôle de routine a fait tinter le signal d'alarme.
Ce qui a surpris ses collègues, car il ne sortait pas de
la zone sensible où il était susceptible d'être
contaminé : il y entrait ! Après fouille minutieuse,
il s'est avéré que c'était sa montre, toute
neuve, qui " crachait
" quelques radiations...
Une enquête a aussitôt été déclenchée. Ce modèle de montre " Trophy " importé de Chine n'a été vendu que par Carrefour, dans ses 220 hypermarchés, au prix de 249 F, C'est le bracelet métallique, et plus précisément les petites broches permettant de l'ajuster au poignet, qui est en cause. Ces petites pièces, qui pèsent 0,2 g, contiennent du cobalt 60, probablement mélangé par erreur au métal qui a servi à la fabrication. (non c'est du recyclage des déchets de l'industrie)
" Il n'y a pas de danger immédiat ", a déclaré d'Office de protection contre les rayonnements ionisants (Opri). Mais cet organisme officiel a demandé le retrait de la vente, et invité Carrefour à rappeler les montres déjà vendues.
Vice caché
Manque de chance, Carrefour venait
d'être mis en cause pour la commercialisation de viande
de buf douteuse, et était en pleine campagne de pub, par
pages entières dans toute la presse, pour ses produits
d'appel, de la télé au kilo de bananes, avec cette
angoissante question: " Yen aura-t-il jusqu'à ce soir
? "... Du coup, le groupe de distribution n'a pas fait de
zèle. Un petit communiqué bien discret, quelques
panneaux dans les rayons horlogerie, c'est tout.
Dans certains magasins, les vendeurs ont même expliqué, pour éviter le vilain mot " radioactif ", que le bracelet pouvait causer des " allergies ". D'autres ont affirmé qu'il s'agissait d'une " contrefaçon ", raison pour laquelle elle était rappelée et remboursée !
Dose d'officier
La presse, qui bénéficie de la manne de ses campagnes publicitaires, s'est bien gardée de contrarier ce puissant annonceur en donnant du retentissement à cette histoire. Résultat: très peu de résultat. Et l'Opri ainsi que le Service de la répression des fraudes commencent à s'impatienter. Car les expertises ont montré que chaque axe métallique représente 1000 becquerels, et délivre une dose de 40 microsieverts (l'unité de mesure de la radioactivité subie) par heure. En prenant l'exemple d'une personne qui garderait la montre durant un an, la dose reçue serait de 300 millisieverts (= 30 Rem). Or la dose maximale admissible pour ce type d'exposition est de 50 millisieverts (dose pour le corps entier), soit six fois moins. Et encore, il s'agit des doses tolérées pour les travailleurs du nucléaire, pas pour le commun des mortels.
Après longue et douloureuse réflexion, Carrefour, qui s'avouait " pas très satisfait " du nombre des retours, a donc lancé dans la presse un nouvel appel. Mais sous la signature de " Vedette Industrie ", le fabricant de la fameuse montre, modèle Tchernobyl. Il ne faudrait pas que les mauvaises radiations contaminent les ventes de Noël...
Louis-Marie Horeou.
CRIIRAD Sept.
2003:
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Fax. +33 (0)4 75 81 26 48
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Montres et réveils radioactifs -
Communiqué CRIIRAD
(format word)
Des objets type montres, chronographes et réveils
incorporant du tritium continuent d'être commercialisés
en France...
Information complémentaire
(format word)
Voici le texte d'une dépêche AFP
du 10 novembre :
" 19h12 Carrefour doit rappeler des montres radioactives
PARIS, 10 nov (AFP) la chaîne de distribution Carrefour
a dû suspendre la commercialisation de montres pour homme
qui présentent "une faible radioactivité au
niveau de leurs bracelets métalliques" mais "n'engendrent
pas de danger immédiat", a annoncé vendredi
l'Office de protection des rayonnements ionisants (OPRI).
"Les niveaux des doses mesurées sur les montres déjà
expertisées n'engendrent pas de danger immédiat
pour les usagers", a indiqué l'OPRI.
"Quoiqu'il en soit, l'addition du radioélément
artificiel dans un objet de consommation courante est contraire
à la législation en vigueur et en particulier au
code de la santé publique", a-t-on indiqué
de même source.
Quelque 4500 montres de marque Trophy, à aiguilles, ont
été mises en vente par Carrefour à partir
du 26 octobre, au prix de 249 F, et "un tiers environ du
stock initial (...) a déjà été vendu",
a précisé l'OPRI.
Les mesures initiales "donnent à penser que près
de 50% des montres mises en vente sous le numéro de série
T65007 3 (gravé au dos du boîtier) " présente
cette faible radioactivité, due au cobalt 60, selon ce
communiqué ".
Commentaire
Il ne semble pas que ce communiqué
ait attiré l'attention des journalistes. Or il s'agit dans
cette affaire d'acier contaminé en provenance d'installations
nucléaires. Ce cobalt 60 ne peut provenir ni des essais
nucléaires, ni de Tchernobyl.
1 - Aucune indication n'est donnée pour le niveau de radioactivité
des bracelets de montre et l'activité par kilogramme d'acier.
Aucune indication n'est donnée sur le débit de dose
au contact de la peau au niveau du poignet.
2 - Qui a détecté cette radioactivité ? D'où
cet acier provenait-il ? On parle beaucoup en ce moment de traçabilité
des aliments, mais si ce concept reste virtuel pour la nourriture,
il n'est pas même évoqué pour tous les objets
vendus dans le commerce.
3 - Si ce cobalt 60 s'est trouvé dans l'acier de ces bracelets,
il est certain qu'on doit en trouver ailleurs, dans de nombreux
objets en acier. Une enquête est-elle envisagée ?
4 - "L'Office de protection des (sic) rayonnements
ionisants (OPRI)" est mentionné dans le communiqué.
Curieusement (est-ce un hasard ?), pour l'AFP cet office a pour
mission la " protection des rayonnements " et
non " la protection contre les rayonnements ionisants
", titre officiel de cet office. Il
est vrai que le souci des responsables de cet office quand ils
interviennent publiquement, semble bien être la protection
des rayonnements ionisants et non pas la protection de la population
contre ces rayonnements.
Par exemple le Professeur Jean-François Lacronique, le
chef de l'OPRI, de retour d'une réunion de travail du Comité
scientifique des Nations unies sur les effets des radiations atomiques
(UNSCEAR), déclare, au sujet des conséquences de
Tchernobyl, en somme un " Pellerinage " sur la situation
sanitaire en Biélorussie et en Ukraine, dans un courrier
du Monde du 4 septembre 2000 que, à part une augmentation
des cancers de la thyroïde chez les enfants, " (...)
les enfants nés depuis Tchernobyl ne souffrent d'aucune
maladie. Les effets économiques, psychologiques, sociaux
en sont durables et dramatiques (...)". Pour le dire
autrement ces populations seraient en pleine psychose. Ce sont
des divans et des psychanalystes dont elles ont besoin et pas
d'une aide sanitaire ! C'est indécent.
5 - Le communiqué de l'AFP rapporte que d'après
l'OPRI " les niveaux de doses mesurées sur les
montres déjà expertisées n'engendrent pas
de danger immédiat pour les usagers ". Aucune
indication sur les niveaux de doses mesurés. Ce "
danger immédiat " qui est mentionné
ici est, ce qu'en radioprotection, on appelle les effets aigus
du rayonnement qui apparaissent assez rapidement à la suite
d'irradiations très importantes. Mais ces effets biologiques
du rayonnement ne sont pas les seuls qui existent : aux faibles
doses les effets sont différés et peuvent apparaître
des dizaines d'années après l'irradiation. Le fait
pour l'OPRI d'indiquer qu' " il n'y a pas de danger immédiat
" signifie en toute logique qu'il pourrait y avoir des effets
différés, ce que tous les experts en radioprotection
reconnaissent quand ils sont entre eux mais qu'ils réfutent
généralement quand ils interviennent médiatiquement.
6 - La période du cobalt 60 est de 5 ans. C'est à
dire qu'au bout de 5 ans la radioactivité a perdu la moitié
de son intensité. Ces montres ne sont donc pas perdues
pour Carrefour, il suffit qu'elles soient entreposées pendant
quelques décades (de 50 à 100 ans) pour que la radioactivité
devienne très faible. Au fait où est donc entreposé
le stock récupéré ?
Questions
Est-ce que Carrefour va poursuivre
en justice le fournisseur de ces montres pour lui avoir vendu
des montres illégales ?
Ce fournisseur des montres de Carrefour va-t-il poursuivre en
justice ceux qui lui ont vendu l'acier pour fabriquer ces bracelets
de montre ?
La justice, va-t-elle intervenir dans cette affaire totalement
illégale, indépendamment des intérêts
économiques en jeu c'est à dire des producteurs
et des marchands sans tenir compte des conséquences sanitaires
pour les consommateurs et la population ?
Les médias expliqueront-ils l'importance de ce couac qui
pourrait être l'événement précurseur
d'une invasion de déchets nucléaires dans notre
environnement quotidien ? Dans ce cas la responsabilité
civile et pénale pourrait être étendue aux
médias pour leur silence et/ou leur incompétence.
Roger Belbéoch, 25 novembre 2000.